L'Assemblée nationale, qui examine en première lecture le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, a adopté l'article 3 qui prévoit une enveloppe globale de 413 milliards d'euros sur l'ensemble de la période, ainsi que la trajectoire budgétaire dessinant une augmentation des crédits année après année.
Si l'hémicycle de l'Assemblée nationale comporte de nombreuses marches pour monter dans les travées, ce sont d'autres "marches", budgétaires celles-là, que les députés ont décidé de gravir dans la nuit du vendredi 26 au samedi 27 mai. Au terme de la première semaine d'examen du projet de loi de programmation budgétaire, ils ont en effet débattu de l'enveloppe globale et de la de hausse des crédits prévues pour répondre aux besoins des armées françaises dans les années à venir.
Adoptée en commission de la défense et à l'ordre du jour de l'hémicycle la semaine prochaine encore, la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 prévoit 413 milliards d'euros sur l'ensemble de la période. Un montant en forte hausse par rapport à la LPM 2019-2025, qui prévoyait 295 milliards d'euros.
Au-delà de la modernisation de la dissuasion nucléaire, cette hausse des crédits doit permettre la "transformation" des armées françaises, selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, notamment par un recrutement accru de personnels et des investissements dans les nouveaux champs de conflictualité (cyber, espace, fonds marins).
Sur le papier, la future LPM 2024-2030 prévoit 413 milliards d'euros pour répondre aux défis et aux enjeux en matière de défense. Comme l'indique le texte issu des travaux de la commission ci-dessous, l'objectif est d'augmenter le budget annuel dévolu aux armées - marche après marche - d'une année budgétaire à l'autre. Ainsi, si la loi était adoptée et exécutée de manière conforme, les crédits pour l'année 2030 représenteraient 68,91 milliards d'euros, tandis que les crédits pour l'année 2024 sont fixés à 47,04 milliards d'euros, la progression sur la période formant un budget des armées françaises en escalier.
Pour permettre une augmentation de 21 milliards d'euros sur la période, le gouvernement prévoit une augmentation annuelle des crédits de 3 milliards d'euros par an entre 2024 et 2027, avant une augmentation annuelle encore plus importante de 4,3 milliards d'euros par an entre 2027 et 2030.
La concentration des efforts budgétaires à partir de 2027, date des prochaines élections présidentielle et législatives, n'a pas manqué d'être évoquée par les divers groupes d'oppositions, qui y ont vu une manière de faire porter la partie la plus importante de l'effort sur le prochain quinquennat, une partie de la hausse prévue étant en outre grignotée par l'inflation.
Après avoir critiqué des moyens pour les armées françaises "dilapidés par les gouvernements successifs", Frank Giletti (Rassemblement national) a appelé par un amendement, rejeté, à prévoir une marche plus haute en 2024. Les Républicains, notamment Jean-Louis Thériot, ont quant à eux présenté plusieurs amendements, rejetés également, proposant plusieurs trajectoires de lissage, d'inversion ou de concentration des efforts (voir ici ou là).
Proposant également par un amendement "d'inverser" la répartition des efforts budgétaires, Anna Pic (Socialistes) a craint qu'"avec l'inflation, on risque d'arriver à une stagnation" des efforts budgétaires en faveur des armées, tandis que Julien Bayou (Ecologiste) a souhaité, par un amendement, ramener le gouvernement à la "réalité budgétaire" : celle d'une stagnation des dépenses pour les services publics. Leurs amendements, comme ceux défendus par les députés de La France insoumise Bastien Lachaud ou Aurélien Saintoul, ont également été rejetés.
Les groupes d'oppositions ont, par ailleurs, été nombreux à pointer des insuffisances dans la trajectoire proposée par le gouvernement : si l'alinéa 1 de l'article 3 indique que le budget total prévu est de 413 milliards, le tableau de ventilation des dépenses indiquant un montant total de 400 milliards d'euros.
Les oppositions ont accusé le gouvernement de ne pas présenter une programmation budgétaire claire et complète. Aurélien Saintoul (LFI) a ainsi regretté l'absence d'une "vraie programmation" et Bastien Lachaud (LFI) a appelé à un "amendement du gouvernement" apportant des précisions à ce sujet, sans que le gouvernement n'y donne suite.
Pour le gouvernement, ce différentiel s'explique par une certain nombre de "ressources extrabudgétaires" qui proviendront notamment de cessions immobilières et de redevances domaniales permettant d'atteindre l'objectif de 413 milliards. Le rapporteur du texte, Jean-Michel Jacques (Renaissance), ainsi que le ministre des Armées Sébastien Lecornu, ont souligné le fait que cette LPM n'était pas la première à prévoir le recours à ces ressources complémentaires, ajoutant : "Par quelque bout que vous la preniez, la copie [la trajectoire budgétaire, ndlr] qu'on vous présente est cohérente."
Comme l'indique la table du scrutin public ici, l'article 3 a été adopté avec les voix des groupes de la majorité présidentielle (Renaissance, Démocrate, Horizons), ainsi que celles des Républicains. Les députés de La France insoumise ont voté contre, tandis que les députés des groupes Socialistes, Écologiste et Rassemblement national se sont abstenus.
L'examen de la loi de programmation militaire reprendra mardi 30 mai, après les questions au gouvernement.
Mise à jour samedi 27 mai 14h06 : ajout d'une citation de Sébastien Lecornu à propos de la trajectoire budgétaire de la LPM.