Les députés de la commission des finances ont entamé, mercredi 16 octobre, l'examen du budget de la France pour l'année prochaine. Ils ont notamment adopté l'article 3, qui régit les conditions de l'instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus, décidant de pérenniser la mesure contrairement à ce qui était prévu par le gouvernement. Plusieurs amendements de "justice fiscale" ont été défendus, notamment par les députés MoDem et ceux du NFP, et votés.
Alors que les débats autour du prochain budget sont vifs et nourris depuis déjà plusieurs semaines, le top départ du marathon budgétaire a officiellement retenti à l'Assemblée. Ce mercredi 16 octobre en fin de journée, les commissaires aux finances ont entamé l'examen du projet de loi de finances pour 2025, adoptant notamment l'article 3 du texte qui contient l'une de ses mesures-phares, à savoir l'instauration de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR).
Les discussions ont démarré autour de la tenue d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR), réclamée par les oppositions à l'ex-majorité dès la fin du printemps dernier, et désormais soutenue par les députés d'Ensemble pour la République. Un amendement en ce sens de Mathieu Lefèvre (EPR) a ainsi été adopté, afin que le gouvernement puisse prendre "toutes les mesures nécessaires, afin d'agir sur la dépense publique en 2024", et avec l'objectif d'atteindre un déficit effectif inférieur à 6% du PIB, contre les 6,1% prévus à ce stade.
Des amendements identiques défendus par Aurélien Le Coq (LFI), Michel Castellani (LIOT) ou encore Christine Pirès-Beaune (Socialistes) ont proposé de désindexer sur l'inflation les deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu. Le rapporteur général de la commission des finances, Charles De Courson (LIOT) leur a opposé que cette mesure rapporterait "entre 100 et 200 millions d'euros", soit un gain "très faible", invitant ses collègues à "concentrer [les] débats sur la contribution différentielle sur les hauts revenus".
Ce fut chose faite avec l'examen de l'article 3, qui régit les conditions de cette nouvelle fiscalité visant à assurer une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus, soit les contribuables dont ledit revenu est supérieur à 250 000 € pour les personnes seules, et à 500 000 € pour les couples avec imposition commune. David Amiel (Ensemble pour la République), évoquant le "bouclier fiscal, qui est un montant maximum d'impôt qui peut être demandé" s'est félicité de l'introduction d'"un filet fiscal qui, de la même manière, s'assure d'une contribution minimale des plus fortunés".
Sur ce sujet, un amendement de Charles De Courson a été adopté, afin de supprimer les retraitements prévus pour l’assujettissement à la CDHR, qui en tenant compte d'avantages fiscaux et de crédits d'impôts, faisaient passer certains foyers au travers de la nouvelle taxe, minant ainsi son assiette (théoriquement d'un peu plus de 62 000 foyers). Objectif de l'amendement : limiter ce phénomène et augmenter le nombre de foyers concernés, qui sans son apport était estimé à "seulement 24 000" foyers par Bercy, comme l'a rappelé Charles De Courson, et atteindre ainsi les 2 milliards de recettes attendues par le gouvernement.
Tout ce qui est temporaire et ponctuel dans ce budget concerne les plus hauts revenus, tout ce qui est décidé de manière définitive et stable concerne tous les autres. Eric Coquerel (LFI)
"Une mesure de justice fiscale n'est pas limitée dans le temps" a, par ailleurs, considéré Jean-Paul Matteï (Les Démocrates). Ce dernier, à l'instar d'Aurélien Le Coq (LFI), Danielle Simonnet (Ecologiste et social) ou encore Philippe Brun (Socialistes), a défendu la pérennisation de la CDHR, prévue dans le texte pour les revenus au titre des années 2024, 2025 et 2026 puis destinée à disparaître. Si les groupes Ensemble pour la République et de la Droite républicaine se sont opposés à la mesure, Charles De Courson s'est est remis à ses collègues au travers d'un avis de "sagesse". "Tout ce qui est temporaire et ponctuel dans ce projet de budget concerne les plus hauts revenus, tout ce qui est décidé de manière définitive et stable concerne tous les autres", a fait valoir Eric Coquerel (LFI) en soutien de l'amendement finalement adopté.
Les députés ont adopté un peu plus tard un amendement présenté par le président de la commission des finances et issu des travaux de la mission d'information sur l'impôt universel qu'il avait menée avec Jean-Paul Matteï (MoDem) en 2019. Cet amendement d'Eric Coquerel (LFI) vise à instaurer un "impôt universel ciblé", consistant à "toucher des contribuables au-delà d'un certain revenu, qui partent dans un pays à fiscalité inférieure de plus de 50% à celle de la France, afin, sur une période donnée, de les imposer sur un différentiel entre ce qu'ils paient dans ce pays, et ce qu'ils auraient payé s'ils étaient restés en France".
Jean-Paul Matteï, dont le groupe fait partie du "socle commun" de Michel Barnier, a soutenu cet amendement d'Eric Coquerel, qui lui a rendu la pareille en votant ensuite, à l'unisson des membres du NFP, l'amendement de l'ex-président du groupe Démocrate faisant passer le montant du prélèvement forfaitaire unique (PFU), communément désigné sous le nom de flat tax, de 30 à 33%. Face aux représentants des autres groupes du "socle commun" qui s'opposaient à la mesure, et aux groupes du Nouveau Front populaire, qui auraient voulu pousser le taux jusqu'à 40%, Jean-Paul Matteï a fait valoir "un bon compromis de justice fiscale" permettant de "rééquilibrer la participation du revenu du capital par rapport aux revenus du travail qui contribuent plus au budget de l'Etat". Une surtaxe des "superdividendes" a également été adoptée. Des mesures votées avec l'appui du Rassemblement national.
Les travaux de la commission des finances reprendront ce jeudi 17 octobre, à 9 heures, et se poursuivront jusqu'à la fin de la semaine. Pour être validés par l'Assemblée nationale, les amendements votés en commission devront l'être à nouveau lors des débats dans l'hémicycle, qui commenceront lundi prochain.