L'Assemblée nationale a terminé l'examen du projet de loi sur "l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires", dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mars. L'examen du texte a été marqué par la mise en échec du gouvernement sur la réforme de la sûreté nucléaire. Un vote solennel aura lieu mardi.
La relance du nucléaire a franchi une nouvelle étape. Actée lors du discours de Belfort d'Emmanuel Macron, en février 2022, cette relance implique la mise en œuvre d'un lourd processus politique, industriel et administratif
C'est tout l'objet du projet de loi sur "l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires" et le "fonctionnement des installations existantes", dont les députés ont achevé l'examen dans la soirée du jeudi 17 mars. Le texte comporte notamment des mesures destinées à réduire la durée de certaines procédures administratives, afin de gagner du temps dans le lancement des projets nucléaires. L'objectif étant de pouvoir compter sur 6 premiers EPR 2 à l'horizon 2035, un défi pour une filière en difficulté ces dernières années.
Au fur et à mesure de la navette, le projet de loi a également revêtu des accents plus politiques. Le Sénat, qui l'a adopté en première lecture en janvier dernier, a ainsi ajouté la suppression du "verrou" introduit durant le quinquennat de François Hollande, revenant ainsi sur l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici à 2035.
C'était l'un des points clivants du projet de loi : la réforme de la sûreté nucléaire. Introduit en commission par voie d'amendements gouvernementaux, le projet de fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire, le "gendarme du nucléaire" responsable des contrôles, et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l'expertise et de la recherche, avait crispé jusque dans la majorité.
En séance, les députés sont finalement revenus sur cette réforme, au grand dam d'Agnès Pannier-Runacher, qui avait tenté de faire preuve de pédagogie sur le sujet. Tout au long de l'après-midi du jeudi, dans un contexte rendu électrique par l'utilisation du 49.3 pour faire passer la réforme des retraites, la ministre de la Transition énergétique a été tancée par les élus de la Nupes qui l'ont sommée de dire si elle comptait demander une nouvelle délibération sur l'abandon de cette fusion. Finalement, juste avant 20 heures, Agnès Pannier-Runacher a indiqué qu'il n'en serait rien.
L'ultime soirée a été marquée par un nouvel épisode de tensions, au moment d'aborder l'article 13, qui prévoit le durcissement des peines sanctionnant les intrusions dans les centrales. Cette mesure avait été introduite par le Sénat. Elle prévoit que la peine pour intrusion soit portée d'un à deux ans de prison et de 15 000 à 30 000 euros d'amende, les sanctions étant supérieures en cas de menace d'une arme, ou de commission en bande organisée.
En commission, les députés avaient déjà limité sa portée en réduisant l'aggravation prévue par les sénateurs. En séance, ils sont également revenus sur la possibilité de dissolution d'une personne morale, qui aurait spécifiquement visé les associations militantes. Insuffisant, pour les députés de gauche, qui ont fustigé une disposition visant à limiter l'activité des militants anti-nucléaire ou des lanceurs d'alerte. "Les actions militantes ont permis d'améliorer la sécurité de certaines centrales. Cela pose une vraie question sur la proportionnalité des peines", a pointé Julie Laernoes (Écologiste).
Pas totalement convaincue par cette aggravation des peines, Agnès Pannier-Runacher a toutefois dénoncé cette "espère de romantisme (...) complètement à côté de la plaque" autour des actions militantes, mettant en doute la justification de ces actions notamment justifiées par la volonté affichée de repérer des dysfonctionnements de la sécurité nucléaire.
Les esprits se sont particulièrement échauffés après qu'Emmanuel Blairy (Rassemblement national) a dressé un parallèle entre les actions militants et la "menace extérieure" de mouvances terroristes pesant sur les centrales, et que son collègue Nicolas Dragon (RN) a dénoncé la "dérive marketing" de Greenpeace. Signe de la tension régnant dans l'hémicycle, Matthias Tavel (La France insoumise) a été sanctionné d'un rappel à l'ordre par la présidente, Caroline Fiat (LFI), après une suspension de séance.
En fin de soirée, un amendement socialiste visant à créer une délégation parlementaire au nucléaire civil a été adopté. Il s'agit "d'assurer un meilleur contrôle du secteur nucléaire", a plaidé Marie-Noëlle Battistel. Cette instance serait composée de quatre députés et de quatre sénateurs, dont un membre de l'opposition de chaque Chambre.
Les députés sont désormais appelés à se prononcer sur l'ensemble du projet de loi, lors d'un vote solennel, qui sera organisé mardi 21 mars, après les Questions au gouvernement. Il se pourrait que ce ne soit pas le point final des travaux : au vu des modifications apportées au projet de loi, et notamment de l'abandon de la fusion de l'ASN et de l'IRSN, Agnès Pannier-Runacher a fait savoir qu'elle avait proposé au Sénat de procéder à une deuxième lecture sur le texte au lieu de procéder dès ce stade à la réunion d'une commission mixte paritaire.