L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, in extremis dans la nuit du jeudi au vendredi 2 décembre, une proposition de loi présentée par Les Républicains visant à mettre en place un pôle spécialisé en charge des violences intrafamiliales. En l'état, le ministre de la Justice estime que l'application de ce texte entraînerait une désorganisation des juridictions. Mais le gouvernement, qui souhaitait attendre les conclusions d'une mission parlementaire sur le sujet, a été mis en minorité par les oppositions.
Cette fois, à l'issue d'une nouvelle séance en forme de course contre la montre, les oppositions l'ont emporté sur le fil. Comme il y a une semaine, le gouvernement et les groupes de la majorité ont tenté de faire durer, pour empêcher son adoption, l'examen d'une proposition de loi débattue dans le cadre d'une journée d'initiative parlementaire de l'opposition. Mais contrairement à la réintégration des soignants non-vaccinés, l'examen de la création d'un pôle spécialisé dans les violences intrafamiliales s'est achevé, sur le gong, par l'adoption du texte défendu par le député Les Républicains du Lot, Aurélien Pradié.
Tard dans la nuit du jeudi au vendredi 2 décembre, comprenant que le vote de la proposition de loi était grandement menacé par la stratégie de l'exécutif et de la majorité, consistant à faire durer les débats pour attendre sagement la fin de la séance, prévue à minuit dans le cadre des niches parlementaires, Les Républicains, les groupes de la Nupes et le Rassemblement national ont décidé de retirer l'ensemble de leurs amendements, à quelques minutes de l'heure limite. Riposte payante, puisque malgré les dernières prises de parole de la majorité, les députés ont réussi à achever l'examen de la proposition de loi, adoptée à une voix près.
La lutte contre les violences intrafamiliales et conjugales faisant évidemment l'objet d'une volonté commune, ce n'est pas sur le fond que le gouvernement et la majorité se sont opposés à la proposition de loi, mais sur la forme. Le texte avait d'ailleurs été rejeté en commission pour le même motif : le sujet, par ailleurs englobé dans la "grande cause du quinquennat" voulue par Emmanuel Macron, est au coeur d'intenses réflexions à l'échelle nationale. Ainsi, la création d'une juridiction spécialisée fait d'ores et déjà l'objet d'une mission parlementaire menée par la sénatrice Dominique Vérien (Union centriste) et la députée Émilie Chandler (Renaissance), dont les conclusions sont prévues pour le mois de mars.
Éric Dupond-Moretti a, plusieurs fois, fait valoir la remise prochaine des conclusions de cette mission pour apporter d'éventuelles modifications au droit existant et pointé le risque d’une désorganisation des juridictions qu'entraînerait, selon lui l'application du texte d'Aurélien Pradié. Présent au banc du gouvernement, le ministre de la Justice s'est engagé à lancer un "groupe de contact flash" dès la fin des travaux de la mission, afin de préparer une réforme d'ampleur qui devrait aboutir dès l'été 2023. Mais cela n'a donc pas suffi à convaincre les oppositions d'attendre et de ne pas voter la proposition de loi débattue jeudi soir.
Compte tenu du déroulement de la séance, c'est cependant une version tronquée que les députés ont adoptée. En raison du retard pris dans l'examen du texte, les groupes d'opposition ont subrepticement décidé de retirer l'ensemble de leurs amendements, quelques minutes avant minuit. "Cette cause est trop importante pour être l'objet de lutte partisane", a regretté la ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome. Finalement, la proposition de loi a été adoptée telle quelle, au milieu du gué, avant d'être vraisemblablement retravaillée au cours de la navette parlementaire, le vote qui a eu lieu à l'Assemblée n'étant que la première étape de son parcours législatif.