Audiovisuel public : plusieurs ex-ministres de la Culture expriment doutes et réserves sur la création d'une holding

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Renaud Donnedieu de Vabres critique le projet de holding de l'audiovisuel public.
Renaud Donnedieu de Vabres critique le projet de holding de l'audiovisuel public. LCP
par Maxence Kagni, le Vendredi 29 mars 2024 à 11:40, mis à jour le Lundi 22 avril 2024 à 22:47

Auditionnés par la commission d'enquête sur l'attribution et le contrôle des fréquences de la TNT, cinq anciens ministres, dont Rima Abdul Malak et Roselyne Bachelot, ont critiqué le projet de création d'une holding de l'audiovisuel public, récemment relancé par Rachida Dati, l'actuelle ministre de la Culture.

Il s'agit, selon eux, d'une réforme qui passe à côté de "l'essentiel", d'un débat "inopérant", ou encore d'une "perte de temps". Auditionnés conjointement jeudi par la commission d'enquête "sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre" (TNT), cinq anciens ministres de la Culture ont exprimé leurs réticences, voire leur hostilité, à la création d'une holding qui rapprocherait - via une gouvernance unique -  les quatre groupes de médias de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA).

Jacques Toubon (mars 1993-mai 1995), Renaud Donnedieu de Vabres (mars 2004-mai 2007), Fleur Pellerin (août 2014-février 2016), Roselyne Bachelot (juillet 2020-mai 2022) et Rima Abdul Malak (mai 2022-janvier 2024) ont tous, à leur façon, critiqué ce projet relancé par Rachida Dati.

Une gouvernance unique dès cette année ?

Lors de son audition devant la commission d'enquête, le 21 mars, l'actuelle ministre de la Culture, qui souhaite une gouvernance unique dès cette année, a estimé que c'était le "moment ou jamais" de créer cette holding : "Face à un audiovisuel privé qui se structure, on ne peut pas avoir cet audiovisuel public totalement dispersé." Rachida Dati a également rappelé que la Présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, et son homologue de Radio France, Sybile Veil, étaient favorables au projet.

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Elle-même auditionnée par la commission d'enquête deux semaines plus tôt, Delphine Ernotte Cunci avait indiqué que "la holding devrait permettre de faire des économies", tout en soulignant que là n'était pas son "premier enjeu" : "Cela permettrait d'accélérer vraiment les décisions, et de se concentrer sur l'offre pour le public", avait plaidé la dirigeante de France Télévisions. 

Des arguments réfutés avec force par Roselyne Bachelot : "Depuis le temps qu'on nous vend des fusions comme étant génératrices d'économies et de meilleur fonctionnement, et que tout ça va à la dérive !", a-t-elle lancé. Et d'ajouter qu'un tel projet risquait, par ailleurs, de mettre "à feu et à sang" les sociétés de l'audiovisuel public. Pour autant, estime l'ancienne ministre, "cela ne signifie pas qu'il ne faut pas opérer des synergies".

Je suis une vieille bête dans la politique et depuis le temps qu'on nous vend des fusions comme étant génératrice d'économies et de meilleur fonctionnement et que tout ça va à la dérive ! Roselyne Bachelot

"Pas indispensable"

"Moi, j'en étais arrivée à la conclusion que cette holding, préalable à une fusion ou pas, n'était pas indispensable" a, quant à elle, expliqué Rima Abdul Malak, qui juge cependant que des synergies sont possibles "par le bas", "en faisant confiance aux équipes et en fixant des objectifs assez précis". L'ancienne ministre a toutefois expliqué qu'elle "respect[ait] tout à fait ce chemin qui est évoqué par Rachida Dati puisque l'objectif de fond nous le partageons".

"La guerre est en Europe, un proviseur de lycée est obligé de quitter ses fonctions, nous sommes dans une période d'une gravité essentielle, pour moi, la mission de l'audiovisuel public (...) c'est aujourd'hui de créer des liens", a pour sa part réagi Renaud Donnedieu de Vabres. "L'urgence est le feu qui est aujourd'hui dans les cœurs, dans les esprits, elle n'est pas dans les débats de structures", a-t-il conclu. De son côté, Jacques Toubon a mis en garde les députés contre le fait de "mettre le doigt dans un débat qui serait au mieux inopérant, et superfétatoire, et plus probablement détestable". Avant d'ajouter : "Ou alors, cela veut dire qu'on n'a aucune idée sur l'audiovisuel.

Enfin, Fleur Pellerin sest dite "plutôt opposée à perdre du temps sur ces questions". L'ancienne ministre de la Culture de François Hollande estime plus opportun de se pencher sur la "contribution de l'audiovisuel public à la diversité des opinions, au pluralisme des idées". Selon elle, la création d'une holding risque d'être l'équivalent de "cataplasmes un peu couteux" et avoir pour conséquence d'adjoindre "des étages" supplémentaires "de gouvernance".

Face à ces critiques, le président de la commission d'enquête Quentin Bataillon (Renaissance) rappelé que "cette demande de holding est la demande de trois patrons des quatre entités publiques concernées" et que "c'est aussi la demande d'une majorité à l'Assemblée nationale et d'une majorité au Sénat". Lui-même a d'ailleurs porté cette idée dans un rapport sur l'avenir de l'audiovisuel public, présenté en juin dernier, avec son collègue député Jean-Jacques Gaultier (Les Républicains).

Cette audition conjointe d'anciens ministres de la Culture était la dernière des 44 auditions menées par la commission d'enquête, qui examinera le rapport d'Aurélien Saintoul (La France insoumise) d'abord à huis clos, comme le prévoit la procédure, le 7 mai prochain, avant sa présentation publique la semaine suivante.