Abrogation de la réforme des retraites : après avoir été vidé de sa substance en commission, le texte du RN rejeté dans l'hémicycle

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Thomas Ménagé, le 31 octobre 2024.
Thomas Ménagé, le 31 octobre 2024. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 31 octobre 2024 à 19:45, mis à jour le Jeudi 31 octobre 2024 à 20:45

L'Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi du Rassemblement national "visant à restaurer un système de retraite plus juste". Les principales mesures du texte, qui prévoyait notamment d'annuler le report de l'âge légal de départ en retraite à 64 ans, avait été supprimées en commission la semaine dernière. Les députés RN ont dénoncé le "sectarisme de la gauche" et se sont dits prêts à voter en faveur de l'abrogation de la réforme des retraites qui sera proposée, le 28 novembre, par le Nouveau Front populaire.

L'Assemblée nationale a rejeté, ce jeudi 31 octobre, la proposition de loi du Rassemblement national visant à "restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités" (119 pour, 197 contre). Un vote qui a eu lieu au terme d'un débat très tendu et très politique alors que, sur le fond, le texte avait été vidé de sa substance lors de son examen en commission des affaires sociales, le mercredi 23 octobre.

Dans la proposition de loi telle qu'elle avait été initialement présentée, les députés RN voulaient revenir sur la réforme du gouvernement Borne en ramenant l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans (au lieu de 64 ans) et en ramenant à 42 annuités (au lieu de 43) la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein. Mais les deux articles portant ces mesures avaient été supprimés par la commission, avec les voix des élus du Nouveau Front populaire et du socle gouvernemental.

Pour tenter de les réintégrer dans le texte en vue de son examen dans l'hémicycle, le RN avait donc déposé des amendements de rétablissement. Une tentative qui s'est heurtée à la décision de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à laquelle il revenait d'apprécier la recevabilité financière de ces amendements au regard de de l'article 40 de la Constitution. Celui-ci interdit aux députés de déposer des amendements qui ont "pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". En juin 2023, la même décision avait été prise concernant une proposition de loi du groupe LIOT

Résultat, jeudi matin, les députés ont examiné un texte vidé de sa substance, qui ne permettait plus d'abroger formellement la réforme des retraites. Le Rassemblement en a profité pour porter le débat dans l'hémicycle de l'Assemblée : "Je pense que parler de la retraite, ce n'est jamais une perte de temps", a déclaré à la mi-journée la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen.

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"Sectarisme de la gauche"

En début de séance, le rapporteur du texte Thomas Ménagé (RN) a fustigé à la tribune la réforme "sacrificielle, injuste, inutile" de 2023, contre laquelle il y a aujourd'hui une "majorité absolue" au sein du Palais Bourbon. Et le député du Loiret de dénoncer "le sectarisme de la gauche et de l'extrême gauche", favorables à l'abrogation, mais qui ont refusé de soutenir le texte du RN en commission.

De leur côté, les députés du Nouveau Front populaire estiment que la proposition de loi du Rassemblement national n'avait aucune chance d'aboutir : le parti présidé par Jordan Bardella n'ayant pas de groupe au Sénat et ne pouvant donc pas y inscrire lui-même son texte. "L'extrême centre et l'extrême gauche se servent la soupe en permanence", a commenté Thomas Ménagé, dénonçant des "magouilles".

La gauche a, comme en commission, vivement attaqué le Rassemblement national, accusé par Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI) de "fraude sociale", ainsi que les députés RN, qualifiés par Sandrine Runel (Socialistes) d"imposteurs". "Si vous vouliez vraiment abroger la réforme des retraites, c'était assez facile, vous auriez pu censurer le gouvernement de Michel Barnier", a ajouté l'élue. Les membres du NFP ont, en outre, rappelé qu'ils proposeront leur propre texte visant à abroger la réforme des retraites, le 28 novembre prochain, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise.

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Le groupe Rassemblement national a d'ailleurs annoncé qu'il était prêt à voter en faveur de la proposition de loi de l'alliance de gauche quand celle-ci sera examinée dans l'hémicycle. "Lorsque cette abrogation reviendra, nous la voterons", a confirmé jeudi Marine Le Pen, qui déploré le "comportement sectaire" des députés du Nouveau Front populaire. 

"Une opération de com'"

Pour sa part, le gouvernement a fustigé la "réponse un peu trop facile" du Rassemblement national et mis en cause sa proposition de loi qui a "le retour en arrière comme seule perspective". "Il faut avoir le courage de le dire, il va falloir travailler plus tout au long de la vie, mais aussi mieux", a expliqué la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet.

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La ministre, qui a rappelé la volonté du Premier ministre Michel Barnier de prévoir des "aménagements justes et raisonnables" de la réforme, a présenté quelques pistes comme les "retraites progressives", de "nouveaux contrats seniors", ou encore de "nouveaux cumuls emploi-retraite". "Les partenaires sociaux ont commencé à négocier sur l'emploi des seniors et sur l'assurance chômage", a ajouté Astrid Panosyan-Bouvet. 

"Ce texte est irrecevable et vous le saviez parfaitement, tout cela n'est qu'un jeu pour vous" a quant à elle dénoncé Prisca Thévenot (Ensemble pour la République) en s'adressant au Rassemblement national. Les membres du socle gouvernemental en ont en outre appellé à la "responsabilité" des députés Thibault Bazin (Droite républicaine) a notamment qualifié d'"opération de com'" la proposition de loi du RN, qui provoquerait selon lui "soit une baisse des pensions pour les retraités, soit une augmentation des cotisations, c'est-à-dire une baisse du pouvoir d'achat pour les actifs".

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Prochaine étape, le 28 novembre

Le texte finalement rejeté ne contenait, à la fin de l'examen, que des demandes de rapport sur l'impact de "la natalité sur le financement du système de retraite", sur "l’impact des différentes réformes du système de retraite français menées depuis le début des années 2000", ou sur l'impact de la réforme de 2023 sur les carrières longues.

"Nous venons de passer près de cinq heures pour rien", a déploré Thibault Bazin (DR). "C'était du vide, c'était une perte de temps, et nous vous donnons rendez-vous pour débattre du texte qui contient l'abrogation de la réforme des retraites dès le 28 novembre" a pour sa part déclaré la présidente du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain

La journée du 28 novembre marquera donc un nouvel acte dans la bataille des retraites que se livrent les députés depuis son adoption définitive, en avril 2023. Cette fois, si le le Rassemblement national vote effectivement le texte du Nouveau Front populaire, qui obtiendrait par ailleurs le renfort de députés du groupe LIOT et de députés non inscrits, une majorité existerait en commission et dans l'hémicycle pour faire passer l'abrogation. A condition notamment que les débats puissent aller à leur terme en séance publique, une "niche parlementaire" étant limitée à une journée, de 9h à minuit

Compte tenu de l'état des forces en présence à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen a souligné l'importance de son groupe et interpellé la gauche : "Si le Rassemblement national ne vient pas au soutien du vote de l'abrogation de la réforme des retraites [proposée par le NFP], elle ne peut pas être votée." Si cette proposition de loi était votée, il ne s'agirait cependant que d'une adoption en première lecture qui n'abrogerait en rien, à ce stade de la procédure législative, la réforme des retraites.