Alors que le président de la République doit nommer un Premier ministre dans les prochains jours, LCP donne la parole à des députés de tous bords pour connaître leur analyse de la situation politique.
Paroles de députés (3/3). Après un premier tour de consultations infructueux et le rejet de l'"option" du Nouveau Front populaire à Matignon par Emmanuel Macron, le président de la République a entrepris depuis mardi de nouvelles consultations pour former un gouvernement. Dans l'attente d'une nomination d'un Premier ministre, LCP va à la rencontre de députés de tous bords, partageant leur analyse de la situation politique.
Stéphane Lenormand est député de Saint-Pierre-et-Miquelon, président du groupe "Libertés, Outre-mer, Indépendants et Territoires" (LIOT).
Nous vivons un moment historique. Pour la première fois depuis très longtemps nous allons être obligés de travailler sur les notions de compromis, d’intelligence au service de l’intérêt général.
Nos institutions sont faites pour fonctionner sur un fait majoritaire. Ensuite, il y a les postures des différents partis politiques. La clarification qui était souhaitée n’a pas eu lieu. Il faut analyser objectivement la situation : entre les deux tours, il y a eu un front républicain pour empêcher l’arrivée d’une majorité de députés du Rassemblement national. Tous les autres groupes en ont profité, dans chacun des groupes, des députés n’ont pas été élus sur leur programme mais sur le refus d’un autre (celui du RN). Le premier sentiment qui aurait dû l’emporter c’est l’humilité. Pourtant, le Nouveau Front populaire (NFP) estime que numériquement il a gagné, alors que certains de ses députés n’ont été élus que grâce au barrage républicain. La majorité sortante s’en est bien sortie aussi grâce au front républicain mais ce n’est pas une validation de la politique menée depuis 7 ans.
Le premier élément de sortie de crise est dans les mains du Président de la République, c’est la nomination d’un Premier ministre capable d’incarner une nouvelle politique, une nouvelle méthode politique. Cette nomination tarde, il faut avancer ; on ne peut pas continuer comme cela. Il faut un gouvernement d’union, la plus large possible au service des Françaises et des Français. Les Français veulent plus de la justice sociale, plus d’humanisme mais aussi du régalien, de la sécurité, un égal accès à la santé…
Un homme ou une femme avec du sens politique pas un gouvernement "techno", quelqu’un qui parle aux Françaises et aux Français. Une personnalité avec une bonne expérience d’élu local ou national et qui soit capable de travailler avec des gens de droite et des gens de gauche. Ça fait beaucoup de critères mais le choix que fera Emmanuel Macron montrera s’il a compris ou non l’état de la société française.
Christelle d’Intorni est députée "À droite !" des Alpes-Maritimes.
C’est la chienlit. C’est un désordre incroyable, historique. Emmanuel Macron a mis un bazar sans nom dans le pays. Aujourd’hui on se retrouve sans gouvernement désigné, on a des ministres qui sont maintenant députés depuis plus de de deux mois, c’est ubuesque comme situation, c’est du jamais-vu !
Emmanuel Macron est le seul et unique responsable. C’est lui qui a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, c’est lui qui n’assume pas les conséquences de ses actes et qui aujourd’hui se retrouve dans une véritable impasse. Il essaye de faire porter le chapeau aux uns et aux autres en disant qu’il faut que chacun prenne ses responsabilités. Il y a un seul point sur lequel je suis d’accord avec Emmanuel Macron : sur "Les Républicains", qui sont dans une hypocrisie généralisée. Ils ont été élus avec les voix du Nouveau Front populaire, grâce au désistement des uns et des autres. Ils sont aujourd’hui dans un véritable déni, ils s’opposent à la présence de membres de l’extrême gauche au gouvernement alors qu’ils sont élus grâce à eux.
Je ne suis pas magicienne mais soit une nouvelle dissolution, soit une démission du Président de la République soit une destitution mais même si elle me semble impossible. Je ne vois pas quelle nomination pourra débloquer la situation, il y aura toujours des élus et des partis mécontents.
Si la démocratie avait été respectée entre les deux tours et que les 214 candidats qui se sont désistés s’étaient maintenus, nous ne serions pas dans cette situation. Le front républicain que j’appelle "le front de la honte" a privé les électeurs de leurs choix initiaux, a faussé le résultat. Sans ces 214 désistements, l’union des droites aurait été victorieuse donc pour moi le candidat pour le poste de Premier ministre est Jordan Bardella.
Xavier Albertini est député "Horizons" de la Marne.
C’est un moment de transition. Je pense que nous terminons le 1.0 de la Vème République, sa première version. Aujourd’hui, nous devons penser le monde politique différemment, en fonction du quasi-équilibre parlementaire dans l’hémicycle, avec la création de trois blocs quasi-identiques : le Nouveau Front populaire, le camp présidentiel et le Rassemblement national. C’est le peuple français qui l’a décidé dans son expression.
La responsabilité, elle est collective. C’est toute la classe politique qui est responsable. Actuellement, nous travaillons sur un logiciel périmé, un logiciel d’opposition systématique totalement manichéen. Il ne faut surtout pas faire comme avant. Le risque majeur, c’est le blocage institutionnel. Le deuxième risque, c’est que les électeurs, qui se sont largement mobilisés aux législatives, se désintéressent complètement des prochaines élections à cause du non-respect de leur vote. Enfin, le troisième risque, c’est que les Français balayent toute la classe politique. En tout cas, celles et ceux qui seront considérés comme responsables de cette situation.
Il faut recomposer les choses à travers une philosophie politique différente. Cela passe par une réduction du nombre de textes au Parlement. Il faut se concentrer sur les textes budgétaires [projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ndlr] et sur quelques textes qui font avancer la société française. Nous devons être capables de nous coaliser pour l’intérêt général. Cela se fait déjà dans une vingtaine de pays de l’Union-européenne, cela se fait aussi au niveau local, dans les conseils départementaux et régionaux. Ce mode de fonctionnement doit pouvoir se diffuser au niveau national.
Je ne crois pas au Premier ministre providentiel. Avant de parler de telle ou telle personne, ce qui me semble important, c’est de nommer à Matignon une personne qui a le sens de l’État, qui a une capacité de rassemblement, qui a le sens de l’intérêt général sans projection personnelle sur l’échéance présidentielle de 2027. Il faudrait que cette personnalité connaisse les rouages institutionnels et fonctionnels. Enfin, une personnalité avec les mains libres vis-à-vis du président de la République. Le président doit présider, le Premier ministre doit gouverner.
Avec Marco Paumier et Elsa Mondin-Gava.