Charles de Courson, fer de lance des opposants à la réforme des retraites à l'Assemblée

Actualité
Image
Charles de Courson à l'Assemblée, le 15 mars 2023
Charles de Courson à l'Assemblée, le 15 mars 2023 (Ludovic Marin / AFP)
par Raphaël Marchal, le Lundi 20 mars 2023 à 08:00, mis à jour le Mercredi 10 juillet 2024 à 14:48

Depuis le début de l'examen de la réforme des retraites, son opposition au texte et ses saillies aiguisées l'ont propulsé sur le devant de la scène. Retour sur le parcours de Charles de Courson, député centriste devenu trait d'union des oppositions qui se retrouveront largement sur la motion de censure "transpartisane" qu'il défendra ce lundi après-midi, 20 mars, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. 

Longtemps, ses interventions sont restées un plaisir de connaisseurs. Charles de Courson, spécialistes des finances, morigénant par exemple un ministre sur un obscur point du code général des impôts, sous les sourires goguenards des élus de l'opposition. Mais depuis quelques semaines, le député centriste a acquis une notoriété qui dépasse le cénacle du Palais-Bourbon.

Son hostilité à la réforme des retraites, qui plus est par le biais d'un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, en a fait l'un des visages marquants de ce débat. Le député Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) de la Marne  y voit un "total détournement de procédure", estimait-il avant même le 49.3, reprochant à l'exécutif d'avoir utilisé un autre article de la Constitution, le 47.1, pour limiter la durée des débats sur le texte. 

Plus ancien député de l'Assemblée actuelle

Son parcours est à la hauteur de son style quotidien : lisse, sans aspérités. Famille de la noblesse normande, les de Buisson du Courson, père résistant, grand-père député étant l'un 80 parlementaires s'étant opposé au régime vichyste. C'est bien simple : depuis la Révolution, il y a toujours eu un membre de sa famille à l'Assemblée. Charles de Courson grandit avec cet héritage, qui honore autant qu'il oblige. En 2016, lors des débats sur la déchéance de nationalité qui ont suite aux attentats de 2015, c'est submergé d'émotion qu'il évoque la mémoire de son père et de son grand-père. 

Major de l'Essec, diplômé de l'ENA en 1979 (promotion "Michel de L'Hospital"), le jeune Charles Amédée Simon du Buisson de Courson poursuit son parcours d'excellence en intégrant la Cour des comptes. Après un passage au cabinet d'Alain Madelin, il débute sa carrière politique en 1986, en reprenant le flambeau de son père, tout juste décédé. Il lui succède à la mairie de Vanault-les-Dames et en tant que conseiller général de la Marne, son fief de toujours. Touché par la règle sur le non-cumul des mandats, il a abandonné son poste d'édile en 2017, mais occupe toujours celui de conseiller général, après 37 années de mandats.

C'est en 1993, sous les couleurs de l'UDF, qu'il fait son entrée à l'Assemblée nationale, en l'emportant face au socialiste et député sortant Jean-Pierre Bouquet. Depuis, il a été réélu à six reprises, dont deux fois dès le premier tour, ce qui en fait - à 70 ans - le député en exercice à la plus grande longévité : presque 30 ans.

"La vie politique, c'est un certain nombre de valeurs"

Au Palais-Bourbon, son style devient vite connu et reconnu : bretteur avisé, ton professoral, grand connaisseur des finances publiques, il est toujours tiré à quatre épingles, cravate, veste, raie sagement rangée sur un côté, petites lunettes rectangulaires. Tout au long de son parcours, il indique avoir cheminé en essayant de rester fidèle à ses valeurs. "Dans la vie politique actuelle, il y a trop de gens qui n'ont aucune conviction, et dont la seule stratégie est la survie", expliquait-il sur LCP en 2020, dans l'émission "Émois & moi". "Les petites phrases, les coups foireux, j'ai horreur de ça. La vie politique, c'est un certain nombre de valeurs."

La lutte contre la corruption et contre les petits arrangements entre amis est l'une des autres causes de Charles de Courson. "J'ai horreur du pourri. Du corrompu. De ceux qui croient que tout s'achète et tout se vend. Il y en a beaucoup", relevait-il sur notre chaîne. Son parcours politique à l'Assemblée a entre autres été marqué par deux combats qui s'inscrivent dans cette veine : il s'est opposé pendant des années à la procédure d'arbitrage accordée à Bernard Tapie, dans l'affaire du Crédit lyonnais, la jugeant trop favorable à l'homme d'affaires. Et, en 2013, il a présidé la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac, qui provoque à l'époque une déflagration dans le monde politique. Son engagement a été salué par l'association Anticor, qui lui a décerné son prix de l'éthique.

Depuis, il apporte - ou non - son soutien aux politiques mises en œuvre par les Présidents et les gouvernements successifs, tout en exerçant son regard critique. Lors du quinquennat de François Hollande, il s'est opposé au mariage pour tous, à la loi renseignement de 2015, à la déchéance de nationalité. Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, il a gagné en notoriété en s'opposant frontalement à la loi "anti-casseurs", en pleine crise des gilets jaunes, la comparant à une loi vichyste. Une déclaration qui a été vue des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. 

Tweet URL

Durant l'épidémie de Covid-19, le député centriste a également mis en cause certains choix du gouvernement, fustigeant le recours disproportionné à l'état d'urgence sanitaire et l'absence de proportionnalité des mesures de sanction prises pour non-respect du confinement. Charles de Courson s'est, en outre, opposé à des mesures précises de certains textes de loi, comme le contrat d'engagement républicain du projet de loi contre le séparatisme, ou encore la suppression de la redevance audiovisuelle. Il s'est aussi fait une spécialité de débusquer les "cavaliers législatifs" ces mesures introduites dans un texte sans qu'il y ait un rapport vraiment établi.

Un député reconnu par ses pairs

La recomposition de l'Assemblée nationale lors des dernières élections législatives aurait pu entamer le poids de Charles de Courson au sein de l'institution, avec l'arrivée de jeunes élus biberonnés au militantisme, habitués aux coups d'éclats sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, le profil classique, un peu compassé, du député de la Marne aurait pu être éclipsé. Mais sa connaissance du Parlement et son travail méticuleux, reconnus sur tous les bancs, lui ont au contraire permis d'occuper une place particulière au sein de la représentation nationale.  

Siégeant désormais au sein du groupe Liot - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires -, Charles de Courson a, au moins indirectement, contribué à l'élection d'Éric Coqurel (La France insoumise) à la présidence de la commission des finances, alors que Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) briguait aussi la fonction. Également candidat, il a fait le choix de se retirer au troisième tour, alors que des élus LR et RN soupesaient la décision de voter en sa faveur pour barrer la voie à l'Insoumis. Un choix largement salué par les élus de la Nupes.

Auteur d'une motion de censure "transpartisane

Ces dernières semaines, Charles de Courson a de nouveau pris la lumière en marquant, avec détermination, parfois avec virulence, son désaccord avec à la réforme des retraites. Ce qui lui vaut d'être critiqué par les partisans de la réforme qui rappellent que lors de la dernière élection présidentielle, il a soutenu Valérie Pécresse, dont le programme prévoyait notamment le report de l’âge légal de départ en retraite à 65 ans. 

Pourfendeur du projet de réforme de l'exécutif et de la méthode du gouvernement, c'est lui qui défendra aujourd'hui la motion de censure "transpartisane" déposée par le groupe Liot, et co-signée par des députés des groupes de la Nupes, après qu'Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de l'exécutif. "Tout repose sur le vote des députés LR hostiles à cette réforme", a-t-il répété lundi matin sur France Inter, un brin fataliste sur l'issue du scrutin qui devrait néanmoins rassembler, contre le projet du gouvernement, la plupart des oppositions de La France insoumise au Rassemblement national. 

Pour parvenir à la majorité absolue de l'Assemblée nécessaire à l'adoption de la censure, soit 287 députés, il faudrait cependant qu'environ la moitié du groupe Les Républicains, qui compte 61 députés, apporte son soutien à la motion. Ce qui, aux derniers décomptes, paraît fort improbable. Ce qui n'entame pas l'opposition de Charles de Courson à la réforme, dont il demande le retrait. "C'est la seule façon d'arrêter la crise sociale et politique dans ce pays", a-t-il martelé récemment, regrettant qu'Emmanuel Macron et le gouvernement maintiennent le texte "contre la totalité des syndicats et sans alliés politiques". "Ils ont tout le monde contre eux. Quand on est démocrate, il faut tenir compte de ce qu'il se passe dans le pays. Sinon on devient autocrate", estime-t-il en fustigeant l'exécutif. 

Ce lundi 20 mars, à 16 heures, Charles de Courson montera à la tribune de l'hémicycle pour proposer à ses collègues députés de voter la censure. Un moment qui fera de lui le porte-parole des opposants à la réforme des retraites à l'Assemblée nationale.