Le projet de loi immigration, débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à compter de ce lundi 11 décembre, prévoit de régulariser les travailleurs sans-papiers dans certains métiers en tension, sous conditions. Comment seront déterminées les activités concernées par cette mesure ? LCP fait le point.
C'est l'une des dispositions emblématiques du projet de loi immigration. Supprimée par le Sénat, rétablie en commission à l'Assemblée nationale dans une version de "compromis", la régularisation des travailleurs clandestins dans les métiers en tension sera examinée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale dans les jours qui viennent.
Actuellement, cette mesure figure à l'article 4 bis du texte. Pour résumer, un étranger ayant exercé une activité salariée dans une profession en tension durant au moins 8 mois au cours des deux dernières années et pouvant justifier d'une résidence ininterrompue sur le territoire au cours des 3 dernières années pourra se voir octroyer une carte de séjour temporaire d'un an.
Le préfet pourra s'opposer à cette demande, notamment si le travailleur représente une menace à l'ordre public ou contrevient aux principes républicains. L'article supprime également le lien de subordination de l'employeur dans le processus, alors qu'il joue actuellement un rôle essentiel dans la demande d'un travailleur. Le dispositif est censé s'appliquer jusqu'à la fin de l'année 2028. Des ajustements pourraient toutefois encore intervenir en séance, afin de porter la durée d'activité requise d'un travailleur à 12 mois, ou de ramener la date butoir à 2027.
Mais que cache cette appellation de "métiers en tension" ? À l'heure actuelle, le répertoire de ces professions est défini conjointement par les ministères de l'Intérieur et du Travail, au niveau national. Les métiers en tension sont ensuite différenciés selon les régions, en fonction des besoins définis par l'administration centrale. La dernière actualisation date de 2021.
Sans surprise, on retrouve des professions très demandées, comme les couvreurs, les conducteurs routiers, les maçons, les chaudronniers, serruriers et autres forgerons, ainsi que divers postes de techniciens - électricité, mécanique... - les agents d'entretiens et ouvriers, les carrossiers ou encore les bouchers. De manière moins attendue la liste intègre aussi des postes de chercheurs, d'ingénieurs du bâtiment, ou même des cadres de banque (dans les Hauts-de-France).
Problème : comme la liste est définie à l'échelle nationale, et seulement précisée à l'échelon régional, elle passe à côté des spécificités locales. La majorité aimerait remédier à ce problème. Dans sa version actuelle, le texte prévoit ainsi que cette liste soit déterminée à l'échelon départemental. Elle pourra de plus s'y appliquer de manière différenciée, en prenant en compte les spécificités d'une zone géographique et de ses besoins, notamment concernant les bassins touristiques. L'article 4 bis exclut en revanche nommément les emplois de saisonnier, qui donnent droit à un titre de séjour spécifique.
Pour construire le répertoire, l'administration centrale pourra s'appuyer sur la consultation des organisations syndicales et patronales, comme le prévoit déjà l'article L414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. En commission, les députés ont ajouté la nécessité de consulter les chiffres de l'emploi et le taux des étrangers en emploi.
Pour confronter ces chiffres à la réalité du territoire, un amendement du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) sera défendu dans l'hémicycle avec le soutien de la majorité. Il prévoit la mise en place d'une commission départementale, présidée par le préfet, et composée de représentants des chambres consulaires - commerce, artisanat, agriculture. Cette commission sera dotée d'un avis consultatif, destinée à nourrir la construction de la liste des métiers en tension.
Reste à voir si d'autres amendements sont adoptés dans l'hémicycle, le dispositif faisant toujours des remous, y compris au sein de la majorité - le groupe Horizons plaide notamment pour le resserrer. Florent Boudié, le rapporteur général Renaissance du projet de loi, a toutefois fait part de son scepticisme sur l'idée avancée par Gérald Darmanin en commission d'un "quota" maximum de "5 000, 8 000 ou 10 000" régularisations par an, pour tenter d'amadouer la droite. À l'heure actuelle, quelque 7 000 travailleurs sans-papiers sont régularisés par le travail chaque année.