Alors que la France insoumise a enclenché une procédure de destitution contre le président de la République, l'idée d'une démission du chef de l’État ne paraît plus incongrue, même dans son propre camp.
Destitution, c’est le mot d’ordre de la France insoumise depuis la mi-août. Le parti fondé par Jean-Luc Mélenchon dénonce depuis des semaines le "coup de force" du président de la République, accusé de ne pas respecter le résultat des élections législatives.
Signée par 81 députés, principalement issus du groupe "La France insoumise", la proposition de résolution a été déposée le mercredi 4 septembre à l’Assemblée nationale.
Très encadrée, cette procédure doit passer plusieurs étapes avant d’espérer réunir la Haute cour et engager la procédure de destitution à l’encontre du chef de l’État : Bureau de l’Assemblée nationale, commission des lois, passage dans l’hémicycle de chacune des chambres parlementaires, nécessité de recueillir deux tiers des parlementaires... Autant dire que si cette initiative a peu de chances d’aboutir, elle va laisser planer pendant plusieurs semaines la petite musique d’un possible départ anticipé du chef de l’État.
Marine Le Pen ne s’est pas positionnée sur cette destitution. D'ailleurs, elle n’appelle pas expressément à la démission d'Emmanuel Macron. La stratégie de la présidente du groupe Rassemblement national est plus subtile : son "constat" - et non sa "demande" - est qu’un départ d’Emmanuel Macron serait la seule issue possible en cas de blocage.
Depuis la crise politique provoquée par la dissolution surprise du 9 juin dernier, la question de sa démission a déjà été posée à plusieurs reprises à Emmanuel Macron, qui a toujours écarté cette éventualité.
Lors de sa conférence de presse du 12 juin dernier, trois jours après l’annonce de la dissolution, le chef de l’État avait dit vouloir "tordre le cou à ce canard sans tête, c’est absurde". Juste avant les Jeux olympiques, Emmanuel Macron avait réaffirmé vouloir assumer son mandat "dans sa plénitude".
Mais l’idée d’une démission ne paraît pas si taboue au sein du camp présidentiel, qui s’inquiète déjà de voir des gouvernements tomber, motion de censure après motion de censure. Mardi, la déclaration de candidature d’Édouard Philippe à l'élection présidentielle dans Le Point a été perçue comme un pari sur un départ anticipé.
Une initiative peu appréciée par les députés "Ensemble pour la République", et qualifiée par un élu d’"acte d’une déloyauté majeure". Si les appétits des uns et des autres commençaient déjà à s’aiguiser en vue de 2027, certains ne se privent pas d’accélérer si jamais un scrutin présidentiel devait intervenir plus tôt. Aux ambitions politiques précipitées s’ajoute le sentiment que les Français ne seraient pas hostiles au départ le locataire de l’Élysée. Beaucoup de députés ont regardé avec inquiétude les résultats de l’enquête Ipsos pour Le Monde, le CEVIPOF, l’Institut Montaigne et la Fondation Jean-Jaurès, selon laquelle 51% des Français seraient favorables à une démission d’Emmanuel Macron.
Mais d’autres députés du bloc central sont prêts à parier qu’une démission est impossible dans la tête du chef de l’État. En observant le président de la République mener les consultations en vue de la nomination de son Premier ministre, un cadre du bloc central constate : "Il est en train de faire des stratagèmes pour conserver un maximum de pouvoir, il ne démissionnera jamais !".
Par Elsa Mondin-Gava.