Plus ou moins de hausses d'impôts ? Et quels impôts ? Ces questions seront au cœur des discussions budgétaires qui commenceront cette semaine au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Un sujet qui fait débat, y compris entre le gouvernement et les groupes du "socle commun" de Michel Barnier. Et qui se concrétise au travers des amendements qui ont été déposés par les députés de l'ex-majorité présidentielle et la droite. Tour d'horizon.
1854 contre 3034 l'an dernier, c'est le nombre d'amendements déposés sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 au stade de l'examen en commission, tous groupes confondus. Au total, le "socle commun", regroupant les députés de la coalition présidentielle (Ensemble pour la République, Les Démocrates, Horizons) et ceux de la Droite républicaine, qui ont tous fait part de leur soutien au Premier ministre Michel Barnier, sont à l'initiative de 767 amendements.
Si la Droite républicaine tente de réfréner les ardeurs fiscales du gouvernement, Les Démocrates soutiennent les mesures du projet de budget présentées comme ayant pour but de dégager plus de recettes et de réduire le déficit public, tout en mettant en œuvre plus de justice fiscale. Alors que du côté d'Ensemble pour la République, les deux logiques sont observées, notamment en fonction de ceux sur lesquels pèseraient les augmentations d'impôts.
Parmi les mesures phares du projet de loi de finances pour 2025, figure l'instauration d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d'euros. La Droite républicaine, par un amendement de Philippe Juvin, propose de supprimer purement et simplement cette disposition, arguant que "la France possède le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de toute l'Union Européenne" et afin de ne pas "porter atteinte à la compétitivité".
Même raisonnement concernant la taxe exceptionnelle sur le transport maritime, qui concerne uniquement l'armateur CMA-CGM, à laquelle le député des Hauts-de-Seine s'oppose.
Dans un tout autre domaine, un amendement porté par Véronique Louwagie vise à réduire la fiscalité sur les successions et les donations. Il s'agirait en l'occurrence d'appliquer l’abattement sur les successions en ligne directe de 100 000 euros à 150 000 euros et de 31 865 euros à 150 000 euros pour une donation aux petits-enfants.
Un sujet d'inquiétude soulevé par Véronique Louwagie porte, par ailleurs, sur le durcissement du malus automobile, prévu à l'article 8 du projet de loi de finances, que la députée propose de supprimer. Dans un autre amendement, Thibault Bazin propose, quant à lui, un crédit d’impôt sur le revenu pour les contribuables réalisant des dépenses pour la rénovation énergétique de leurs logements.
La Droite républicaine, dont le groupe est présidé par Laurent Wauquiez, souligne que si elle propose des allégements de fiscalité, elle a également présenté "un plan d’économies documenté de 50 milliards d’euros (...) fondé sur la méthode de l’année blanche et articulé autour de trois axes : la réduction de la lourdeur administrative, la fin de l’assistanat pour préserver le social, un meilleur contrôle de l’immigration".
Après avoir exprimé ses réserves sur les hausses d'impôts, voire son opposition en la matière en faisant des propositions alternatives, le groupe Ensemble pour la République, présidé par Gabriel Attal, s'avère globalement dans la même logique au travers des amendements de ses députés.
Par exemple pour proposer l'abandon de l'instauration d'une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. Des amendements de suppression de l'article 11 du PLF, portés par Charles Sitzenstuhl et Charles Rodwell, visent ainsi à compenser la perte de recettes fiscales qui serait alors engendrée par "des baisses supplémentaires de dépenses publiques et par la poursuite des réformes structurelles engagées par le précédent gouvernement, notamment la réforme de l’assurance-chômage".
Un amendement de Mathieu Lefèvre prône, en outre, une sortie "progressive" du bouclier tarifaire, afin d'éviter de faire flamber la facture d'électricité, sujet d'inquiétude majeur relayé par les groupes d'opposition. Alors que l'article 7 augmente les tarifs d’accise sur l'électricité et renvoie à un arrêté pour en déterminer le montant, l'amendement propose de supprimer cette disposition "afin de ne pas augmenter les factures d’énergie et impacter le pouvoir d’achat des Français".
D'autres députés du parti présidentiel proposent cependant de nouvelles sources de recettes fiscales, très ciblées, différentes de celles avancées par le gouvernement. C'est notamment le cas d'un amendement de l'ex-ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, qui prévoit d'instituer une contribution exceptionnelle sur la puissance de production électrique, soit une taxe sur les énergéticiens. Une mesure sur laquelle avait planché l'ancien ministre lorsqu'il était encore en fonction, sans avoir le temps de la concrétiser.
Seraient concernées les installations d’une puissance de production d’au moins 260 mégawatts, via une contribution assise sur la puissance de production au tarif de 34 500 € par mégawatt de puissance. Objectif : "Faire contribuer les grands producteurs d’électricité au redressement des comptes publics, après plusieurs années au cours desquelles les marges de ces opérateurs ont été dopées par la cherté de l’énergie", indique l'exposé sommaire de l'amendement. Les quatre grands groupes de production d’énergie présents sur le marché national seraient impactés, parmi lesquels EDF.
Un autre amendement porté par Daniel Labaronne propose de plafonner le crédit impôt recherche (CIR) contre l'effet d'aubaine qu'il représente, en supprimant la tranche du CIR octroyant un crédit d’impôt de 5% pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à 100 millions d’euros. Son auteur souligne que "selon le Conseil d’analyse économique, cette mesure permettrait d'économiser près de 400 millions d’euros".
Les Démocrates, qui soutiennent sans réserve l'article 3 du budget prévoyant l'instauration d'une contribution différentielle sur les plus hauts revenus, au travers d'une imposition minimale de 20 % de ces derniers, proposent un amendement porté par leur ex-président, Jean-Paul Matteï, afin de pérenniser la mesure, prévue en l'état actuel du texte "à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024 et jusqu’à l’imposition des revenus de l’année 2026".
De plus, les députés du MoDem, désormais présidés par Marc Fesneau, proposent d'augmenter la taxation des revenus du patrimoine et de placement, en faisant passer le prélèvement forfaitaire unique (PFU), communément désigné sous le nom de flat tax, de 30 à 33%.
L'examen de la partie "recettes" du budget 2025 commencera ce mercredi 16 octobre en commission des finances, avant le coup d'envoi du débat budgétaire dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale lundi 21 octobre.