Après l'examen de la réforme des retraites par les Sénat, qui doit s'achever dimanche soir au plus tard, sept députés et sept sénateurs se réuniront en commission mixte paritaire (CMP), afin de tenter de se mettre d'accord sur un texte commun. S'ils y parviennent, l'Assemblée nationale et le Sénat devront valider cet accord par un vote.
L'avenir de la réforme des retraites se décidera-t-il dans une réunion à huis clos réunissant quatorze parlementaires ? Après des débats houleux à l'Assemblée nationale et une fois l'examen du texte achevé au Sénat, le processus législatif va se poursuivre : comme le prévoit la Constitution, sept députés et sept sénateurs se réuniront pour tenter de s'accorder sur un texte commun lors d'une commission mixte paritaire (CMP).
Cette réunion, qui aura lieu mercredi 15 mars, est une procédure courante dans la vie parlementaire. Prévue par l'article 45 de la Constitution, elle permet d'accélérer le parcours législatif d'un texte en privilégiant la recherche d'un compromis entre les deux Chambres.
Depuis le début de la législature, en juin 2022, quatorze projets de loi ont fait l'objet d'une commission mixte paritaire, souvent sur des sujets majeurs : prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, lutte contre la Covid-19, protection du pouvoir d'achat, projet de loi de finances rectificative, énergies renouvelables... Sur ces quatorze CMP, dix sont parvenues à un accord.
Une réalité qui s'explique par des négociations aboutissant régulièrement entre la majorité relative Renaissance-MoDem-Horizons à l'Assemblée nationale et la majorité de droite au Sénat. En acceptant d'inscrire dans le texte certaines modifications voulues par les sénateurs, la majorité présidentielle se donne en particulier la chance d'obtenir les votes des députés Les Républicains lors du retour des textes à l'Assemblée nationale.
Les commissions mixtes paritaires sont composées en fonction de l'effectif des différents groupes politiques - proportionnellement au nombre de leurs élus - au sein de chacune des deux Chambres du Parlement. En tout, quatre députés de la majorité à l'Assemblée nationale et trois députés issus des oppositions composent la CMP. Les proportions sont les mêmes du côté du Sénat qui envoie quatre élus de sa majorité et trois élus de son opposition en CMP.
Le projet de réforme des retraites est contenu dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023. La composition de la commission mixte paritaire devrait donc se rapprocher de celle qui avait été établie pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 en fin d'année dernière. A l'époque, le 15 novembre 2022, celle-ci était ainsi composée :
Et par ailleurs :
Dans une telle configuration, sur les 14 parlementaires de la CMP, seuls 4 seraient a priori opposés à la réforme. Un accord entre la majorité présidentielle et la droite garantirait donc un accord sur le texte. L'issue d'une commission mixte paritaire n'étant cependant jamais garantie...
En cas d'échec des discussions, la réforme fera l'objet d'une nouvelle lecture à l'Assemblée, puis au Sénat. Et, en cas de désaccord persistant entre les deux Chambres, une ultime lecture aurait lieu à l'Assemblée, les députés ayant le dernier mot.
En cas d'accord lors de la commission mixte paritaire, celui-ci devra ensuite être validé par un vote des sénateurs et des députés. L'examen de l'accord éventuel et le vote sur celui-ci est programmé jeudi 16 mars : le matin au Sénat et l'après-midi à l'Assemblée nationale. A ce stade de la procédure, la possibilité de toucher encore au texte est très limitée. La Constitution prévoit en effet qu'"aucun amendement n'est recevable sauf accord du gouvernement".
Si l'Assemblée nationale et le Sénat adoptent le texte issu de la CMP, la réforme des retraites sera alors définitivement adoptée par le Parlement. Dans le cas contraire, en revanche, l'examen du texte reprendrait son cours normal, et la réforme serait une nouvelle fois examinée à l'Assemblée puis au Sénat.
Quoi qu'il en soit, la procédure législative utilisée pour présenter cette réforme prévoit que le Parlement a cinquante jours au total, c'est-à-dire jusqu'au 26 mars, pour se prononcer sur le texte. A défaut, le gouvernement aurait la possibilité, comme le prévoit l'article 47-1 de la Constitution, de mettre en œuvre la réforme par ordonnances.
Par ailleurs, l'exécutif peut, à tout moment s'il l'estime nécessaire, utiliser l'article 49-3 de la Constitution pour faire passer la réforme sans vote à l'Assemblée nationale, sauf si une motion de censure est déposée.
Dans l'histoire parlementaire, la survenue d'un accord en commission mixte paritaire est presque toujours une garantie d'adoption définitive du projet ou de la proposition de loi.
En effet, depuis 2000, seules deux lois ont été rejetées lors du vote sur le texte de compromis adopté en CMP : la loi "favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet" (rejet à l'Assemblée en 2009) et la loi "relative à la protection de l'identité" (rejet en 2012 par le Sénat).
La nouvelle donne politique à l'Assemblée nationale avec une majorité qui n'est que relative, les quelques voix incertaines au sein de la coalition présidentielle, ainsi que la division du groupe Les Républicains sur la réforme, rendent cependant le résultat du vote qui aura lieu jeudi prochain, le 16 mars, incertain. Le scrutin pourrait en effet se jouer à quelques voix près.