À l'issue des élections législatives des 12 et 19 juin 2022, la XVIe législature a officiellement débuté le 28 juin, il y a un peu moins d'un an. Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, le gouvernement et la coalition présidentielle se sont efforcés d'obtenir des majorités texte par texte. Tour d'horizon des principaux projets de loi adoptés au cours de la première année de la législature.
Projets de loi, propositions de loi, propositions de résolution... Depuis le début de la législature, l'Assemblée nationale a définitivement adopté 68 textes. Un travail législatif effectué dans un contexte particulier puisque, pour la première fois depuis 30 ans, le gouvernement ne dispose pas de majorité absolue au Palais-Bourbon. De plus, situation inédite, l'exécutif est confronté à des oppositions qui représentent l'ensemble des forces politiques du pays avec, de part et d'autre de l'hémicycle, le Rassemblement national et La France insoumise qui ont fait élire plusieurs dizaines de députés.
Dans la foulée des élections législatives, cette recomposition laissait songeurs certains observateurs quant à la capacité de l'Assemblée à légiférer. Un an plus tard, hormis sur les textes budgétaires (projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale), ainsi que sur la réforme des retraites, qui ont conduit le gouvernement à utiliser le 49.3, le gouvernement a réussi à trouver des majorités à géométrie plus ou moins variable.
Préoccupation des Français qui ne s'est pas démentie depuis, la législature s'est ouverte sur des textes consacrés au pouvoir d'achat : le projet de loi "portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat" et le projet de loi de finances rectificative pour 2022. Malgré des discussions parfois houleuses, au cours desquelles ce sont exprimées des doctrines économiques et sociales très différentes, l'adoption des deux textes en plein cœur de l'été avait permis au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, de revendiquer une première "victoire politique".
Parmi les mesures inscrites dans ce "paquet" pouvoir d'achat : la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, la suppression de la redevance audiovisuelle, la poursuite du bouclier tarifaire sur l'énergie et de la remise carburant, la hausse de 4% des pensions de retraites et de plusieurs allocations, le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5%, le triplement du plafond de la prime dite "Macron", ou encore la reprise de 100% du capital d'EDF par l’État.
La Nupes avait alors fustigé une alliance de fait entre la majorité présidentielle et Les Républicains, qui avaient voté en faveur des deux textes présentés par le gouvernement. Le Rassemblement national s'était également prononcé en faveur des mesures d'urgence, mais s'était abstenu sur le budget rectificatif.
Comme l'avait esquissé Emmanuel Macron à Belfort en 2022, la première année de la législature a acté la relance du nucléaire via le projet de loi destiné à prolonger les centrales existantes et à accélérer la construction de nouveaux réacteurs. À rebours des choix qui avaient été effectués lors de la décennie précédente. La loi a supprimé l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l'horizon 2035.
Le texte a été examiné en pleine tempête liée à la réforme des retraites. Ce qui ne l'a pas empêché d'être largement adopté, notamment par une majorité des députés communistes. Les députés RN, LR et Liot, ont eux aussi voté le texte final.
En parallèle du nucléaire, les députés ont été amenés à se prononcer sur l'autre versant de la politique énergétique. Le projet de loi "relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (EnR)" a également été adopté avec l'une des "majorités de projet" chères à la Première ministre, Élisabeth Borne, mais différente de celle trouvée sur le nucléaire, la plupart des députés PS et Liot s'étant majoritairement prononcés en faveur du texte.
Consacrant des "zones d’accélération" pour le développement des EnR dans une planification partant de l'échelle communale, plusieurs amendements des députés écologistes, qui s'étaient finalement abstenus sur le texte, avaient été adoptés, notamment en faveur de la préservation de la biodiversité maritime et océanique dans le déploiement de l'éolien en mer. Également porté par le groupe Écologiste, ainsi que par les groupes La France insoumise et Socialistes, mais aussi de certains membres de la majorité, un amendement avait abaissé le seuil pour la surface des parkings emportant l’obligation d’installer des panneaux solaires, la faisant passer de 2500 mètres carrés à 1500 mètres carrés.
À la fin de l'examen du texte, le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian (Renaissance), s'était réjoui d'"un travail de co-construction assez inédit", avec 351 amendements adoptés, dont 167 issus de l'opposition.
Promesse du quinquennat précédent, la "grande loi" sur la sécurité a été votée en début de législature, avec le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en première ligne pour défendre ce texte prévoyant une hausse des crédits de 15 milliards d'euros sur 5 ans, ce qui permettra notamment la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes supplémentaires.
La "Lopmi", loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, ambitionne en outre de permettre la transformation numérique de la place Beauvau et de mieux faire face à la menace cyber. Elle renforce, par ailleurs, les peines prévues pour les rodéos urbains et les violences contre les élus. Le texte prévoit enfin des mesures consacrées à l'accueil des victimes.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, qui comporte un volet conséquent destiné à sécuriser l'événement. Le texte autorise notamment l'expérimentation de la vidéosurveillance "intelligente", via l'utilisation d'une intelligence artificielle, rend possible l'utilisation de scanners corporels à l'entrée des stades et élargit la procédure des enquêtes administratives - ou criblages - diligentées sur les personnes accédant à certains événements.
Au cours de cette première année de législature, la réforme de l'assurance chômage a introduit un changement de taille : un mécanisme de modulation de l'indemnisation des chômeurs, en fonction de la conjoncture économique.
La loi durcit également les conditions d'indemnisation. Elle ne donne plus droit au chômage en cas d'abandon de poste et supprime les allocations pour les salariés en fin de contrat à durée déterminée qui refuseraient un CDI deux fois sur une période d'un an.
Ce texte a suscité de nombreuses critiques à la gauche de l'hémicycle, les groupes de la Nupes dénonçant un affaiblissement des droits des salariés au détriment des plus fragiles. En réponse, la majorité présidentielle - appuyée par Les Républicains - a souligné les difficultés de recrutement rencontrées par certains secteurs et réaffirmé l'objectif d'atteindre le plein-emploi.
Sans surprise, la réforme des retraites a été le catalyseur des antagonismes dans l'hémicycle. Le véhicule législatif choisi par le gouvernement a constitué la première pomme de discorde, les oppositions déplorant notamment de disposer d'un temps limité pour débattre du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale portant la réforme.
Durant l'examen du texte à l'Assemblée, les députés n'ont pas eu le temps de débattre et de voter sur l'article prévoyant de faire passer l'âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans. Les différents groupes se sont cependant largement exprimés sur le sujet au cours des débats. Et en réponse aux critiques sur le véhicule législatif, la majorité présidentielle, ainsi que le Rassemblement national et une partie des Républicains, ont reproché à la Nupes en général et à La France insoumise en particulier de mener une stratégie d'obstruction ne permettant pas d'examiner le texte dans son ensemble.
Les Républicains, dont le soutien à la réforme était initialement attendu par le gouvernement se sont, par ailleurs, divisés au point de conduire Élisabeth Borne à recourir au 49.3. Le 16 février, après 175 heures de débats au Parlement, la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement. Les oppositions ont riposté en déposant deux motions de censure, la motion "transpartisane" portée par le groupe Liot échouant à faire tomber le gouvernement à seulement 9 voix près.
Après la validation de l'essentiel de la réforme par le Conseil constitutionnel, la bataille des retraites s'est poursuivie jusqu'à l'examen de la proposition de loi du groupe Liot, qui visait à abroger la retraite à 64 ans. Après l'échec du texte, une nouvelle motion de censure déposée par la Nupes a, cette fois, été largement rejetée.
Outre les projets de loi du gouvernement, l'Assemblée nationale a définitivement adopté plusieurs propositions de loi, souvent à l'initiative des groupes de la majorité, parfois d'origine transpartisane.
Parmi les propositions de loi présentées par la majorité, le texte visant notamment à lutter contre les squats, porté par Guillaume Kasbarian (Renaissance), a été définitivement adopté le 14 juin. Alors que la France fait face à une pénurie de soignants, la proposition de loi destinée à améliorer l'accès aux soins, dont Stéphanie Rist (Renaissance) a été la rapporteure, a aussi été votée définitivement.
Parmi les textes transpartisans figurent la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, initiée par la sénatrice Valérie Létard (Union centriste), ou encore la loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, portée par Arthur Delaporte (Socialistes) et Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance).