Les députés de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur la fin de vie ont adopté le texte, dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18 mai. Le projet de loi - , qui instaure notamment "l'aide à mourir" et en définit les conditions d'accès - sera examiné, en première lecture, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du du 27 mai.
Après une semaine de débats souvent engagés, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à "l’accompagnement des malades et de la fin de vie", dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18 mai. C'est en début de soirée que les députés qui composent l'instance ont débattu du dernier grand thème du texte : la clause de conscience, qui permet aux professionnels de santé de refuser de mettre en œuvre un aspect de la loi qui peut, compte tenu de leurs convictions leur poser un problème éthique, en l'occurrence l'aide à mourir.
Le texte prévoit qu'un médecin qui souhaite objecter sa clause de conscience en informe immédiatement le patient, et lui adresse une liste de praticiens à même de répondre à ses attentes. Le projet de loi implique également que les responsables d'établissements de santé ou médico-sociaux soient dans l'obligation d'y permettre l'intervention de médecins pratiquant l'aide à mourir et l'accès des proches du patient en fin de vie. Lors des débats, Les Républicains ont tenté, sans succès, de supprimer cette mesure, déplorant que des établissements opposés à l'aide à mourir soient obligés d'y accueillir la procédure.
Lors de l'ultime soirée d'examen en commission, les députés ont en outre débattu de l'opportunité de créer un délit d'entrave à l'aide à mourir, sur le modèle du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Défendu par la rapporteure de la partie concernée du projet de loi, Caroline Fiat (La France insoumise), l'amendement a reçu un avis favorable de la ministre de la Santé, Catherine Vautrin.
Bien que jugé "très excessif" par Jocelyn Dessigny (Rassemblement national), l'amendement a été adopté. Dans la foulée, des élus ont tenté d'introduire plusieurs délits : incitation au suicide assisté présenté, puis retiré, par Annie Vidal (Renaissance), propagande ou publicité en faveur de l'aide à mourir présenté par Christophe Bentz (Rassemblement national), cet amendement a été rejeté, ou encore provocation à l'aide à mourir, présentée par Annie Genevard (Les Républicains), cette proposition a aussi été rejetée.
Dans la journée, les députés ont approuvé les articles relatifs à la procédure de l'aide à mourir : délai de réponse du médecin, délai de réflexion pour le patient requérant, délai de confirmation de la demande... Mais aussi administration de la substance létale. Contre l'avis de la ministre de la Santé et en dépit des protestations de la droite, la commission spéciale a adopté un amendement de Cécile Rilhac (apparentée Renaissance), qui plaidait pour que le choix de l'auto-administration ou de l'administration par un tiers - professionnel de santé ou proche volontaire - dépende entièrement de la volonté de la personne en fin de vie, et pas seulement de sa capacité à effectuer le geste. Le sujet fera cependant l'objet de nouvelles discussions dans l'hémicycle aussi bien sur le fond que quant à son impact sur les intentions du projet de loi.
Plus tôt dans la semaine, les élus avaient adopté l'article phare du texte : celui qui définit et autorise l'aide à mourir. Au terme d'un débat intense et respectueux, la commission a approuvé cette évolution législative, mettant en œuvre une "humanité compassionnelle", selon les mots de la rapporteure de cette partie du texte, Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance).
Le projet de loi établit également des critères stricts pour accéder à l'aide à mourir : être majeur, être Français ou résident en France depuis longtemps, manifester sa volonté de manière "libre et éclairée", et présenter une souffrance liée à la maladie. A noter que le critère du pronostic vital engagé "à court ou moyen terme" a été modifié, la commission lui préférant celui d'affection en "phase terminale ou avancée".
En début de semaine, les députés ont longuement débattu des soins palliatifs très insuffisamment développés : moins d'un malade sur deux nécessitant de tels soins y auraient effectivement accès aujourd'hui en France. Pour y remédier, l'exécutif a lancé une stratégie décennale, en parallèle de l'examen du texte sur la fin de vie, avec un budget porté à terme à 2,7 milliards d'euros par an.
Le projet de loi introduit une nouvelle notion : celle des "soins d'accompagnement", qui englobe les soins palliatifs, mais qui comprend également l'intégralité des soins qui "visent à anticiper, prévenir et soulager les souffrances dès l’annonce du diagnostic et aux différents stades de la maladie". Le texte organise également le déploiement des "maisons d'accompagnement", qui proposent une prise en charge pluridisciplinaire, en dehors des murs de l’hôpital, pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage.
Avant de se prononcer sur le texte à l'issue des travaux de la commission, plusieurs députés ont fait le bilan de cette première phase d'examen. "L'étude de ce texte a été éprouvante, par la rupture qu'il introduit. Donner la mort percute toute la déontologie du soin, de la vulnérabilité, et j'ose le dire, de la fraternité", a déclaré Annie Genevard (Les Républicains). "Le désarroi des soignants est immense", a assuré Patrick Hetzel (Les Républicains), selon qui "40 000 personnes par an" pourraient être concernées par le dispositif.
A contrario, le rapporteur général du projet de loi, Olivier Falorni (Démocrate), a salué une "grande et belle loi républicaine". Et Natalia Pouzyreff (Renaissance), Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance), ou encore Hadrien Clouet (La France insoumise) se sont félicités du travail effectué tout au long de la semaine par la commission spéciale. "Nous sommes à la fin d'une première étape d'un long parcours", a conclu la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, rappelant qu'il y aura bien "quatre lectures" au moins du texte, c'est-dire deux par les députés et deux par les sénateurs.
Le projet de loi ainsi modifié en commission sera examiné, en première lecture, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du 27 mai.