L'examen du projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine a commencé, lundi 21 octobre au soir, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. "Ce n'est pas un budget d'austérité", a affirmé le ministre de l’Economie et des Finances, Antoine Armand, qui a dû faire face aux critiques des oppositions.
Deux jours après le rejet de la version amendée de la partie "recettes" du budget 2025 en commission des finances, les débats ont commencé dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale par la discussion générale du texte. Comme le veut la Constitution, c'est le projet de loi de finances initial du gouvernement qui est soumis à l'ensemble des députés en séance publique.
Objectif affiché : réaliser un effort de 60 milliards d'euros (20 milliards de recettes supplémentaires et 40 milliards d'économies sur les dépenses) pour tenter de réduire le déficit public qui met la France dans une situation financière "très préoccupante", selon les mots du ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand.
Pas question toutefois d'aller dans le sens de ceux qui fustigent un budget d'austérité. "Ce n'est pas un budget d'austérité, c'est un budget qui est fait pour éviter l'austérité", a assuré le locataire de Bercy, se disant prêt à travailler avec toutes les sensibilités pour améliorer la copie gouvernementale. Une nouvelle fois, Antoine Armand a répété que l'essentiel des efforts reposerait sur une baisse des dépenses, une répartition de l'effort contestée par les oppositions et qui fait l'objet d'analyses contrastées. A la tribune, le ministre a une nouvelle fois promis d'apporter son soutien aux initiatives qui permettront "de remplacer un euro de fiscalité par un euro d'économie".
Introduire "plus d'impôts" que dans le texte initial serait "déraisonnable", a pour sa part prévenu Laurent Saint-Martin, alors que la copie gouvernementale avait été considérablement alourdie de taxes supplémentaires en commission. "Si le chemin que vous proposez est celui du matraquage fiscal, ne comptez pas sur le gouvernement pour le cautionner", a averti le ministre chargé du Budget.
Ce lundi, la séance s'est achevée à minuit, comme le prévoit le règlement de l'Assemblée, sans que les députés n'achèvent la discussion générale sur le texte. Au-delà de ce débat introductif, le rapporteur général du budget, Charles de Courson (LIOT) s'est inquiété du nombre d'amendements - près de 3700 - déposés sur le texte. Le risque étant selon lui que les députés ne puissent pas terminer l'examen de la première partie du PLF dans le temps imparti avant le vote solennel qui est prévu mardi prochain, 29 octobre, même en ajoutant des séances lors du week-end à venir, alors que les débats doivent à ce stade durer jusqu'à vendredi.
Sans véritable majorité à l'Assemblée et alors que le bloc gouvernemental manque parfois de cohésion, les débats pourraient cependant être interrompus par un recours au 49.3. L'utilisation de cet outil constitutionnel exposerait cependant le Premier ministre au dépôt d'une motion de censure. Ce qui dans la configuration politique actuelle, le conduirait à prendre en compte, au moins en partie, les débats parlementaires dans ses arbitrages finaux, afin d'éviter le vote éventuel de la censure, synonyme de chute du gouvernement.
S’exprimant après le rapporteur général, le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise) a assumé haut et fort les changements apportés lors de l’examen préparatoire du texte. "Michel Barnier voulait 60 milliards [d'euros d'économies]. Nous les avons trouvés", a-t-il fait valoir. "Nous préférons prendre dans les poches pleines de quelques-uns que dans celles de la grande majorité des Français", a-t-il aussi poursuivi.
Revenant sur les considérations de certains membres du socle gouvernemental à l’issue de l’examen de la partie "recettes" en commission, Eric Coquerel a notamment repris à son compte l’expression de "carnaval fiscal" formulée par David Amiel (Ensemble pour la République). Jouant sur la notion d’inversion à l’origine du procédé carnavalesque, le président de la commission des finances s’est félicité d’un "bel hommage". "C'est vrai, c'est un carnaval au sens de l'Ancien régime (...) Nous avons renversé l'ordre injuste que vous imposez depuis 7 ans, notre carnaval fiscal, ça s'appelle la justice fiscale et sociale, et nous la revendiquons", a-t-il considéré.
"Rééquilibrer l'effort et décharger les classes populaires et les classes moyennes" : c’est également l’analyse esquissée par Philippe Brun (Socialistes) à propos des amendements adoptés en commission des finances, qualifiés par Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine) d’"amendements de justice fiscale". Eva Sas (Ecologiste et social) a, quant à elle, dénoncé une "alliance objective du gouvernement et du Rassemblement national contre la transition écologique".
Dans un tout autre registre que celui du Nouveau Front populaire, "la réponse à la réduction de notre déficit doit avant tout passer par une diminution significative et durable de la dépense publique", a souligné la vice-présidente de la commission des finances Véronique Louwagie (Droite républicaine), issue du même camp politique que Michel Barnier, et lui donnant raison quant à sa détermination à "redresser nos finances publiques". Constat partagé par Félicie Gérard (Horizons), érigeant comme priorité le fait de "retrouver une trajectoire soutenable de réduction des déficits" au travers d’"un budget responsable, portant l'effort sur la réduction des dépenses".
"Nous devons apprendre à dépenser moins en dépensant mieux", a abondé Jean-Paul Matteï (Les Démocrates), appelant cependant à se prémunir des "coups de rabot aveugles". De même et en cohérence avec les amendements qu’il avait présentés en commission, l’ex-président des députés MoDem a insisté sur l’importance de dégager de nouvelles recettes et appelé à "aller plus loin en matière de justice fiscale". Il est notamment revenu sur la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) qu'il propose de pérenniser, soutenu dans cette volonté par le Nouveau Front populaire.
La discussion générale reprendra ce mardi 22 octobre, après la séance de Questions au gouvernement. S'exprimeront notamment la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen et l'orateur d'Ensemble pour la République, David Amiel. Puis les députés entameront l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances et les amendements qui ont été déposés sur le texte.