Le projet de loi visant à "sécuriser et à réguler l'espace numérique" sera soumis au vote des députés ce mardi 17 octobre. Focus sur les débats qui ont porté sur l'encadrement des jeux à objets numériques monétisables (Jonum), suscitant autant de craintes que d'engouement.
"Le moment est venu de s’interroger collectivement sur la place croissante qu’occupe le jeu d’argent dans notre société et sur les moyens de limiter les risques pour les personnes". L'appel paru dans une tribune du Monde d'Isabelle Falque-Perrotin, présidente de l'Autorité nationale des Jeux (ANJ), a trouvé un écho particulier à l'Assemblée nationale lors de l'examen dans l'hémicycle du projet de loi sur le numérique.
Celui-ci, voté en première lecture par le Sénat au début de l'été, vise à "sécuriser et réguler l'espace numérique" (SREN) à travers un large panel de mesures. Après avoir notamment adopté un renforcement des mesures pour lutter contre l'exposition des mineurs à la pornographie et une généralisation de l'identité numérique d'ici la fin de la décennie, la question de la régulation des jeux en ligne, en forte croissance depuis le début des années 2010 selon l'ANJ, a été une question centrale.
Si certains jeux d'argent en ligne commencent à être régulés, comme les paris hippiques et sportifs, d'autres types de jeux ne le sont pas : c'est notamment le cas des jeux à objets numériques monétisables (Jonum). A la croisée des chemins entre jeux vidéos et jeux d'argent et de hasard, les Jonum connaissent, selon un rapport du Sénat paru avant l'été, un essor important ces dernières années. La start-up française Sorare, valorisée à plus de 4 milliards de dollars et rassemblant plus de 137 000 joueurs autour d'un jeu de cartes sportives en ligne reposant sur l'utilisation de cryptomonnaies, en est l'emblème.
Pour le gouvernement et la majorité, l'article 15 du projet de loi SREN constitue une avancée législative importante afin de "développer un cadre protecteur", selon le titre IV du projet de loi. Si le texte initial prévoyait initialement de légiférer par ordonnance sur le sujet, l'article a sensiblement évolué durant son parcours législatif, en autorisant les Jonum de manière expérimentale pour 3 ans, à compter de la promulgation de la loi. En cas de manquement aux obligations légales, l'ANJ pourrait mettre les acteurs du secteur en demeure. Enfin, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur le sujet d'ici à 18 mois. Des mesures présentées comme des avancées concrètes par Erwan Balanant (Démocrate), afin de combler un "vide juridique".
Aucune législation ne vient encadrer ces jeux et protéger les consommateurs [...]. Si nous décidons de ne rien faire, alors nous maintenons le statut actuel et nous renonçons à protéger nos enfants, à légiférer sur les bonnes pratiques. Erwan balanant
Des dispositions soutenues en séance par Alexandre Sabatou (Rassemblement national), qui estime que celles-ci permettent de "donner à ces entreprises une direction de développement, pour protéger les mineurs et éviter le phénomène d’addiction".
Si la majorité présidentielle, le gouvernement et certains groupes d'opposition privilégient la piste d'une régulation des Jonum via l'article 15, les députés de La France insoumise ont vertement critiqué ce qu'ils appellent "l'article Sorare", un "scandale absolu" selon Sophia Chikirou (LFI). Des amendements de suppression de l'article, défendus par les groupes La France insoumise et Ecologiste, ont été rejetés.
Sophia Chikirou a, par ailleurs, accusé le gouvernement de légiférer avec l'appui du Rassemblement national et "sous la pression" de lobbies, suscitant une mise au point de la présidente de séance, Naïma Moutchou (Horizons), et une réponse ferme de Marie Guévenoux (Renaissance).
Au sein de la majorité, plus mesuré, Philippe Latombe (Démocrate) a tout de même relayé les craintes de certaines fédérations de lutte contre les addictions, évoquant un "vrai risque de santé publique". Plusieurs amendements visant à réduire la durée de l'expérimentation prévue ont été finalement rejetés.
Passés ces débats, l'article 15 a été largement adopté avec les voix des groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons), du Rassemblement national, des Républicains et des Socialistes. Et à l'exception d'une abstention de Sophia Chikirou (LFI), l'article 15 bis a été adopté à l'unanimité.
Enrichi par plus de 199 amendements au cours de son examen, le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi aura lieu mardi 17 octobre, après les Questions au gouvernement.