Noël Le Graët dit avoir subi un "lynchage médiatique immérité" et botte en touche sur les accusations de harcèlement qui le visent

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par Soizic BONVARLET, le Mardi 7 novembre 2023 à 20:40, mis à jour le Mercredi 8 novembre 2023 à 10:16

Auditionné à l'Assemblée nationale, mardi 7 novembre, par les députés de la commission d'enquête chargée d'identifier les défaillances de fonctionnement au sein des fédérations sportives, l'ancien président de la Fédération française de football a dénoncé les "contre-vérités" qui l'ont poussé à la démission, mais reconnu avoir pu être "maladroit" à propos de l'homophobie. 

Un "lynchage médiatique immérité". C'est ainsi que Noël Le Graët a qualifié les accusations qui ont conduit à sa mise en retrait en janvier dernier, puis à sa démission en février, de la présidence de la Fédération française de football (FFF), après un rapport sur son "comportement inapproprié vis-à-vis des femmes". Visé par une enquête judiciaire pour harcèlement moral et sexuel, il a initié son audition par la commission d'enquête relative à "l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif" en précisant qu'il n'était pas en mesure de s'exprimer "sur ce qui n'a pas encore été jugé". Comme une manière d'inviter les députés de la commission d'enquête à ne pas aborder certains sujets. L'ancien patron du football français a également rappelé, dans un propos introductif revenant sur son parcours personnel, être âgé 82 ans.

Sur les dysfonctionnements qui ont pu se faire jour au sein de la FFF alors qu'il était à sa tête entre 2011 et 2023, Noël Le Graët a plusieurs fois renvoyé la balle à ses collaborateurs. "Je ne m'occupais pas directement du personnel", indique-t-il ainsi à propos des nombreux départs de salariés, souvent des femmes, survenus en particulier depuis 2016, tout en assurant avoir su s'entourer "de cadres de grande qualité".

"J'ai été étonné de voir autant de départs de femmes. Il y avait un moment trop de monde à la FFF, et je regrette tous ces départs", a déclaré l'ancien président de la Fédération. "Pour les conditions de ces départs, il faudra demander à ceux qui ont géré", a-t-il aussi réitéré.

Sexisme et harcèlement : "Je n'ai rien fait de mal"

Sur les accusations qui le visent directement en matière de sexisme et de harcèlement sexuel, l'ex-numéro 1 de la FFF a dénoncé des "contre-vérités" et assuré n'avoir "rien fait de mal". Évoquant un "lynchage médiatique immérité", il a indiqué n'avoir aucun fait à rapporter en matière de discriminations, de sexisme, de racisme ou d'homophobie au sein de l'entité qu'il dirigeait.

"J'ai l'habitude de travailler avec des femmes", a-t-il aussi tenu à préciser, avant de plaider à nouveau son âge : "Le harcèlement sexuel, je ne sais pas ce que c'est. (...) Et un  comportement inapproprié ? Dire à une femme qu'elle a une jolie robe, aujourd'hui ça ne se dit plus. Les temps ont changé. Cela ne se dit plus. Il faut faire plus attention qu'il y a quelques années, et c'est bien".

Interrogée en janvier avec d'autres femmes par la mission d’audit chargée d'enquêter sur les soupçons de harcèlement sexuel à la FFF, une ex-salariée avait accusé Noël Le Graët de lui avoir posé la main sur la cuisse à l'occasion d'un déplacement professionnel en avion, après lui avoir demandé de porter une jupe pour l'occasion. Interrogé par la présidente de la commission d'enquête, Béatrice Bellamy (Horizons) sur le caractère approprié ou non de cette requête, Noël Le Graët a botté en touche : "Je n'ai pas à répondre à cette question. Je vois où vous voulez en venir."

Homophobie dans le sport : "J'ai dit une bêtise"

À une question de François Piquemal (La France insoumise) ayant trait au racisme dans le foot, Noël Le Graët n'a pas hésité à en nier l'existence, avant de se dire à titre personnel avoir "toujours été proche de l'Afrique".

"J'ai dit une bêtise en disant que je n'arrêterais pas un match pour homophobie, mais peut-être que je l'aurais fait en cas de racisme", a-t-il indiqué alors qu'il était invité à répondre de propos tenus en septembre 2020. "Je regrette d'avoir employé ces mots, (...) j'ai pris un savon par ma fille en rentrant, j'ai ensuite visité un centre contre l'homophobie, il y a des gamins que les parents ont mis dehors, je me suis trouvé triste et maladroit d'avoir dit ça" a déclaré Noël Le Graët. "Si vous faites le bilan des dix dernières années, il n'y a pas eu un match arrêté. Aujourd'hui le problème le plus grave dans le foot, c'est sûrement les bagarres entre supporters", a-t-il cependant estimé. 

"Quand vous entendez les mots de certains dans les stades, je ne suis pas certain qu'ils réfléchissent à ce qu'ils disent (...) Je ne suis pas sûr qu'ils soient tous homophobes", a en outre semblé relativiser Noël Le Graët, avant d'insister sur son évolution personnelle en évoquant des structures qui luttent contre l'homophobie : "J'ai visité trois associations, je vous jure que j'ai changé (...) Vous sortez de là très différent, donc je ne dirais pas les mêmes mots".

Sur le cas d'Angélique Roujas, accusée notamment de violences sexuelles par d’anciennes pensionnaires de l'Institut National de Formation (INF) de Clairefontaine, lesquelles auraient été commises entre 2005 et 2013, et sur l'absence de sanctions disciplinaires prises à son encontre au sein de la FFFNoël Le Graët s'en est référé à la décision judiciaire, qui avait classé l'affaire sans suite en 2015. "Qu'est-ce qu'on pouvait faire ?", s'est-il aussi exclamé, avant que la rapporteure de la commission d'enquête, Sabrina Sebaihi (Ecologiste) ne lui suggère que sa licence aurait pu lui être retirée.

Alors que la commission d'enquête auditionnait également ce mardi le président de la Fédération française de volley, Éric Tanguy, et celui de la Fédération française de handball, Philippe Bana, son rapport devrait être rendu d'ici la fin de l'année.