La ministre des Sports a été auditionnée, ce jeudi 16 novembre, par les députés de la commission d'enquête sur les défaillances de fonctionnement dans le monde sportif. Décrétant la "tolérance zéro", elle fermement manifesté sa volonté de poursuivre le "changement de culture" qui a été entrepris en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ainsi que contre les discriminations et l'homophobie.
Pendant trois heures et quart, auditionnée à l'Assemblée nationale, Amélie Oudéa-Castéra a répondu au feu roulant des questions. Jeudi 16 novembre, la ministre des Sports était auditionnée par la commission d'enquête sur "l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif". Habituée aux échanges, l'ancienne joueuse de tennis professionnelle a répondu dans le détail à toutes les questions, affichant notamment sa détermination sur les sujets de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ainsi que contre les discriminations. "Le sport est le théâtre de dérives, qui doivent être combattues", a-t-elle martelé. À plusieurs reprises, la ministre des Sports a salué l'apport de l'instance parlementaire depuis le lancement de ses travaux, en juin dernier.
De fait, au fil des auditions, notamment grâce à l'application de sa rapporteure, Sabrina Sebaihi (Ecologiste), et de sa présidente, Béatrice Bellamy (Horizons), la commission d'enquête a identifié plusieurs angles morts du monde sportif en la matière, où l'omerta a longtemps régnée, au mépris des victimes. Malgré un mouvement de libération de la parole, notamment initié par l'ancienne patineuse artistique Sarah Abitbol, des points noirs restent encore prégnants au sein des fédérations, en particulier dans le parcours de signalement des violences. Les travaux de la commission ont notamment souligné la méconnaissance généralisée de la cellule de signalement mise en place en 2020 par le ministère des Sports, "Signal sport". Que ce soit par les sportifs ; mais, fait plus gênant, également par des dirigeants de fédérations ou d'établissements publics.
En creux, Amélie Oudéa-Castéra a reconnu que cet organe avait pâti d'un manque de communication et de moyens, tout en indiquant que la cellule était désormais apte à parfaitement fonctionner, et qu'elle serait dotée de 36 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2024, dont 20 spécifiquement tournés vers le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS). "Nous ne sommes pas au bout du chemin, loin s'en faut", a indiqué la ministre, qui a fait de la lutte contre les VSS une "priorité". Saluant l'engagement de sa prédécesseure, Roxana Maracineanu, elle a appelé à "marteler la nécessité du signalement, à responsabiliser chaque acteur" du monde sportif. "Signaler, ce n'est pas une option, c'est une obligation morale, pénale même", a rappelé la ministre.
Au 2 novembre, plus de 1 800 signalements avaient été traités par Signal sport, mettant en cause plus de 1 200 personnes, donnant lieu à 266 arrêtés d'interdiction d'exercer en urgence, 126 arrêtés d'interdiction pérennes, a détaillé la ministre. En outre, 134 notifications d'incapacité d'exercer ont été adressées à la suite d'une condamnation pénale. Afin de "mieux faire connaître Signal sport, partout et tout le temps", une vaste campagne de communication sera lancée début 2024, a précisé Amélie Oudéa-Castéra.
Au cours de l'audition, la ministre a en outre semblé réservée quant à une extension du domaine traité par la cellule, préférant qu'elle concentre ses moyens d'action sur le sujet des violences, et à fortiori des VSS, jugeant que les autres faits de discrimination pouvaient être traités par d'autres moyens, comme les signalements à la justice. Le fonctionnement de la cellule actuel "crée beaucoup de confusion", s'est agacée Sabrina Sebaihi, appelant à davantage de "clarté" sur le périmètre de Signal sport.
Au cours de l'audition, un vif échange a opposé la députée et la ministre après que Sabrina Sebaihi a fait part de son étonnement quant au fait que certaines fédérations soient aussi "peu informées des procédures qui concernent les VSS". "Il ne faut pas caricaturer", lui a rétorqué Amélie Oudéa-Castéra, en reconnaissant cependant de ce point de vue des "auditions décevantes, voire catastrophiques" devant la commission d'enquête. "Personne ne caricature", lui a opposé la députée, jugeant au contraire que la ministre "minimisait" le phénomène. Calmant le jeu, Amélie Oudéa-Castéra a redit sa volonté de poursuivre "l'aggiornamento" des fédérations et des établissements publics en la matière.
Et la ministre des Sports a révélé avoir écrit au directeur de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) peu après son audition par l'instance parlementaire. Devant les députés, Fabien Canu avait reconnu un "déficit d'information" sur les procédures liées aux VSS. Une déclaration qu'Amélie Oudéa-Castéra avait visiblement peu goûtée, ayant enjoint au dirigeant de "renforcer de manière extensive" ses responsabilités en la matière.
La ministre est également largement revenu sur l'homophobie, autre mal qui gangrène le milieu sportif, en général, et le football, en particulier. "J'ai fait beaucoup plus qu'aucun dirigeant sportif n'avait fait avant moi", a-t-elle souligné, ajoutant qu'elle comptait bien ne "rien lâcher". Mise en place d'instances dédiées, remontées systématiques sur la feuille de match pour que les protocoles subis soient activés, suspension, voire arrêt des matchs en cas de chants homophobes... Amélie Oudéa-Castéra a longuement déroulé sa vision du combat à mener pour lutter contre l'homophobie, qui passe également, selon elle, par la sensibilisation des acteurs et des supporteurs. Elle a salué à ce titre la réaction de Kévin N'Doram, footballeur de Metz qui a dirigé l'entraînement d'une équipe LGBT quelques mois après un dérapage homophobe, et qui a reconnu son "erreur".
"Ces abrutis ne doivent plus avoir de place dans nos enceintes", a-t-elle lancé, appelant à la multiplication des interdictions judiciaires de stade. La ministre des Sports est, par ailleurs, revenue sur l'annonce du collectif Rouge direct, qui a indiqué mettre fin à ses activités en critiquant la "démission de l'État". Déplorant cette décision, Amélie Oudéa-Castéra a démenti avoir "abandonné" ce collectif qui œuvre contre l'homophobie dans le football. "Je veux qu'ils continuent. Aucun de nous ne doit céder au découragement", a-t-elle martelé, indiquant leur avoir conseillé de se tourner vers la plateforme de signalement Pharos après qu'ils ont été victimes de cyberharcèlement.