Auditionné par la commission d'enquête "relative aux révélations des Uber Files", le PDG d'Uber, Dara Khosrowshahi, a mis garde les autorités françaises et européennes contre toute velléité d'instaurer une présomption de salariat pour les chauffeurs de VTC. Selon lui, une telle décision ne correspond pas aux "souhaits" des travailleurs.
Les conducteurs de VTC "ne souhaitent pas être employés". Auditionné, jeudi 25 mai, par la commission d'enquête "relative aux révélations des Uber Files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences", le Président-directeur général d'Uber, Dara Khosrowshahi, a défendu le modèle économique de son entreprise. "Nos employés valorisent la flexibilité avant tout", a notamment déclaré le patron de la firme américaine.
Une façon de répondre au Parlement européen, qui s'est prononcé, en février dernier, en faveur d'une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, mais aussi de mettre en garde les Etats membres, qui ne sont pas encore parvenus à une position commune sur ce sujet, en vue de l'adoption prochaine d'une directive européenne.
Dara Khosrowshahi a profité de sa courte audition en visioconférence pour affirmer qu'Uber en avait fini avec les "erreurs du passé" et se trouvait désormais "dans une ère de collaboration", notamment avec les syndicats. "Nous voulons nous assurer que nous respectons toutes les réglementations, toutes les lois", a encore expliqué le PDG d'Uber.
"Nous avons signé des accords ici récemment", s'est félicité Dara Khosrowshahi. Les plateformes et les syndicats de chauffeurs français se sont en effet accordés en janvier sur un tarif minimal de la course et un autre accord, conclu avec les livreurs à deux roues, a été signé en avril. Ces accords ont été conclus sous l'égide de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emplois (Arpe), tout juste créée en 2021. "Si introduire ces protections rend le travail chez Uber plus attractif, c'est notre intérêt de le faire", a commenté le PDG.
Si le cadre législatif français actuel semble satisfaire Dara Khosrowshahi, le patron d'Uber a mis en garde contre toute tentation d'instaurer au niveau européen une présomption de salariat pour les chauffeurs de VTC. "Nous espérons que le Parlement européen écoutera les travailleurs qui veulent à la fois être leurs propres patrons, avoir de la flexibilité, et être protégés", a-t-il affirmé, ajoutant que la présomption de salariat "fait fi de [leurs] souhaits".
Le PDG va même plus loin, en prenant l'exemple de Genève, "où les conducteurs sont employés" : "Des milliers de personnes ont perdu leur travail", affirme Dara Khosrowshahi, ajoutant que les prix ont augmenté pour les clients.
Le résultat est vraiment, vraiment négatif. Dara Khosrowshahi
Le patron d'Uber plaide donc sans surprise pour plus de "flexibilité de travailler", afin que les chauffeurs puissent le faire "quand ils le veulent, où ils le veulent, selon leurs propres termes".
Des propos qui n'ont pas convaincu la présidente de la commission d'enquête, Danielle Simonnet (La France insoumise), qui a dénoncé la "précarité" subie par les chauffeurs de VTC "du fait de la baisse régulière du tarif des courses et de l'augmentation régulière de la contribution que prend Uber".
La députée a rappelé que la justice française a déjà requalifié des contrats liant Uber à des chauffeurs en contrat de travail. Danielle Simonnet a également évoqué la persistance du droit français "qui date depuis 1910 et qui a été conquis de haute lutte" : "Quand les liens de subordination sont avérés, il doit y avoir un contrat de travail."
"Avec tout mon respect, nous ne pensons pas que le cadre juridique français est stabilisé, beaucoup de tribunaux en France ont tranché en faveur de l'indépendance", lui a répondu Dara Khosrowshahi. "Votre présentation des travailleurs comme étant subordonnés ne représente pas les faits sur le terrain."
Fin des auditions : Danielle Simonnet (LFI) dénonce "un coup de force"
Dans un communiqué de presse publié jeudi, la députée La France insoumise Danielle Simonnet, rapporteure de la commission d'enquête sur les Uber Files, a regretté l'arrêt ce jeudi des auditions de ladite commission.
La députée LFI souhaitait auditionner le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, ainsi qu'Emmanuel Lacresse, "ex-membre du cabinet d'Emmanuel Macron [à Bercy] en charge du dossier dans son cabinet" et devenu député. Danielle Simonnet espérait également entendre l'ancien président de la République, François Hollande, et les députés Philippe Vigier (Démocrate) et Aurélien Taché (ex-LREM, aujourd'hui Ecologiste).
"Le bureau de la commission d'enquête a voté ce matin contre toute nouvelle audition et le président [de la commission d'enquête Benjamin Haddad (Renaissance)] se refuse à ce qu'on auditionne les membres du cabinet d'Emmanuel Macron de l'époque", a déclaré la députée LFI jeudi après-midi, estimant dans son communiqué qu'il s'agirait d'une "manœuvre pour protéger Macron et ses proches".