Alors que le président de la République doit nommer un Premier ministre dans les prochains jours, LCP donne la parole à des députés de tous bords pour connaître leur analyse de la situation politique.
Paroles de députés (1/3). Après un premier tour de consultations infructueux et le rejet de l'"option" du Nouveau Front populaire à Matignon par Emmanuel Macron, le président de la République a entrepris de nouvelles consultations pour former un gouvernement. Dans l'attente d'une nomination d'un Premier ministre, LCP est allé à la rencontre de députés de tous bords, partageant leur analyse de la situation politique.
Benjamin Haddad est député "Ensemble pour la République" de Paris.
C’est un moment politique inédit. Il exige de faire ce que font nos voisins ; des compromis, des coalitions, de voir un peu plus loin de son propre horizon politique. Cela met du temps, c’est compliqué. En Allemagne il y a quelques années, ça a mis 6 mois alors que pourtant le pays est habitué aux négociations et aux compromis. Mais l’intérêt national du pays l’exige.
Au fond on prend acte du résultat des élections législatives. Les Français ont décidé de ne donner la victoire à personne. Je constate qu’une force politique, le Nouveau Front populaire (NFP) et en particulier la France Insoumise, tente un coup de force en voulant imposer un gouvernement qui n’est absolument pas majoritaire et qui est rejeté par la majorité absolue des parlementaires. Maintenant ils parlent de prendre la rue, de manifester pour s’imposer.
Il va falloir se mettre autour de la table, négocier. Nous sommes prêts à le faire, à travailler avec le centre gauche, le centre droit et évidemment à faire des compromis pour faire avancer le pays. On a fait des propositions avec Gabriel Attal (président du groupe Ensemble Pour la République et Premier ministre démissionnaire) sur la transition écologique, sur la revalorisation du travail, sur le fonctionnement des services publics, sur l’Europe..
Évidemment, ce n’est pas à prendre ou à laisser. On sent qu’à gauche il y a un désir de justice sociale, d’investissements plus forts dans la transition écologique, de revalorisation des salaires qui est parfaitement légitime. On entend aussi à travers le pays une demande d’autorité et de fermeté sur les questions régaliennes et l’immigration. Sur tous ces sujets il faut qu’on puisse se mettre autour de la table et travailler avec les socialistes, avec les républicains, au-delà des questions de castings et de personnes.
Je crois qu’il faut une personnalité qui soit respectée des Français. Qu’elle vienne de la gauche ou de la droite au fond n’est pas vraiment le sujet, il faut pouvoir parler à tous les Français au-delà des logiques partisanes. Le plus important ce sera le fond, obtenir rapidement des résultats et monter que nous sommes capables d’avancer sans faire de la politique politicienne.
Anne-Laure Blin est députée "Droite Républicaine" du Maine-et-Loire, porte-parole du groupe.
C’est le grand flou, la grande incertitude. Le fait qu’il n’y ait pas de gouvernement fait que beaucoup de dossiers sont suspendus. On le voit sur le terrain ; tout est à l’arrêt, les forces économiques sont pétrifiées. Les entrepreneurs, les investisseurs ont besoin de savoir de quoi demain sera fait sinon ils ne peuvent pas faire de projet. Tout est suspendu, on ne peut pas attendre plus longtemps, il y a des urgences.
Emmanuel Macron, sans aucun doute ! Il a pris la décision de dissoudre seul, on aurait pu imaginer qu’il avait une stratégie et manifestement il n’en a pas. Il place nos institutions dans une forte instabilité, ce qui est particulièrement dangereux. Les Français sont dans l’attente et Emmanuel Macron n’a manifestement pas compris qu’ils attendaient des changements. Nous sommes dans l’impasse. Il manque un cap, une vision. Quelle est la vision d’Emmanuel Macron pour les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années ?
Il faut que le président de la République détermine des priorités. Nous, la "Droite républicaine", avons mis sur la table dès début juillet nos propositions issues des préoccupations entendues pendant la campagne. Il y a deux priorités : le travail et la sécurité. Il faut revaloriser le travail face à l’assistanat grandissant. Les Français ont l’impression de travailler sans percevoir le fruit de leurs efforts, il faut redonner un sens au travail. Et puis nous avons vu un pays qui est face à une grande insécurité, un manque d’autorité. Nous lui avons donné un cap, à lui de trancher.
Aucune ! Ce n’est pas à nous de choisir, c’est au président de la République. Au-delà du casting c’est le fond qui compte. Dans mon territoire on ne me dit pas "il faut absolument que X, Y ou Z soit Premier ministre", on veut du changement.
Hadrien Clouet est député "La France insoumise" de Haute-Garonne.
C’est un coup de force ! En 1964, François Mitterrand écrivait Le Coup d’état permanent (Plon, 1964) : nous y sommes. Monsieur Macron utilise tout ce qui est à la discrétion du président de la République dans la Constitution pour aller jusqu’à refuser le résultat d’une élection, ce qui est nouveau. Ses prédécesseurs n’avaient jamais osé le faire.
Un responsable : Emmanuel Macron. Il a organisé une dissolution surprise qui avait pour but de mettre l’extrême droite au pouvoir. L’idée, c’était de nommer Jordan Bardella à Matignon pour l’user, mais il y a eu une mobilisation populaire générale. L’extrême droite a été balayée, le NFP a remporté les élections, mais dès le lendemain, les macronistes ont expliqué que personne n’avait gagné. Ils sont dans les magouilles pour rester au pouvoir alors qu’ils ont perdu. C’est une série de coups de force successifs.
Il y a trois options : Castets, censure ou destitution.
Lucie Castets. En tout cas, nous souhaitons une personne qui a gagné les élections. De fait, ça élimine tous les amis de Monsieur Macron.
Avec Elsa Mondin-Gava et Marco Paumier.