La réforme des retraites devrait être présentée dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, ce qui aura pour effet de limiter le temps d'examen du texte, permettant au gouvernement d'éviter un éventuel blocage à l'Assemblée nationale, sans même avoir forcément recours au 49.3. Pour ce faire, le gouvernement mise aussi sur un accord avec Les Républicains.
Et si l'assurance tous risques du gouvernement contre une éventuelle tentative de blocage de la réforme des retraites par une partie des oppositions ne résidait pas dans la possibilité de recourir à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, mais dans une procédure législative qui permettrait de limiter le temps d'examen du texte au Parlement ?
Sur le fond, la Première ministre Elisabeth Borne dévoilera le contenu de la réforme des retraites mardi 10 janvier. Puis, le texte sera présenté en Conseil des ministres le 23 janvier. Concernant le véhicule législatif, le choix de l'exécutif semble arrêté. De sources concordantes au sein de la majorité et du gouvernement, la réforme sera présentée dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS).
Le choix d'un tel véhicule législatif, plutôt que d'un projet de loi classique, n'est pas anodin. Un tel texte ne peut aborder que les sujets liés aux recettes ou aux dépenses du régime de base de la Sécurité sociale, ce qui est une contrainte pour le gouvernement, puisque cela limite le champ de la réforme. Cependant, l'essentiel des sujets que le gouvernement compte traiter pourront l'être. À commencer par la question de l'âge légal de départ à la retraite, puisque la mesure aurait impact financier sur la branche vieillesse.
Surtout, le choix de passer par un texte de nature budgétaire comporte plusieurs avantages pour l'exécutif, car c'est la procédure législative prévue pour un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), fût-il rectificatif, qui s'appliquera.
Le président de la République l'a dit à plusieurs reprises et confirmé lors de ses vœux du 31 décembre, il souhaite voir la réforme des retraites s'appliquer "dès la fin de l'été 2023". Un PLFRSS permet en l'occurrence au gouvernement de faire avancer sa réforme dans des délais raccourcis par rapport à un projet de loi classique :
Parmi les opposants les plus farouches à la réforme, les députés de La France insoumise semblent, à ce stade, surtout concentrés sur l'hypothèse d'un recours au 49.3 par le gouvernement. Pour ce qui est de sa propre stratégie, le groupe LFI entend mener la bataille en déposant un maximum d'amendements pour ralentir l'examen du texte, afin de se faire entendre dans l'hémicycle de l'Assemblée et en espérant que faire durer le débat permettra à la mobilisation sociale de prendre de l'ampleur.
Mais les stratèges de l'exécutif et de la majorité comptent sur la limite des 20 jours prévue par la Constitution pour couper court à une éventuelle stratégie d'obstruction et éviter le procès en passage en force qui résulterait de l'utilisation du 49.3. À quelques jours de la présentation de la réforme, le camp présidentiel espère que cette limite de temps permettra de décourager les velléités de blocage et que l'examen du texte pourra aller à son terme à l'Assemblée. Dans le cas contraire, le gouvernement pourrait se contenter d'attendre la fin du délai pour transmettre la réforme au Sénat. Sans recourir au 49.3 et sans que les députés ne votent sur l'ensemble du texte en première lecture.
Politiquement, Les Républicains détiennent la clé d'une adoption de la réforme sans recours au 49.3. Et le gouvernement travaille en ce sens. Sur le fond, le Sénat, à majorité de droite, semble très proche de la version du texte qui devrait être présentée par le gouvernement à l'issue des arbitrages en cours.
Interrogé sur BFMTV-RMC le 5 janvier, le président du Sénat a évoqué une réforme "indispensable pour sauver un des piliers de notre modèle social". Gérard Larcher a également défini un cahier des charges constitué par le "passage progressif de 62 à 64 ans", l’accélération de la réforme Touraine, une "attention particulière" portée aux carrières longues, à celles hachées des femmes, à la pénibilité et à la formation des seniors.
Le débat parlementaire, c'est s'écouter, c'est débattre de projets d'amendements, ce n'est pas à prendre ou à laisser. Gérard Larcher
"La position du Sénat, elle est sereine", a aussi assuré le président de la Chambre haute, avant de se montrer confiant sur la possibilité d'un accord avec les députés LR, notamment si le gouvernement écoute les propositions qui seront faites sur la revalorisation des petites retraites. En fin d'année, le président du groupe "Les Républicains" à l'Assemblée, Olivier Marleix, s'était vivement opposé au report de l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans, mais les propos d'Elisabeth Borne, laissant présager une ouverture à 64 ans, pourraient contribuer à rapprocher les points de vue.
De fait, la stratégie du gouvernement semble aujourd'hui consister à obtenir le soutien de la droite au Parlement, afin de parvenir à un accord en commission mixte paritaire, ce qui ouvrirait la voie à un vote de la réforme sans recours au 49.3. Dans le Journal du dimanche, le président des Républicains, Eric Ciotti, s'est dit prêt à "voter une réforme juste" ce qui suppose, selon lui, que sa famille politique soit entendue, notamment sur le rythme du report de l'âge légal de départ, ainsi que sur la possibilité pour les retraités actuels de bénéficier de la revalorisation du minimum retraite à 1200 euros prévue par le gouvernement.