Narcotrafic : l'Assemblée rétablit la création du "dossier-coffre" qui avait été supprimée en commission

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Ugo Bernalicis LCP 21/03/2025
Le député LFI Ugo Bernalicis, le 21 mars 2025 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 21 mars 2025 à 12:58, mis à jour le Vendredi 21 mars 2025 à 18:14

Les députés ont rétabli, ce vendredi 21 mars,  la création d'un "procès verbal distinct" inaccessible aux avocats de la défense, afin de préserver l'enquête et éviter ainsi la mise en danger d'une personne (enquêteurs, informateurs), dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic. La gauche a fustigé une mesure qui "jette l'opprobre" sur la profession d'avocat.

Cette fois, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a eu gain de cause. Contrairement à l'accès aux messageries chiffrées, qu'il a vainement défendu jeudi, le "dossier-coffre", ce "procès-verbal distinct" destiné à protéger des éléments de l'enquête en les soustrayant aux avocats, a été approuvé par l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic". Ce dispositif "essentiel et vital", selon le ministre, avait été supprimé en commission, il y a deux semaines. Ce vendredi 21 mars, les députés l'ont donc rétabli, dans une rédaction modifiée tenant compte des remarques du Conseil d'Etat.

Concrètement, le procès-verbal distinct pourra être utilisé dans les dossiers liés à la criminalité organisée, uniquement dans les cas de nature à "mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne", a précisé l'un des rapporteurs du texte, Vincent Caure (Ensemble pour la République). Les éléments relatifs à la date, l'heure, le lieu ou l'identité d'une personne ayant mis en œuvre une technique d'enquête pourront être versés dans ce PV distinct. La rédaction retenue prévoit également un recours devant la chambre d'instruction, pour contester aussi bien le principe du dossier-coffre que le versement de certains éléments issus de ce dossier à la procédure.

"Cette rédaction parvient à un chemin d'équilibre. Le dispositif est suffisamment robuste", a plaidé Vincent Caure. "Les enquêteurs ont besoin de ce dispositif", a argué Olivier Marleix (Droite républicaine). Le Rassemblement national a également soutenu la mesure. "A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels", a estimé Brigitte Barrèges (Union des droites pour la République, alliée du RN). 

La gauche opposée au "dossier-coffre"

Les groupes de gauche ont, quant à eux, tenté d'empêcher la réintroduction du procès-verbal distinct dans la proposition de loi, dénonçant une "usine à gaz" à même de menacer les droits de la défense. "Le principe du contradictoire repose sur l'égalité de traitement entre les deux parties", a rappelé Pouria Amirshahi (Ecologiste et social).

"Vous jetez l'opprobre sur toute la profession d'avocat", a déclaré Ugo Bernalicis (La France insoumise), alors que le Conseil national des barreaux a formellement pris position contre le dossier-coffre. "C'est incroyable qu'on puisse jeter l'opprobre de cette façon-là sur toute une profession", a également considéré Colette Capdevielle (Socialistes) dénonçant une "disposition malveillante".

Le dossier-coffre est une atteinte au principe du contradictoire, pilier du procès équitable, qui pourrait fragiliser les droits de la défense. Conseil national des barreaux

"Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur quiconque, sur aucune profession. Il s'agit de protéger des vies", a rétorqué Bruno Retailleau. "Le processus est très encadré. Ce sont les magistrats qui vont le requérir", a ajouté le ministre de l'Intérieur, avant le vote actant le rétablissement du procès-verbal distinct. Les députés vont désormais poursuivent, ce vendredi, l'examen du texte visant à renforcer la lutte contre le narcotrafic, débattant notamment des mesures d'interdiction de paraître et d'expulsion locative.