Après dix jours de débats, l'Assemblée nationale a achevé, jeudi 1er juin, l'examen en première lecture de la loi de programmation militaire (LPM), prévoyant 413 milliards d'euros entre 2024 et 2030 pour les armées françaises. Avant le vote solennel prévu mercredi 7 juin, retour sur les principales dispositions du texte.
Mercredi 7 juin à 15 heures, l'Assemblée nationale se prononcera, en première lecture, sur la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, lors d'un vote solennel. Qualifiée par le ministre Sébastien Lecornu de "loi de rénovation et de transformation", la LPM prévoit 413 milliards d'euros pour les armées françaises sur l'ensemble de la période.
Lors des débats, les groupes de la majorité (Renaissance, Horizons et Démocrate) n'ont eu de cesse de défendre un effort inédit face à des oppositions prudentes ou réservées, qui n'ont cependant pas exprimé d'hostilité frontale et globale au texte. Avant le vote solennel de mercredi sur un projet de loi attendu par les armées, retour sur les principales dispositions du texte, enrichi par les débats en commission et dans l'hémicycle.
C'est un chiffre qui n'a cessé d'être martelé tout au long des débats : la prochaine loi de programmation militaire prévoit 413 milliards d'euros pour les armées françaises - un chiffre en forte hausse par rapport à la LPM 2019-2025 (+118 milliards d'euros).
Le montant, comme la trajectoire budgétaire sur sept ans, ont été au coeur des débats entre l'exécutif, défendant des "augmentations historiques" et visant un doublement d'ici à 2030 du budget des armées françaises par rapport à 2017, face à des oppositions déplorant "effets d'annonces" et trajectoire budgétaire illusoire, compte tenu d'une inflation persistante et d'une répartition des plus fortes hausses budgétaires après 2027, date des prochaines élections présidentielle et législatives.
Alors que le manque d'investissement chronique dans les armées françaises a conduit à la suppression de plus de 68 000 emplois entre 2009 et 2019, selon les travaux de l'historien Patrice Buffotot, la LPM 2024-2030 prévoit près de 100 milliards d'euros pour les ressources humaines des armées et l'ouverture de 6.300 postes, avec 700 nouveaux postes ouverts dès 2024 et 2025. Un objectif qui, s'il est réalisé, dépasserait les augmentations de postes réalisées par la précédente LPM, selon les chiffres de la Cour des comptes (voir ici).
Dans la prolongation des efforts déployés dans le cadre du "Plan Famille 2" par le ministère des Armées, dont la première mouture avait été saluée par un rapport parlementaire fin 2021, le texte appelle, notamment dans le rapport annexé à l'article 2, à poursuivre les efforts entrepris en la matière. Par ailleurs, alors que les questions d'espionnage reprennent de l'importance, le projet de loi crée une obligation de déclaration auprès du ministère des Armées d'activités réalisées pour des entités étrangères avec la possibilité d'un véto.
Pour réaliser la "transformation" appelée de ses vœux par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, la loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit également plusieurs "patches". Ces investissements prioritaires dans des secteurs spécifiques doivent assurer, selon le ministre, la "[montée] en puissance sur des domaines indispensables à notre souveraineté."
Alors que la guerre en Ukraine a rappelé la nécessité de disposer de solides systèmes de défense antimissiles et antiaériens en cas de conflit avec une puissance étrangère, 5 milliards sont programmés dans le rapport annexé sur la période pour la défense surface-air. Le cyber (4 milliards), les drones et robots (5 milliards), les stocks de munitions (16 milliards) et la fabrication d'un porte-avions nouvelle génération (10 milliards), critiquée par les députés écologistes et communistes, figurent parmi les priorités stratégiques de développement pour les armées françaises.
Autre aspect de la LPM : renforcer le lien Armées-Nation. Alors qu'un rapport parlementaire rédigé en 2021 appelait à "l'urgence d'une stratégie cohérente", la LPM 2024-2030 prévoit une augmentation conséquente de la réserve opérationnelle. Actuellement estimée à 40.000 personnes, le texte prévoit un doublement des effectifs d'ici 2035, pour atteindre "l’objectif d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active", selon l'article 6 du projet de loi.
Les anciens militaires seront incités à rejoindre la réserve opérationnelle. De nouvelles structurations de réserve sont envisagées, afin de favoriser la réactivité des forces de sécurité en cas de menace : plusieurs "réserves territoriales (gestion locale de crises, sanitaires ou climatiques", ainsi qu'une "réserve opérationnelle industrielle", ont vocation à être créées sur la période. La possibilité de recourir à la réserve, encadrée par l'article L-2171-1 du Code de la Défense, a également été modifiée : celle-ci, actuellement mobilisable par le seul Premier ministre, peut désormais être sollicitée en Conseil des ministres.
A noter que si le Service national universel (SNU), décrié par la Nupes, a été l'objet de débats lors des discussions sur le rapport annexé, aucune disposition normative n'est prévue le concernant dans la LPM. Sarah El Haïry, Secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et du SNU, a notamment indiqué que sur ce sujet "le temps du débat parlementaire [n'était] pas arrivé".
A l'exception des députés communistes ayant déposé une motion de rejet préalable lors du lancement des débats dans l'hémicycle, aucun groupe parlementaire n'a manifesté d'hostilité frontale au projet de loi de programmation militaire. Les groupes d'opposition ont longuement bataillé sur le rapport annexé à l'article 2, qui présente les grandes priorités du gouvernement en matière de défense pour les prochaines années : trois quarts des amendements adoptés en séance publique (149 sur 198 amendements) ont été consacrés à amender ce rapport.
Au cours des débats, les oppositions ont affiché des positionnements plus ou moins nuancés sur le texte, des députés communistes et écologistes qui ont exprimés leurs critiques à propos de la dissuasion nucléaire et au sujet du porte-avions de nouvelle génération, à la droite qui a choisi un soutien prudent par la voix de Jean-Louis Thériot (Les Républicains) évoquant une "loi raisonnable", sans que cela présage du vote de l'ensemble de son groupe.
Rares sont les groupes, hormis ceux de la majorité, à avoir pour l'heure ouvertement affiché leurs intentions avant les explications de vote qui auront lieu mercredi 7 juin, à partir de 15 heures, dans l'hémicycle de l'Assemblée.
A l'issue du vote solennel en première lecture, le projet de loi sera transmis au Sénat. L'exécutif table sur une adoption définitive avant le 14 juillet, ce qui permettrait à Emmanuel Macron de promulguer la loi le jour de la Fête nationale.