Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté, ce mercredi 20 novembre, la proposition de loi "d’abrogation de la retraite à 64 ans" présentée par La France insoumise. Voté par les députés du Nouveau Front populaire, avec le renfort des élus du Rassemblement national, le texte sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale jeudi 28 novembre. Dans la configuration politique actuelle et compte tenu du processus législatif, l'abrogation de la réforme restera cependant hors de portée.
Il s'agit d'une première victoire pour les opposants à la réforme des retraites de 2023. Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté, ce mercredi 20 novembre, la proposition de loi "d’abrogation de la retraite à 64 ans" présentée par La France insoumise (35 "pour", 16 "contre", 3 abstentions). Le texte a été défendu par les groupes du Nouveau Front Populaire et voté avec le renfort des députés du Rassemblement national. Il doit maintenant être débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale la semaine prochaine, jeudi 28 novembre, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe présidé par Mathilde Panot.
La proposition de loi vise à "revenir à un âge de départ [à la retraite] à 62 ans avec 42 années de cotisation afin que l'âge de départ effectif soit le plus proche de 62 ans", a expliqué son rapporteur, Ugo Bernalicis (La France insoumise). Il s'agit, en somme, d'abroger la réforme des retraites du gouvernement Borne de 2023, mais aussi celle de 2014, portée par Marisol Touraine, lors du quinquennat de François Hollande.
Ugo Bernalicis a profité de la discussion pour dénoncer "l'injustice" que constitue selon lui la réforme de 2023 pour "le Parlement mais aussi et surtout par le pays tout entier". "Les principales victimes de cet allongement de l'âge sont d'abord les femmes", a déploré le député du Nord, qui a également cité ceux qui exercent "les métiers les plus pénibles", "ceux qui sont éloignés de l'emploi" et "les jeunes".
Le Rassemblement national, qui avait proposé son propre texte d'abrogation en octobre, a soutenu la proposition de loi de La France insoumise. "Ce matin, sans les députés du groupe RN, rien ne pourra se faire et demain non plus dans l'hémicycle", a souligné Thomas Ménagé (Rassemblement national). "Votre texte est le même que le nôtre et, nous, nous ne sommes pas sectaires", a déclaré l'élu du Loiret, rappelant ainsi le refus des députés de gauche de soutenir le texte qui avait été présenté par le RN.
Les groupes du socle gouvernemental, qui se savaient minoritaires ce mercredi matin, ont défendu les "avancées concrètes" de la réforme des retraites de 2023. Et fustigé La France insoumise qui, selon les mots de Prisca Thévénot (Ensemble pour la République), "en est aujourd'hui réduite à copier les propositions de loi venant du Rassemblement national". De son côté, Thibault Bazin (Droite républicaine) a jugé "irresponsable" le texte adopté par la commission : "Un système sous-financé structurellement mettrait en péril notre système de retraite par répartition."
Le député LIOT Laurent Panifous (membre du PS jusqu'en 2022) a tenté de limiter la portée de la proposition de loi de La France insoumise en défendant un amendement visant rétablir au sein du texte les dispositions de la réforme des retraites de Marisol Touraine adoptée en 2014 lors du quinquennat de François Hollande. Laurent Panifous espérait ainsi maintenir à 43 annuités la durée nécessaire pour partir à la retraite à taux plein (contre 42 dans la proposition de loi de LFI). "La réforme de madame Touraine était difficile, mais elle avait le mérite d'être juste", a notamment expliqué le député de l'Ariège.
Soutenu par Arthur Delaporte (Socialistes) qui a estimé qu'il fallait "savoir choisir ses combats" pour "ne pas fracturer le front social", l'amendement n'a pas été adopté. Selon lui, le maintien des dispositions de la réforme Touraine aurait permis d'obtenir "le texte le plus consensuel, le plus large possible".
Ce soutien des socialistes aux dispositions de la réforme de Marisol Touraine est "une preuve supplémentaire de la Tartufferie" du Nouveau Front populaire et de son "incohérence", a commenté Thomas Ménagé (RN). Malgré le rejet de l'amendement de Laurent Panifous, les députés PS ont voté en faveur de la proposition de loi de La France insoumise dans son ensemble.
L'adoption par la commission de la proposition de loi de LFI n'est que le début d'un long parcours législatif : en cas d'adoption du texte dans l'hémicycle du Palais-Bourbon jeudi 28 novembre, celui-ci sera transmis au Sénat, où la droite est majoritaire. L'hypothèse d'une adoption conforme de la proposition de loi par les sénateurs, ce qui entraînerait son adoption définitive - et par conséquent l'abrogation de la réforme des retraites - est donc exclue.
Tout comme la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP) qui donnerait, à terme, le dernier mot à l'Assemblée nationale. En effet, seuls le Premier ministre, ou une demande conjointe des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ont la capacité de provoquer une CMP sur une proposition de loi. Or, ni Michel Barnier, ni Yaël Braun-Pivet, ni Gérard Larcher, ne soutiennent l'abrogation de la réforme des retraites.
Dans la configuration politique actuelle, la proposition de loi "d’abrogation de la retraite à 64 ans" risque donc de rester bloquée dans la navette parlementaire entre l'Assemblée le Sénat. Encore faut-il qu'après le vote du texte en commission, les partisans de l'abrogation l'emportent aussi dans l'hémicycle la semaine prochaine ce qui, à ce stade, n'a rien de certain, le gouvernement et les groupes qui le soutiennent n'ayant pas l'intention d'offrir une victoire, symbolique mais aussi très politique, aux oppositions.