Les députés de la commission de la défense ont entamé, mardi 9 mai au soir, l'examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Face au gouvernement et à la majorité défendant un effort inédit en faveur des armées, deux appréciations du texte cohabitent au sein des oppositions, entre critiques modérées et frontales.
Après sa présentation en Conseil des ministres et l'audition du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, qui avait défendu début avril une loi de "de rénovation et de transformation", l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030 a commencé, mardi 9 mai au soir, en commission de la défense de l'Assemblée nationale.
Le projet de loi, quatorzième texte du genre depuis 1960, prévoit 413 milliards d'euros sur sept ans, soit un tiers de plus que la précédente loi de programmation, pour accompagner les évolutions structurelles des armées françaises (cyber, renseignement, porte-avions nouvelle génération). Un quart sera, par ailleurs, alloué aux ressources humaines des armées (pour en savoir plus, voir notre article, ici).
Préalablement à l'examen des amendements et des articles, un tour de parole liminaire a permis d'entrevoir le positionnement politique des dix groupes qui composent l'Assemblée nationale, entre soutien au texte émis par les groupes de la majorité et critiques plus ou moins frontales du projet de loi par les oppositions.
Les députés de la commission de la défense et des forces armées ont ensuite commencé l'examen du texte en adoptant le premier article introductif, puis ont entamé l'examen des amendements rattachés à l'article 2 (voir le texte ici).
Après avoir ouvert la séance sur un hommage rendu à Arman Soldin, coordinateur vidéo de l'Agence France Presse tué par une attaque de roquettes en Ukraine, le président de la commission Thomas Gassilloud (Renaissance) a jugé la LPM "à la hauteur des enjeux vertigineux auxquels la France fait face", de l'émergence de "nouveaux espaces de conflictualité" (cyber, fonds marins, espace) au retour de potentiels conflits de haute intensité.
A sa suite, le rapporteur du texte, Jean-Michel Jacques, a détaillé les "cinq axes" du texte. Pour le député Renaissance, si la LPM 2019-2025 a permis une "réparation" des armées françaises après des décennies de sous-investissement, la prochaine doit acter leur "transformation" - une idée reprise par Anne Genetet (Renaissance), qui a salué une "politique de rupture."
L'expression liminaire de l'ensemble des groupes politiques sur le projet de loi a permis d'observer deux types de positionnements de la part des oppositions. Plusieurs groupes ont ainsi exprimé une opposition feutrée à la LPM, en pointant surtout des insuffisances.
Le député Laurent Jacobelli (Rassemblement national), a ainsi déploré des "effets d'annonces" et un report des efforts budgétaires les plus importants prévus par le texte après 2027.
De manière analogue, le député Jean-Louis Thériot (Les Républicains), a salué les efforts considérables portés par la LPM, mais déploré plusieurs "trous capacitaires pas totalement traités". De son côté Christophe Naegelen (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) a insisté sur l'insuffisance de la clause de revoyure de la LPM, proposée par le ministre des Armées à mi-parcours budgétaire en 2027.
A gauche, Mélanie Thomin (Socialistes et apparentés) a pointé le "brouillard" dans lequel est plongé l'examen de la LPM, et affirmé que son groupe adopterait une "position de responsabilité" durant l'examen du texte : ni "blanc-seing au gouvernement", "ni obstruction de courte de vue."
Tout en partageant ces critiques, plusieurs groupes de la Nupes ont aussi émis une opposition plus radicale de la prochaine loi de programmation militaire.
Le député Bastien Lachaud (La France insoumise) a ainsi critiqué la qualité légistique, selon lui, insuffisante du projet de loi du gouvernement, rédigée "à la hâte" et manquant de "sérieux" - une critique formulée particulièrement à l'égard du rapport annexé figurant à l'article 2 et présentant les "orientations relatives à la politique de Défense".
Cyrielle Chatelain (Ecologiste) et Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine) ont également critiqué une place de la dissuasion nucléaire "disproportionnée", selon le mot de la première, tandis que le secrétaire national du Parti communiste a jugé que les moyens alloués à la dissuasion nucléaire "vampiris[aient] l'essentiel de nos autres moyens d’actions".
La présidente du groupe écologiste a aussi appelé à un meilleur contrôle parlementaire des exportations d'armes et interrogé la "viabilité financière" du projet de loi, tandis que le député communiste a fait part de sa crainte que la France n'ait, avec une telle LPM, "une paix de retard".
Après ce coup d'envoi nocturne, les députés de la commission de la défense et des forces armées poursuivront toute la semaine l'examen de la loi de programmation militaire. Le texte est programmé en séance publique, dans l'hémicycle, à partir du 22 mai.