La France insoumise a annoncé hier soir une "motion de destitution" du président de la République après le rejet par ce dernier de l'"option" du Nouveau Front populaire à Matignon. Que prévoit la Constitution ? Comment la procédure de destitution se déroulerait ? Éléments de réponse.
"Censure, mobilisation, destitution" : la réponse de la France insoumise (LFI) à la décision du président de la République, hier soir, de ne pas retenir l'"option" du Nouveau Front populaire (NFP) à Matignon après un premier cycle de consultations ne s'est pas faite attendre.
Dans un communiqué paru hier, LFI dénonce un "abus de pouvoir" du président de la République. Outre un appel à "des marches pour le respect de la démocratie" et à la censure de tout gouvernement dirigé par un Premier ministre "autre que Lucie Castets", le mouvement annonce qu'une "motion de destitution sera présentée par les députés insoumis au bureau de l'Assemblée nationale conformément à l'article 68 de la Constitution" - une procédure constitutionnelle récente et méconnue.
Que prévoit la Constitution en matière de destitution du président de la République ?
Inexistante dans la Constitution de 1958, la destitution du président de la République est une innovation constitutionnelle récente : issue de la révision constitutionnelle de 2007, elle a été promulguée sept ans plus tard, après l'adoption d'une loi organique en novembre 2014, et définie au sein de l'article 68 de la Constitution.
Ce dernier stipule que le président de la République "ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". Selon vie-publique.fr, "le 'manquement' en cause peut concerner le comportement politique, mais aussi privé, du Président, à condition que ses actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction". L'article 68 est pensé comme un contre-poids à l'article 67, qui offre au président de la République une irresponsabilité durant l'exercice de son mandat.
Pour lancer la procédure de destitution, une proposition de résolution doit être déposée à l'Assemblée nationale ou au Sénat, être motivée et signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée dont elle est issue - soit 58 députés ou 35 sénateurs.
En cas d'examen favorable de sa recevabilité par le bureau de l'assemblée saisie, la proposition de résolution doit être adoptée, tour à tour, par les deux chambres parlementaires à une majorité des deux tiers. Selon l'article 4, "le rejet de la proposition de résolution par l'une des deux assemblées met un terme à la procédure."
L'adoption du texte par le Parlement permet ensuite la réunion du Bureau de la Haute Cour de la République (HCR). Composée d'onze députés et d'onze sénateurs, la Cour est présidée par le ou la présidente de l'Assemblée nationale. Elle est chargée de statuer, sous un mois, sur la destitution du président de la République.
Au terme de la procédure, la destitution, à effet immédiat, doit être votée à bulletin secret par une majorité des deux tiers des membres de la HCR.
Depuis l'adoption de la loi organique il y a presque dix ans, la procédure de destitution du président de la République n'a été utilisée qu'une seule fois : c'était à l'automne 2016.
Accusant à l'époque le président de la République François Hollande de "violations manifestes du secret-défense" à la suite de la parution de confidences dans le livre Un président ne devrait pas dire ça... (Stock, 2016) des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, la droite avait déposé une proposition de résolution, portée par le député de Paris Pierre Lellouche et signée par 79 députés LR, pour engager une procédure de destitution.
Déposée et examinée par le Bureau de l'Assemblée nationale, présidé à l'époque par le député socialiste Claude Bartolone, la proposition de résolution avait été jugée irrecevable sur le fond et la forme (13 voix contre, 8 voix pour), mettant ainsi un terme à son examen.