La proposition de loi organique sur la "réforme du financement de l'audiovisuel public" - qui vise en fait à pérenniser le dispositif actuel qui avait été prévu pour être provisoire - a été adoptée en première lecture, ce mercredi 13 septembre, par les députés de la commission spéciale chargée de l'étudier. Examiné dans un calendrier particulièrement contraint, le texte n'a subi aucune modification par rapport à la version déjà approuvée par le Sénat, ouvrant la voie à son adoption définitive à l'issue du débat qui aura lieu, la semaine prochaine, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
La proposition de loi organique "portant réforme du financement de l’audiovisuel public" a été adoptée en commission spéciale, ce mercredi 13 novembre. Ouvrant ainsi la voie à une sanctuarisation du mécanisme de financement de France télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte et l'INA. En adoptant sans modification, mais pas sans débats, le texte d'origine sénatoriale, les députés de la commission ont fait un pas vers l'approbation définitive du dispositif. Pour cela, il faudra que le texte soit à nouveau voté de façon conforme à la version du Sénat, lors du débat qui aura lieu la semaine prochaine dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
Cet apparent consensus s'explique notamment par l'urgence législative qui se présentait aux élus : depuis la suppression de la redevance télé, en 2022, un système provisoire reposant sur l'affectation d'une fraction de TVA a été mis en place. Il doit toutefois s'éteindre à la fin 2024, ce qui entraînerait un financement de l'audiovisuel public via le budget général de l’Etat à compter du 1er janvier 2025. Cette "budgétisation" n'est pas souhaitée par les acteurs du secteur, qui redoutent les conséquences que ce mode de financement pourrait avoir sur l'indépendance des médias publics en France, voire sur leur rayonnement à l'international. Avec le risque de perdre leur autorisation d'émettre dans certains pays s'ils étaient considérés comme "médias d'Etat" à l'étranger.
Ne pas voter la Proposition de loi a pour conséquence la budgétisation. Ce n'est pas une menace, mais un constat. Denis Masséglia (Ensemble pour la République)
"Un vote conforme de l'Assemblée est la seule voie pour sécuriser pleinement la pérennisation du mode de financement de l'audiovisuel public d'ici au 31 décembre", a martelé la ministre de la Culture, Rachida Dati, soulignant qu'un financement consolidé apportera "clarté et indépendance". "L'audiovisuel public est confronté à une situation d'urgence financière", a complété le rapporteur du texte, Denis Masséglia (Ensemble pour la République) qui a, lui aussi, plaidé pour un vote conforme. Dans le cas contraire, le retour du texte au Sénat empêcherait vraisemblablement le Conseil constitutionnel de se prononcer avant la date butoir, à l'issue de la procédure législative.
Dans sa version issue du Sénat, le texte pérennise le mode de financement de l'audiovisuel public, tout en élargissant le dispositif temporaire, puisqu'il permet un financement via "une imposition de toute nature", dont le montant serait fixé anuellement. "Ce texte ne ferme aucune porte", a souligné Denis Masséglia. Sauf celle de la budgétisation. A l'avenir, le financement pourrait ainsi reposer sur une fraction de la TVA, mais également sur l'impôt sur le revenu, ou encore sur l'impôt sur les sociétés. Sur le plan législatif, il permettrait aussi le rétablissement d'une redevance rénovée, bien que ce ne soit pas, à ce stade, le souhait du gouvernement.
Les députés ont majoritairement regretté la position "d'inconfort" dans laquelle la situation d'urgence les place, comme l'a qualifiée Emmanuel Grégoire (Socialistes). "Le gouvernement est très responsable de cette situation ubuesque. Il a fait l'erreur de la suppression de la contribution sur l'audiovisuel, sans lui substituer un mode de financement pérenne", a-t-il déploré, jugeant "pénible" de devoir choisir entre "desservir l'audiovisuel public ou se soumettre à un vote impératif". Ayant lui aussi décidé de voter pour le texte au vu du contexte, Jérémie Iordanoff (Ecologiste et Social) a précisé que cette décision n'enlevait pas tous ses "doutes". "La question du financement reste entière."
"A quoi bon nous forcer à modifier la loi organique relative aux lois de finances ?", a questionné Aurélien Saintoul (La France insoumise), l'un des rares élus de la commission à voter contre le texte. "Pour sortir d'une impasse, la méthode la plus adéquate reste la marche arrière", a-t-il lancé, proposant le rétablissement d'une "contribution rénovée et progressive" à droit organique constant.
"Cette proposition de loi résulte d'une succession de mauvaises décisions. Nous voilà dos au mur, sans possibilité réelle d'amender le texte, faute de temps, et contraints à légiférer dans l'urgence", a également regretté Estelle Youssouffa (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires).
"Nous pouvons déplorer que nous soyons obligés de débattre de cette question dans l'urgence. Une autre voie aurait été possible" a, quant à elle, considéré Virginie Duby-Muller (apparentée Droite républicaine). Face à la "menace" de la bugétisation, plusieurs élus, tous groupes confondus, ont invoqué la "responsabilité" pour voter sans modification un texte qui ne leur convenait pas totalement. De leur côté, les députés du Rassemblement national ont dit s'abstenir par "cohésion intellectuelle", leur formation politique voulant privatiser une partie de l'audiovisuel public.
Un autre sujet connexe s'est invité au cours de l'examen de la proposition de loi : celui de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public qui semble, au fil du temps, se transformer en serpent de mer. Rachida Dati s'est à nouveau prononcée en faveur d'une présidence unique, disposant de moyens de pilotage et de compétences sur le plan financier. Une réforme à laquelle s'oppose la gauche, mais qui n'est pas contenue dans la proposition de loi sur le financement.