Projet de loi agricole : l'Assemblée nationale modifie le régime de sanctions en cas d'atteinte non-intentionnelle à l'environnement

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Marc Fesneau, le 24 mai 2024 à l'Assemblée nationale. LCP
Marc Fesneau, le 24 mai 2024 à l'Assemblée nationale. LCP
par Maxence Kagni, le Vendredi 24 mai 2024 à 20:15, mis à jour le Vendredi 24 mai 2024 à 21:45

L'amendement de réécriture de l'article 13 du projet de loi d'orientation agricole, adopté par les députés ce vendredi 24 mai, réserve la qualification de délit aux cas où les atteintes "à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées, d’habitats naturels et de sites d’intérêt géologique" ont été commises de manière intentionnelle. La gauche dénonce un "permis de détruire la nature".

L'Assemblée nationale a adopté, ce vendredi 24 mai, un amendement du gouvernement au projet de loi "d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture" qui "adapte le régime de répression des atteintes à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées, d’habitats naturels et de sites d’intérêt géologique" (39 voix "pour", 35 "contre"). Très critiquée par l'opposition de gauche, la disposition "réserve la qualification de délit aux cas dans lesquels les fait ont été commis de manière intentionnelle".

"Le premier objectif ce n'est pas de revenir sur les atteintes à l'environnement et leur qualification, c'est de revenir sur le quantum des peines", a expliqué le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. "Si vous restez au statu quo, vous avez des gens qui, pour des délits non intentionnels, sont menacés de trois ans d'emprisonnement ou 150 000 euros d'amende", a-t-il indiqué. "Il y a un certain nombre de cas où les agriculteurs, de bonne foi, produisent des actes qui ne sont pas acceptables d'un point de vue du Code de l'environnement", mais un "entretien de haie qui a débordé de la période considérée" ne "mérite quand même pas qu'on vienne vous mettre en garde à vue et cinq ans de prison", a argumenté le ministre. Un autre exemple avancé par le gouvernement concerne l'abattage d'arbres touchés par des scolytes, en application des règles sanitaires, mais qui abriteraient aussi des nids d’espèces protégées, ce qui peut aujourd’hui être passible de poursuites et de sanctions. 

La garde à vue ce n'est pas une chose anodine, la menace de prison ce n'est pas une chose anodine. Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture

Le texte "présume" par ailleurs que "toute intentionnalité est exclue lorsque l’atteinte est commise dans le cadre de l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire, lorsque la personne concernée se conforme aux prescriptions assortissant une autorisation administrative ou met en œuvre des actions prévues par des documents de gestion". 

Par ailleurs, l'auteur de l'infraction pourra, dans certains cas, transiger avec l'administration, c'est-à-dire verser une somme d'argent contre l'abandon des poursuites. La somme devra être validée par le procureur de la République. Cette transaction pénale pourra, par exemple, être utilisée lorsque "l’atteinte à la conservation des espèces animales et végétales, des habitats naturels et des sites géologiques résulte de l’entretien d’une haie en dehors des périodes autorisées".

La gauche dénonce un "permis de détruire la nature"

Ces dispositions ont été très vivement critiquée par les groupes de gauche de l'Assemblée : "L'amendement, en mettant la notion de caractère intentionnel de la destruction de la nature, délivre un permis de détruire la nature et d'impunité générale", a fustigé Delphine Batho (Ecologiste), qui a demandé l'intervention du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. "Il n'y a jamais eu de remise en cause aussi brutale et aussi violente de toutes les directives européennes sur la protection des espèces et des habitats protégés", a-t-elle jugé. 

Selon Delphine Batho, l'amendement du gouvernement est contraire au droit de l'Union européenne et à la Charte de l'environnement. La députée écologiste regrette, par ailleurs, que le dispositif ne concerne pas les seuls agriculteurs mais "toute atteinte aux espèces et aux habitats protégés". "Vous permettez qu'une rupture d'un pipeline qui serait accidentelle dans une zone naturelle protégée puisse être non poursuivie", a renchéri Marie Pochon (Ecologiste).

Dominique Potier (Socialistes) a, quant à lui, dénoncé une "bombe à fragmentation dans les relations sociales" qui risque d'entacher la "réputation de l'agriculture" et une "bombe à fragmentation pour les espèces protégées, pour la nature et notre bien commun", tandis que le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne, a considéré que l'amendement défendu par le ministre "contournait les vrais problèmes de l'agriculture" qui sont "ceux du libre échange et de la rémunération". 

L'amendement du gouvernement crée, en outre, une nouvelle mesure administrative "consistant en la réalisation d'un stage de sensibilisation aux enjeux de l'environnement". Une mesure "inutilement vexatoireselon Annie Genevard (Les Républicains), dont le groupe a proposé en remplacement un "stage d'information", non payant, réalisé par les Chambres d'agriculture. Grégoire de Fournas (Rassemblement national) a, pour sa part, qualifié le stage de sensibilisation de "véritable honte".

L'ensemble des mesures prévues par l'amendement de l'exécutif a finalement été voté par les groupes de la majorité - Renaissance, Démocrate, Horizons - et par le groupe Les Républicains (détail du scrutin à consulter ici). L'examen du projet de loi d’orientation agricole doit s'achever dans la nuit de vendredi à samedi, avant un vote solennel sur l'ensemble du texte qui aura lieu mardi 28 mai.