"Hors norme", "le chaos", "la démocratie en danger"... à l'Assemblée, commentaires et réactions en attendant la nomination d'un Premier ministre

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par Léonard DERMARKARIAN, le Jeudi 29 août 2024 à 18:05, mis à jour le Vendredi 30 août 2024 à 11:38

Alors que le président de la République doit nommer un Premier ministre dans les prochains jours, LCP donne la parole à des députés de tous bords pour connaître leur analyse de la situation politique.

Paroles de députés (2/3). Après un premier tour de consultations infructueux et le rejet de l'"option" du Nouveau Front populaire à Matignon par Emmanuel Macron, le président de la République a entrepris depuis mardi de nouvelles consultations pour former un gouvernement. Dans l'attente d'une nomination d'un Premier ministre, LCP va à la rencontre de députés de tous bords, partageant leur analyse de la situation politique.

Perrine Goulet (Les Démocrates) : "L’ensemble de la classe politique est responsable du blocage"

Perrine Goulet est députée "Les Démocrates" de la Nièvre.

Comment décrire le moment politique ?

C’est un moment historique de la 5ème République.

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La députée Perrine Goulet. © Assemblée nationale
La députée Perrine Goulet. © Assemblée nationale

Qui est responsable du blocage ?

L’ensemble de la classe politique est responsable du blocage. Depuis trop longtemps les partis ne travaillent pas ensemble, ils ne savent pas faire de coalitions… En France, "compromis" veut dire "renoncement", quelque chose de péjoratif. Quand on regarde d’autres pays, les compromis peuvent faire émerger des choses très intéressantes. Je pense que nous [le camp présidentiel, ndlr] sommes aussi responsables de la situation. Si nous avions été plus à l’écoute, meilleurs ces dernières années, nous n’aurions pas connu cette déflagration des européennes qui a poussé le président de la République à dissoudre. Certes, on a une fin de non-recevoir des Républicains et le Parti socialiste ne veut pas discuter ; mais est-ce que nous tendons vraiment la main aux autres ?

Comment sortir de l’impasse ?

Il faut nommer quelqu’un urgemment, rapidement. Rapidement, puisque sinon on donne le sentiment que la haute administration dirige le pays et que le vote des Français ne sert à rien. Un homme ou une femme qui ne soit pas du camp présidentiel, ni de La France insoumise ni du Rassemblement national. Après, à lui ou elle de voir avec les présidents des groupes des deux chambres sur quoi on peut travailler. Il y a des priorités pour les Français : revalorisation du travail, santé, services publics, école, laïcité, sécurité… On se met autour de la table et on essaye de trouver des consensus. On oublie les partis et on pense aux Français.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Un nom, je n’en ai pas, mais il faut un préfigurateur, un chef d’orchestre. Un homme ou une femme avec peut-être une expérience internationale ou européenne, au-dessus des partis et qui connaisse bien l’Assemblée. Que ce soit quelqu’un de droite, du centre ou de gauche, il n’aura pas la majorité. Donc il doit pouvoir mettre tout le monde autour de la table et discuter. 

Benjamin Lucas (Écologiste et Social) : "Emmanuel Macron n’est pas à la hauteur de sa mission"

Benjamin Lucas est député "Écologiste et Social" des Yvelines, porte-parole du groupe.

Comment définir le moment politique ?

Hors normes, inédit. Nous sommes dans un cas de figure qui n’avait jamais été anticipé dans les écoles de journalisme, à Sciences Po ou dans les formations des universités permanentes de nos partis. Cette situation oblige à réfléchir pour trouver des solutions qui correspondent aux principes posés par les valeurs démocratiques et républicaines de la Constitution. Pour montrer aussi aux Françaises et aux Français que leur vote du 7 juillet dernier a bien des conséquences.

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Le député Benjamin Lucas. © Assemblée nationale
Le député Benjamin Lucas. © Assemblée nationale

Qui est responsable du blocage ?

C’est le président de la République. C’est lui qui a décidé de dissoudre, au soir des élections européennes, quand l’extrême droite était au plus haut. C’est lui qui refuse, depuis le 7 juillet, de reconnaître, dans la logique et la tradition institutionnelle, le résultat des élections. C’est bien le Nouveau Front populaire (NFP) qui a viré en tête au soir du deuxième tour des législatives. Résultat aujourd’hui : on disserte sur des noms comme on fait le casting fictif de l’équipe de France de football avant une compétition internationale. Ce n’est pas sérieux. Emmanuel Macron n’est pas à la hauteur de sa mission.

Comment sortir de l'impasse ?

On sort de l’impasse en appliquant des principes simples. À l’évidence, il n’y a pas de majorité absolue. Aucun parti, aucun bloc ne peut construire une majorité absolue. Dans ce brouillard, la responsabilité du Président, c’est de confier au Nouveau Front populaire, la première force en majorité relative, le soin de gouverner. Ensuite, c’est au Parlement de faire son travail en toute transparence. C’est l’esprit de la séparation des pouvoirs. C’est l’esprit de la cohabitation.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Ma réponse ne va pas vous surprendre : Lucie Castets. C’est la candidate soutenue unanimement par les forces politiques qui composent la coalition en tête au Parlement, à savoir le Nouveau Front populaire. Toute discussion sur un autre nom n’a donc pas de sens. Vous imaginez si Jacques Chirac avait dit en 1997 : "Ça ne sera pas Monsieur Jospin, mais Monsieur Chevènement à Matignon." Assez légitimement, les partis auraient été vent debout ! La Constitution est très claire : le Président nomme le Premier ministre, il ne le choisit pas. La sémantique constitutionnelle a son importance.

Thomas Ménagé (Rassemblement national) : "Les macronistes et le NFP ont paralysé le pays"

Thomas Ménagé est député "Rassemblement national" du Loiret.

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Le député Thomas Ménagé. © Assemblée nationale
Le député Thomas Ménagé. © Assemblée nationale

Comment définir le moment politique ?

Le chaos. Comme l'avait prédit Marine Le Pen : soit le Rassemblement National obtenait une majorité absolue pour gouverner, soit la France se retrouverait dans un bourbier institutionnel. Malheureusement, nous y sommes.

Qui est responsable du blocage ?

En cherchant à bloquer le Rassemblement National, les macronistes et le Nouveau Front populaire (NFP) ont paralysé le pays. Ils sont les seuls responsables de cette impasse, à un moment où il est pourtant urgent d'agir sur des sujets prioritaires tels que le pouvoir d'achat, la sécurité, la lutte contre l'immigration ou la santé.

Comment sortir de l'impasse ?

Il faut avoir l'honnêteté de dire la vérité aux Français : il n'existe aujourd'hui que peu de solutions. Marine Le Pen et Jordan Bardella ont proposé au Président de la République de recourir à des référendums pour consulter directement les Français si l'Assemblée nationale n'est pas en mesure de légiférer. Lorsque le délai constitutionnel d'un an sera écoulé, il faudra envisager une nouvelle dissolution. Enfin, si aucun gouvernement ne parvient à obtenir une majorité à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron, responsable de ce blocage, devra envisager sa démission comme ultime solution pour débloquer notre pays.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Un Premier ministre qui tiendra compte des dernières élections législatives, lors desquelles le Rassemblement national et ses alliés de la droite d'Éric Ciotti sont arrivés en tête ! Un Premier ministre qui respectera les urnes et les onze millions de Français qui attendent que les mesures défendues par Marine Le Pen, Jordan Bardella et l'ensemble des parlementaires du RN soient appliquées.

Christine Pirès-Beaune (Socialistes) : "Le responsable du blocage, il est à l’Élysée, il n’est pas ailleurs !"

Christine Pirès-Beaune est députée "Socialistes et apparentés" du Puy-de-Dôme, porte-parole du groupe.

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La députée Christine Pirès-Beaune. © Assemblée nationale
La députée Christine Pirès-Beaune. © Assemblée nationale

Comment décrire le moment politique ?

Inédit mais surtout dangereux. Dangereux pour la démocratie. Si on ne respecte pas le choix des électeurs qui ont dit trois fois "non" au président de la République, on met en danger la démocratie. À plus long terme, que va-t-il se passer en 2027 ? Il y aura deux solutions : soit les électeurs vont se dire à quoi bon aller voter puisque quand on vote, rien ne change, on prend les mêmes et on recommence ; ou alors, ils vont aller voter encore plus fortement pour le Rassemblement national, qui est le seul qui profite de la situation actuelle. 

Qui est responsable du blocage ?

Le responsable est à l’Élysée, il n’est pas ailleurs ! Ce blocage vient de la dissolution, donc d’Emmanuel Macron. Si on en est là, c’est parce qu’il a décidé tout seul de dissoudre l’Assemblée nationale alors que personne ne le lui demandait. Il a mis en péril le pays tout entier. L’activité économique, les collectivités locales sont bloquées. Les élus locaux sont en position d’attente, ils sont comme les chefs d’entreprise, ils ont besoin de visibilité qu’ils n‘ont pas. Les parlementaires ne savent pas quand ils auront la première ligne d’un budget [projet de loi de finances, ndlr] et d’un budget de la Sécurité sociale [projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ndlr].

Comment sortir de l’impasse ?

La logique veut que le président de la République nomme un Premier ministre parmi le bloc arrivé en tête c’est tout ce qu’on lui demande. Qu’il nomme Lucie Castets à Matignon et après on verra ! Ce n’est pas à Emmanuel Macron de décider s’il doit sanctionner le gouvernement de Lucie Castets, il n’est pas député. Ce n’est pas à lui de nommer le gouvernement c’est au Premier ministre sauf que depuis 7 ans on s’est habitué à un président qui fait tout. Le seul Premier ministre qui conviendrait au chef de l’État c’est lui-même !

Quelle personnalité pour Matignon ?

Lucie Castets. Elle a annoncé très clairement ne pas être dans le dogmatisme. Lucie Castets a été très claire elle a dit que nous n’avions pas la majorité absolue et qu’il fallait que nous allions chercher des compromis, nous y sommes prêts mais sur une ligne qui est la nôtre. Qui va censurer l’augmentation du budget de l’hôpital ? Chacun prendra ses responsabilités à l’Assemblée !

Avec Elsa Mondin-Gava et Marco Paumier.