Les députés de la commission des lois ont rejeté une proposition de loi du groupe "Horizons" visant à lutter contre la récidive. Les deux autres groupes de la majorité - "Renaissance" et "Démocrate" - n'étant pas favorables au texte qui prévoit une réintroduction d'une forme de peine plancher.
L'avenir de la proposition de loi "visant à mieux lutter contre la récidive" s'est assombri, ce mercredi 15 février. Le texte, qui doit être examiné dans l'hémicycle lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Horizons et apparentés", le jeudi 2 mars, a été rejeté par les députés de la commission des lois.
41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Exposé des motifs de la proposition de loi de Naïma Moutchou visant à lutter contre la récidive.
Sa principale mesure consiste à instaurer une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour les délits de violences, commis en récidive, à l'encontre des forces de l'ordre, militaires, sapeurs-pompiers, gardiens de prison, magistrats, avocats, médecins, ou personnes exerçant une mission de service public, comme les enseignants ou les chauffeurs de bus. Par décision spécialement motivée, le juge aurait cependant la possibilité de prononcer une peine individualisée, pouvant être inférieure à celle fixée par le texte.
Pour les deux autres groupes qui composent la majorité - "Renaissance" et "Démocrate" -, ainsi que pour les groupes de la Nupes, cette disposition signifierait le retour à une forme de peines planchers, mises en œuvre lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, et supprimées en 2014. Le dispositif proposé par Naïma Moutchou (Horizons) est cependant beaucoup plus limité, puisqu'il ne concerne que certains délits et ne prévoit qu'une seule peine minimale. "L'article premier ne fait pas renaître de ses cendres les fameuses peines planchers de Nicolas Sarkozy de l'époque. C'est une erreur de lecture, puisqu'il ne bride pas le juge", a-t-elle défendu.
Sans convaincre ses alliés de la majorité, qui ont marqué leur opposition à la proposition. "La peine plancher va à l'encontre d'un principe fondamental de notre droit : l'individualisation des peines", a estimé Erwan Balanant (Démocrate), qui a de surcroît souligné le risque qu'elle représentait en matière de surpopulation carcérale. "La peine plancher n'a pas fonctionné", a tranché Caroline Abadie (Renaissance), qui a pointé la réticence des magistrats à l'utiliser et son manque d'efficacité en matière de prévention de la récidive.
La veille, le ministre de la Justice lui-même avait marqué son opposition à ce texte lors de la réunion du groupe "Renaissance". "Des peines plancher imposées au juge seraient inconstitutionnelles", a averti Éric Dupond-Moretti. Tout en rappelant les différences notables existant entre le dispositif mis en place durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy et la proposition de Naïma Moutchou, davantage bordée, le garde Sceaux a insisté sur le fait que ses services ne "portent pas une politique pénale laxiste".
Les députés de la Nupes ont, quant à eux, critiqué le fond du texte de l'ancienne avocate et actuelle vice-présidente de l'Assemblée. "Qui sort son Code pénal avant de vérifier le quantum de la peine encourue ? Absolument personne", a commenté Andrée Taurinya (La France insoumise). "Les peines planchers ne fonctionnent pas dans la lutte contre la récidive", a critiqué Roger Vicot (Socialistes). "Je suis choquée et un peu triste pour vous de voir que l'objectif noble de lutter contre la récidive cache le retour des peines planchers", s'est désolée Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine).
Les députés du groupe "Les Républicains" ont, pour leur part, salué l'esprit du texte, tout en regrettant la restriction des délits concernés. Ian Boucard a d'ailleurs défendu un amendement qui visait à réintroduire le dispositif des peines planchers tel qu'il existait sous Nicolas Sarkozy. Le groupe "Rassemblement national" a, lui aussi, regretté un manque de portée du texte. "Ce texte n'entend lutter que contre une minorité restreinte de cas", a regretté Timothée Houssin.
Finalement, des amendements de suppression de la principale disposition du texte ont été adoptés, le groupe "Renaissance" ayant décidé de s'abstenir. Par la suite, aucun des autres articles - qui prévoyaient la permanence des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans les tribunaux, l'obligation d'un programme de prise en charge pour les prisonniers libérés sous contrainte, la tenue d'une conférence de consensus de lutte contre la récidive et une meilleure information des maires - n'a été adopté. Le 2 mars, c'est donc la version initiale du texte qui sera examinée dans l'hémicycle.