A l'occasion de la réforme des retraites, le groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (Liot) est progressivement devenu une épine dans le pied du gouvernement, qui avait pourtant caressé l'espoir d'en faire un allié au début de la législature.
C'est un petit groupe hétéroclite, qui n'était pas forcément appelé à prendre la lumière. Et pourtant, depuis quelques mois, le groupe "Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires" (Liot) fait la Une de l'actualité. En mars dernier, c'est à sa motion de censure qu'il n'a manqué que 9 voix pour faire tomber le gouvernement d'Elisabeth Borne, suite à l'utilisation du 49.3 sur la réforme des retraites.
Dès le mois de septembre, lors de leurs journées parlementaires, le président du groupe, Bertrand Pancher, avait averti l'exécutif : "Le gouvernement et sa majorité doivent maintenant obligatoirement trouver des compromis avec nous", avait-il lancé à Franck Riester. La présence du ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement à la rentrée du groupe Liot n'avait rien d'anodin : à cette époque, l'exécutif soignait ouvertement ses relations avec cette "opposition constructive", susceptible d'apporter ses voix au gouvernement qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale.
A l'image du nom à rallonge du groupe, le plus souvent réduit à quatre lettres "Liot", les 21 élus qui le composent viennent d'horizons divers géographiquement et, c'est plus rare, politiquement : du Morbihan à la Guadeloupe, en passant par la Corse et les Vosges, certains sont d'anciens du Parti socialiste, d'autres des Républicains, rassemblés autour d'un noyau centriste, dont l'expérimenté Charles de Courson. La dernière recrue en date est la députée de l'Ariège Martine Forger, dissidente issue du PS, élue en avril dernier contre la candidate officielle de la Nupes, Bénédicte Taurine (La France insoumise), lors d'une législative partielle.
Ensemble, ils forment le plus petit groupe de l'Assemblée, derrière le groupe Gauche démocrate et républicaine (22 élus) et le groupe Ecologiste (23 élus). Un groupe qui, au début de la législature, ne semble pas insensible aux attentions du gouvernement. "Nous sommes un groupe d'opposition, mais aussi de propositions", affirmait Bertrand Pancher en septembre.
De fait, jusqu'à la réforme des retraites, dans plus de la moitié des cas, le groupe Liot a globalement voté les textes du gouvernement. Tout en assumant des choix différents en son sein, reflet de sa diversité. Par exemple, lors du vote en première lecture sur le projet de loi de réforme de l'assurance chômage, 12 élus votent contre, 2 votent pour et 6 s'abstiennent.
Ce soutien variable, mais régulier, est salué jusqu'au plus haut niveau de l'État. Fin octobre, Emmanuel Macron tend la main aux élus Liot, après qu'ils ont choisi de ne pas voter les motions de censure sur les budgets. Le président de la République évoque la possibilité de "travailler" ensemble sur les réformes à venir, voire même une "alliance". "Pourquoi pas", réagit dans Le Figaro Bertrand Pancher. "Ce n'est pas le tout de faire des déclarations d'amour, on a désormais besoin de preuves d'amour",ajoute-t-il cependant en demandant notamment un changement de méthode. C'était il y a sept mois, cela semble une éternité.
Dès le lendemain de la présentation du texte en Conseil des ministres, le chef de file du groupe Liot fustige une réforme "trop brutale" et affiche clairement son hostilité aux choix de l'exécutif. Lors de l'examen de la réforme à l'Assemblée nationale, les saillies de Charles de Courson, qui dénonce un "détournement de procédure", enflamment les réseaux sociaux. Du côté de Renaissance et de ses alliés de la coalition présidentielle, les partisans de la réforme rappellent qu'en 2022, Bertrand Pancher et Charles de Courson ont soutenu Valérie Pécresse, qui voulait porter l'âge légal de départ en retraite à 65 ans.
Tout au long des débats, le groupe s'oppose frontalement au gouvernement. Parfois avec des déclarations faites d'une apparente ingénuité sous-tendue de stratégie politique, comme lorsque Bertrand Pancher déclare sur le plateau de LCP avoir "manifesté pour la première fois" et senti "l'odeur des merguez" à l'occasion de la contestation contre la réforme. Ou, dans une ode aux territoires chers au groupe, lorsqu'il narre que toute une église de Bar-le-Duc a prié pour que le Conseil constitutionnel censure la réforme.
L'acmé est atteinte avec le dépôt d'une motion de censure transpartisane, défendue par Charles de Courson à la tribune, dans la foulée du recours au 49.3. La position centrale du groupe permet de rallier les voix allant de La France insoumise au Rassemblement national, en passant par une partie des Républicains. De quoi faire s'étrangler les députés de la majorité, Jean-René Cazeneuve (Renaissance) en tête, qui critiquent cette étrange attelage de la carpe et du lapin. Finalement, le 20 mars, la motion de censure est rejeté à seulement 9 voix près.
Et le groupe Liot ne souhaite pas en rester là. Profitant du calendrier, qui lui offre la dernière journée d'initiative parlementaire de la session, en juin, il dépose fin avril une proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites, présentée par son président et dont Charles de Courson sera le rapporteur.
De quoi donner des sueurs froides au gouvernement. Même si cette initiative n'a aucune chance d'aboutir à une abrogation réelle de la réforme des retraites, un éventuel vote du texte en première lecture à l'Assemblée aurait une forte valeur symbolique et politique. D'où la bataille de procédure qui s'est engagée ces dernières semaines, les groupes de la majorité estimant que la proposition de loi devait être frappée d'irrecevabilité financière.
Dans l'affrontement qui se joue sur ce texte, un premier round aura lieu demain, mercredi 31 mai, en commission des affaires sociales, où la proposition sera examinée, avant la journée parlementaire d'initiative du groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires, qui aura lieu le jeudi 8 juin dans l'hémicycle.