Les députés entament, ce lundi 27 mai, l'examen du projet de loi sur la fin de vie, qui vise notamment à instaurer une "aide à mourir". Un peu plus de 3300 amendements ont été déposés sur le texte, notamment concernant les critères ouvrant l'accès à l'aide à mourir et sur les modalités de mise œuvre de celle-ci. Tour d'horizon des amendements qui vont animer les débats.
3315... C'est le nombre d'amendements qui ont été enregistrés par les services de l'Assemblée nationale en date de ce lundi 27 mai, alors que les députés commencent, cet après-midi, l'examen du projet de loi "relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie" dans l'hémicycle. Les élus du Palais-Bourbon auront deux semaines pour débattre des articles du texte, tels que modifiés pour certains par la commission spéciale qui a effectué un premier examen du projet de loi, et des amendements qui ont été déposés en vue de la séance publique.
Sans surprise, nombre d'amendements concernent des débats qui ont déjà largement émaillé l'examen en commission spéciale. Et, au premier chef, le critère du pronostic vital engagé "à court ou moyen terme", qui constitue selon le texte initial l'une des conditions de l'accès à l'aide à mourir. Contre l'avis du gouvernement, cette formulation qui avait concentré les critiques au cours des auditions préparatoires, a été remplacée par la notion d'affection "en phase terminale ou avancée", comme l'ont proposé des élus Socialistes et Renaissance. Le gouvernement souhaite revenir sur cette modification, la jugeant "trop large" et englobant des maladies inflammatoires et neurodégénératives - maladie de Parkinson ou sclérose en plaque à un stade avancé.
Cette notion devrait occuper les députés un long moment, une grande quantité d'amendements ayant été déposés sur cet alinéa précis, avec une multitude de rédactions diverses et variées, en plus de celle défendue par l'exécutif : "une situation médicale sans issue" (Les Républicains), "en phase terminale" (Les Républicains et Rassemblement national), "incurable" (Libertés, outre-mer et territoires)...
Parmi les autres critères conditionnant l'aide à mourir, celui de la majorité devrait également faire l'objet d'un débat engagé. Des élus de gauche et de la majorité souhaitent fixer ce seuil à 13, 15 ou 16 ans. A contrario, les députés de droite privilégient l'âge de 20 ans.
L'aptitude à "manifester sa volonté de façon libre et éclairée" fait en outre l'objet de nombreuses propositions de modification. La droite de l'hémicycle la juge trop imprécise, tandis que des élus, essentiellement de gauche et de la majorité présidentielle, plaident pour que soient aussi prises en compte les directives anticipées, rédigées par un patient en amont de sa période de fin de vie. Ce n'est pas l'option privilégiée par l'exécutif. En commission, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, avait rappelé que le projet de loi était "articulé sur la volonté du patient jusqu'au bout".
Plus en amont dans le texte, le gouvernement veut d'ailleurs revenir sur la possibilité laissée à une personne d’indiquer dans ses directives anticipées son choix en matière d’aide à mourir, notamment dans l’hypothèse où elle subit une "perte de conscience irréversible". Cette disposition a été introduite sur proposition de Frédérique Meunier (Les Républicains) et sous-amendée à l'initiative de La France insoumise.
C'est la procédure d'aide à mourir en tant que telle qui a généré le plus fort contingent d'amendements : 1 305 ont été déposés sur ce chapitre. Au-delà du débat sémantique - Les Républicains et le Rassemblement national reprochant au gouvernement de camoufler une procédure de suicide assisté, voire d'euthanasie, sous le vocable de "l'aide à mourir" -, les différentes étapes de la démarche seront âprement débattues dans l'hémicycle. Les élus LR souhaitent notamment que la demande d'un patient à un praticien soit écrite, validée par la justice ou certifiée par un notaire.
Collégialité de l'étude de la situation du patient, délais de décision du médecin, délais de réflexion du patient... Autant de points sur lesquels de fortes divergences existent. Mais c'est principalement autour de la latitude laissée au patient au moment de l'administration de la substance létale qui devrait cristalliser les débats. A l'origine, le projet de loi prévoyait que le patient devait lui-même s'en charger, à moins que sa condition physique ne le permette pas. Mais en commission, les députés ont adopté un amendement de Cécile Rilhac (Renaissance), laissant le choix au patient de confier son sort à un tiers volontaire ou à un professionnel de santé.
Une évolution vivement critiquée par Les Républicains, qui jugent que le texte a radicalement changé de visage au cours de l'examen en commission. Sur ce point précis, de très nombreux amendements de suppression ont été déposés, d'autres réclamant - minima - le retour à la rédaction initiale.
Parmi les autres points qui seront discutés, figure notamment le développement des soins d'accompagnement et des soins palliatifs. Ces derniers font l'objet d'une stratégie décennale dévoilée par le gouvernement. Plus largement, le projet de loi prévoit le déploiement de maisons d'accompagnement, destinées à accueillir les personnes en fin de vie et leur entourage.
En séance, le rapporteur Didier Martin (Renaissance) tentera de revenir sur l'exclusion des entreprises privées à but lucratif de la gestion de ces établissements médico-sociaux, obtenue par le groupe LFI. Les "solides garanties" prévues par le cahier des charges des maisons d'accompagnement devraient, selon lui, permettre d'éviter les errements tout en contribuant à l'effort de financement qui devra être fait pour développer ces structures partout sur e territoire.
Enfin, des députés proposent de supprimer le délit d'entrave à l'aide à mourir, qui a été introduit en commission. La plupart de ces amendements émanent des groupes LR et RN ; quelques-uns sont proposés par des élus de la majorité présidentielle ; et l'un d'entre l'un d'entre eux a été rédigé par Dominique Potier (Socialistes) qui estime dans son amendement que la création de ce délit "serait en effet une atteinte profonde à l'expression de la liberté".
Signe que le projet de loi sur la fin de vie transcende les clivages traditionnels, les groupes politiques ne donneront pas de consigne de vote à leurs députés sur ce texte, qui touche à la fois à l'intime et aux convictions, à la politique et à l'éthique.