Régulation de l'espace numérique : l'Assemblée nationale s'apprête à adopter définitivement le projet de loi

Actualité
Image
Adopté à l'automne, le projet de loi du gouvernement a vu la commission mixte paritaire être reportée. Elle se tiendra mardi 26 mars 2024.
Adopté à l'automne, le projet de loi "SREN" du gouvernement a vu la commission mixte paritaire être reportée par deux fois. Après l'accord entre les deux Chambres, le texte doit être adopté par chacune d'entre elles.
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 10 avril 2024 à 09:19, mis à jour le Mercredi 10 avril 2024 à 10:15

Un peu moins d'un an après son dépôt au Parlement, le projet de loi visant à "sécuriser et réguler l'espace numérique" sera définitivement adopté, ce mercredi 10 avril, à l'issue d'un ultime vote de l'Assemblée nationale. L'accord qui a été trouvé sur le texte, entre élus des deux Chambres en commission mixte paritaire, a déjà été validé par le Sénat le 2 avril. 

Un dernier vote pour une adoption définitive. Ce mercredi 10 avril, après la séance de Questions au Premier ministre, l'Assemblée nationale se prononcera sur l'accord qui a été trouvé entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP), le 26 mars, sur le projet de loi visant à "sécuriser et réguler l'espace numérique". Cet accord ayant déjà été approuvé par le Sénat le 2 avril, un vote positif de l'Assemblée vaudra adoption définitive par le Parlement. 

Voté en première lecture, d'abord au Sénat en juillet, puis en octobre à l'Assemblée, le projet de loi est présenté par le gouvernement comme un texte de "protection", afin selon rapporteur général du texte au Palais-Bourbon, Paul Midy (Renaissance), de "rendre notre espace numérique aussi civilisé que l’espace public".

Le projet de loi prévoit notamment un renforcement de l'Autorité de régulation des communications (Arcep), des dispositions relatives à la lutte contre l'exposition des mineurs à la pornographie, la création d'un filtre "anti-arnaque" et la régulation des jeux à objet numérique monétisable (JONUM), à mi-chemin entre des jeux d'argent et des jeux vidéos (voir nos précédents articles ici, ici et ).

Cinq mois pour réunir la CMP

Signe de la complexité du sujet, il a fallu cinq mois après le vote en première lecture à l'Assemblée pour réunir la CMP composée de 14 parlementaires (sept députés, sept sénateurs), avec un double enjeu : harmoniser les versions du texte, voté en des termes différents par les deux Chambres, et prendre en compte un certain nombre de remarques adressées à la France par la Commission européenne. 

Dans un avis communiqué à la fin du mois d'octobre 2023 et dévoilé par Contexte, la Commission craignait une "surtransposition" des normes européennes. Elle indiquait notamment que si elle "partag[eait]" les objectifs visés par le gouvernement français, la récente réglementation européenne du Digital Services Act, encadrant l'activité en ligne  "fourni[ssait] une solution réglementaire efficace, à l'échelle européenne" - un "avertissement contraignant" qui a conduit l'exécutif à revoir une partie de sa copie et à reporter la convocation de la commission mixte paritaire par rapport à la date initialement prévue. 

Expérimentation des JONUM pour trois ans

Le texte issu de la CMP rend compte des "changements techniques" demandés par la Commission européenne sans modifier l'équilibre général du texte, selon le le député Paul Midy (Renaissance) - un avis nuancé par un récent article du Monde, qui détaille comment la mesure de blocage administratif des sites pornographiques qui n'empêchent pas les mineurs d'accéder à leur contenu a été ajustée, afin de respecter le droit européen. Elle ne s'appliquera finalement qu'aux plateformes établies en France ou hors de l'Union européenne, excluant de fait Pornhub, site pornographique le plus consulté en France en 2023 selon Statista, dont le siège social, ainsi que celui de sa maison-mère Ayla (ex-Mindgeek) est établi au Luxembourg.

Le texte final renforce, en revanche, la sécurisation des données de santé et confirme l'autorisation des JONUM à titre expérimental pour une durée de trois ans. A notamment été défini, d'après l'un des co-rapporteurs du projet de loi à l'Assemblée, Denis Masséglia (Renaissance), un cadre "extrêmement précis pour cet objet hybride", aussi innovant et riche de promesses économiques que porteur de risques d'addiction, selon la présidente de l'Autorité nationale des Jeux, Isabelle Falque-Perrotin. Le texte issu de la CMP garantit à cet égard l'interdiction de gains monétaires et l'implication de l'ANJ par un avis consultatif dans le processus d'expérimentation.

Enfin, la commission mixte paritaire a rétabli le délit d'outrage en ligne, introduit par le Sénat, mais supprimé par l'Assemblée, en première lecture. Une mesure "inadaptée", selon Aurélien Lopez-Liguori (Rassemblement national).

Interrogé par LCP, le rapporteur général Paul Midy (Renaissance) se félicite globalement de "compromis intelligents" trouvés entre députés et sénateurs, un avis partagé par Victor Habert-Dassault (Les Républicains) qui salue des "avancées satisfaisantes". Ségolène Amiot (La France insoumise) pointe, en revanche, un texte "fourre-tout" et indique que son groupe effectuera une saisine du Conseil constitutionnel en cas d'adoption définitive du texte par le Parlement.

Sur X (ex-Twitter), la ministre déléguée chargée du Numérique, Marina Ferrari, a quant à elle appelé les parlementaires à voter un texte qui "répond concrètement aux aspirations des Français qui souhaitent, bien légitimement, être mieux protégés en ligne". Ce qui, après le Sénat la semaine dernière, sera chose faite ce mercredi après-midi à l'Assemblée nationale.