Les députés ont validé, par 365 voix contre 102, l'accord qui a été trouvé entre les deux Chambres sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur. Le texte sera définitivement adopté par le Parlement à l'issue d'un ultime vote des sénateurs qui seront, eux aussi, appelés à valider cet accord, le 14 décembre.
Tout juste trois mois après sa présentation en Conseil des ministres, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) a définitivement été adopté par les députés, mercredi 7 décembre. Le suspense était limité, puisque le texte avait fait l'objet d'un accord avec les sénateurs en commission mixte paritaire (CMP) la semaine dernière. Comme au Sénat, à majorité de droite, les élus Les Républicains de l'Assemblée nationale ont voté en faveur du texte, qui prévoit 15 milliards d’euros supplémentaires de budget sur cinq ans, dont plus de la moitié sont fléchés sur la cybersécurité et la transformation numérique de la place Beauvau. Le texte acte, en outre, la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes supplémentaires.
La Lopmi "marquera l'histoire du ministère de l'Intérieur par ses crédits, par sa vision et son rapport annexé", s'est félicité Gérald Darmanin. Peu avant le vote, le ministre de l'Intérieur a proposé que soit mis en place un comité de suivi transpartisan du texte, qui se réunirait sur une base trimestrielle. Cette instance devrait se retrouver pour la première fois en janvier, comme l'a précisé le ministre.
Comme cela a pu être le cas sur certains points clivants du texte, les débats se sont quelque peu crispés lors de l'examen d'une motion de rejet préalable déposée par La France insoumise. Antoine Léaument a fustigé un texte "d'extrême droite", qui incline vers une "technopolice". Il a particulièrement critiqué l'extension des amendes forfaitaires délictuelles, objets "d'oppression du peuple" destinées, selon lui, à "frapper d'abord les plus pauvres".
"On peut comprendre que vous soyez chagriné que les consommateurs de stupéfiants soient visés par une amende forfaitaire. peut-être vous sentez-vous à ce titre concerné", a cinglé en réponse le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance). "On m'accuse de fumer des chichons", a déploré l'élu insoumis, lors d'un rappel au règlement. Ugo Bernalicis (LFI) et Gérald Darmanin ont également eu des mots, dans un duel devenu un classique dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Le député du Nord reprochant au second "d'aller dans le sens du Rassemblement national" et de proférer des "attaques ad hominem", le ministre pointant le côté "mauvais joueur" de l'élu. In fine, le débat a repris son cours de façon plus apaisée, et la motion de rejet a été écartée par 271 voix contre 50 - les voix de 10 députés socialistes se joignant à celles de la majorité.
Au sein de la Nupes, le groupe Socialistes et apparentés s'est d'ailleurs démarqué sur le vote du projet de loi, les 26 députés présents s'étant abstenus. Lors des explications de vote, l'orateur du groupe, Roger Vicot, a reconnu quelques avancées dans le texte, tout en rappelant qu'il subsistait de "nombreux points négatifs". Hormis les autres groupes de gauche, qui ont voté contre, et à l'exception de l'abstention de deux élus du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, l'ensemble des groupes ont approuvé la Lopmi. Le député du Rassemblement national Jordan Guitton a toutefois apporté un contrepoint à ce quitus. Tout en estimant que le texte allait dans le bon sens, il a émis quelques doutes sur sa portée véritable, vilipendant les absences d'une justice "laxiste".
La version définitive, adoptée ce mercredi, est très proche de celle qui avait été votée en première lecture, fin novembre. Parmi les principales évolutions, figure la limitation de l'extension des amendes forfaitaires délictuelles à 29 délits. En commission mixte paritaire, les parlementaires ont également limité à six les infractions pour lesquelles de telles amendes pourront être prononcées en cas de récidive. En outre, plusieurs demandes de rapports au gouvernement ont été supprimées de la version finale.
Le rapporteur, Florent Boudié (Renaissance), a également mis en avant l'ajout d'un paragraphe encadrant encore davantage la réforme de la police judiciaire, particulièrement décriée et crainte dans les rangs de la "PJ". Un addendum qui n'a convaincu ni Roger Vicot (Socialistes) ni Élisa Martin (LFI), qui ont rappelé que ce paragraphe figurait dans le rapport annexé au projet de loi, sans valeur normative. La Lopmi achèvera son parcours législatif au Sénat, qui doit à son tour l'accord conclu entre les deux Chambres mercredi 14 décembre. Le projet de loi devra ensuite passer sous la loupe du Conseil constitutionnel, La France insoumise n'ayant pas fait mystère de son intention de saisir les Sages de la rue Montpensier.