Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) compte se saisir de sa "niche" parlementaire, le 8 juin prochain, pour faire obstacle à la réforme des retraites. Son président, Bertrand Pancher, a déposé ce jeudi 20 avril une proposition de loi "abrogeant le recul de l'âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d'une conférence de financement du système de retraite".
Validée par le Conseil constitutionnel, la réforme des retraites pourrait-elle encore trébucher sur le parcours d'obstacles érigé par les oppositions ? Alors qu'un deuxième référendum d'initiative partagée (RIP) porté par les parlementaires de gauche est soumis à l'examen des Sages de la rue de Montpensier, et que l'hypothèse d'une nouvelle motion de censure a été évoquée par La France insoumise, c'est une initiative centriste qui pourrait s'avérer la plus efficace à paralyser la réforme.
"La promulgation de la loi n'entraîne ni sa validation politique ni son acceptation sociale", peut-on lire dans l'exposé des motifs de la proposition de loi "abrogeant le recul de l'âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d'une conférence de financement du système de retraite". "Nous considérons que nous n'avons pu aller au bout du 'cheminement démocratique'. D'autant que le texte promulgué est encore plus 'dur' que le texte initialement considéré comme adopté". Les membres du groupe LIOT font ici référence aux mesures visant à favoriser l'acceptabilité sociale de la réforme, et jugées, à l'instar de l'index séniors, comme relevant de "cavaliers sociaux" par le Conseil constitutionnel.
Contrairement à la motion de censure dont ils avaient déjà été à l'initiative le 20 mars, et qui pour aboutir, aurait dû obtenir la majorité absolue des voix (soit 289 suffrages sur 577 députés), une proposition de loi n’a besoin que d’une majorité simple de votants pour être adoptée. La motion de censure transpartisane ayant été rejetée à 9 voix près, et certains députés critiques de la réforme issus des groupes Les Républicains et LIOT, ayant alors fait valoir qu'ils ne sauraient sauter le pas consistant à faire tomber le gouvernement, une issue favorable pour la proposition de loi n'est pas à négliger. Cependant, si le texte venait à être adopté par les députés, il devrait également l'être par les sénateurs, qui avaient voté en faveur de la réforme des retraites le 11 mars dernier.
De quoi se rassurer du côté de la majorité. "Le Sénat votera contre", fait valoir Sylvain Maillard (Renaissance) auprès de LCP, tout en émettant de sérieux doutes quant à la possibilité pour la proposition de loi de prospérer à l'Assemblée : "Arithmétiquement c'est compliqué. On verra comment ça se passe en commission, mais si la donne reste la même qu'il y a un mois, ça va être difficile."
Côté calculs, le président du groupe LIOT se veut optimiste, considérant que les mêmes dilemmes ne se poseront pas à certains députés indécis qui n’avaient finalement pas voté la motion de mars. "Une motion de censure, c'est un acte politique, on veut renverser le gouvernement. Là c'est clair, la question étant : 'est-ce que vous êtes pour ou contre l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite', je pense que cela va quand même libérer beaucoup de parlementaires". Pour Bertrand Pancher, pas de sortie de crise sans que l'Assemblée nationale ne puisse se prononcer une bonne fois pour toutes sur la mesure d'âge.
S'il n'exclut pas qu'une éventuelle obstruction de la majorité le 8 juin fasse obstacle à la tenue de ce vote, il compte sur une forme de retenue de ses membres. "J'espère que la majorité relative ne va pas se ridiculiser en faisant encore une obstruction à la discussion de notre texte. Franchement ça suffit, cette hyper-concentration des pouvoirs !".
Si l'examen à venir de la proposition de loi gèle au moins jusqu'au 8 juin les discussions avec la Nupes quant à l'hypothèse d'une nouvelle motion de censure commune, Bertrand Pancher indique que son groupe "n'exclut rien". "On a une possibilité de faire reculer le gouvernement et la majorité à travers ce texte", estime le député. "À chaque temps suffit sa peine, s'il y a un fait politique nouveau, nous verrons bien".
Le groupe "Socialistes et apparentés" avait également déposé le 19 avril sur le bureau de l'Assemblée une proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites. Dépourvu d'une fenêtre de tir parlementaire pour pouvoir l'inscrire à l'ordre du jour des semaines à venir, le groupe a indiqué par la voix de son président, Boris Vallaud, la mettre "à la disposition des groupes qui voudraient l’inscrire dans leur niche". Suite au dépôt par le groupe LIOT de sa propre proposition de loi, Boris Vallaud a salué "une très bonne nouvelle", et s'est réjoui des échéances à venir du "1er mai dans la rue et le 8 juin dans l'hémicycle".