Les députés ont examiné et adopté, mercredi 20 janvier, le projet de loi prorogeant une nouvelle fois l’état d’urgence sanitaire. Le texte prévoit que "pour faire face à l’épidémie de Covid‑19" ce régime d’exception pourra continuer à s'appliquer jusqu'au 1er juin 2021.
Un texte qui "n’est pas une surprise", comme l’avait indiqué le député La République en marche, Guillaume Gouffier-Cha, lors de son examen en commission des lois le 14 janvier. Une prorogation "indispensable" selon le ministre de la Santé, Olivier Véran, auditionné la veille. Alors que la courbe épidémique dessine depuis plusieurs semaines un plateau élevé, que l’Europe entière retient son souffle face aux variants dits britannique ou sud-africain, la France n’envisage plus une sortie de l’état d’urgence sanitaire pour le mois prochain. Il s’agit au contraire de le proroger jusqu’au 1er juin inclus.
L’état d’urgence sanitaire permet au gouvernement de limiter les déplacements, les rassemblements, ainsi que l'accès aux établissements recevant du public. Le premier état d'urgence sanitaire avait été instauré le 23 mars 2020. Dès le 11 mai, et au vu d’une épidémie qui n’avait pas vocation à s’éteindre, il avait été prolongé jusqu’à l’été, à la date du 10 juillet, à l’exception de la Guyane et de Mayotte, où l’échéance de sortie avait été différée au 17 septembre.
Suite à la parenthèse estivale, durant laquelle la France avait été déconfinée, et les mesures de lutte contre le virus considérablement allégées, un nouvel état d'urgence sanitaire avait été instauré par décret à la date du 17 octobre sur l’ensemble du territoire, suivi d’un reconfinement au 30 octobre. La loi, promulguée le 14 novembre, prévoyait initialement d’aller jusqu’au 16 février. C’est donc cette date qui est désormais repoussée au 1er juin.
Si le projet de loi prévoyait initialement dans son article 3 un régime transitoire de "sortie de l’état d’urgence sanitaire" allant jusqu’au 30 septembre, les députés ont adopté la semaine dernière plusieurs amendements identiques, issus de l’opposition comme de la majorité, afin de revenir sur cette disposition et d'introduire une clause de revoyure. Il s’agira aussi de refaire un bilan de la situation sanitaire à l'horizon d’avril-mai, et de consulter à nouveau le Parlement, qui pourra décider de voter une nouvelle prolongation de l'état d'urgence sanitaire, la mise en place d'un régime transitoire, ou une sortie pure et simple de l'état d'urgence sanitaire.
Par ailleurs, l'article 5 du texte repousse au 31 décembre 2021, au lieu du 1er avril, la date limite de caducité de la loi du 23 mars 2020. Concrètement, cela signifie que le gouvernement aura la possibilité de déclencher un nouvel état d'urgence sanitaire en cas de sortie préalable ou de le prolonger jusqu'à cette échéance.
Les débats en séance ont été marqués par une motion de rejet préalable du groupe Socialistes et apparentés, présentée par Marietta Karamanli qui, en dépit du soutien de plusieurs oppositions, de la Gauche démocrate et républicaine au groupe Les Républicains, n’a pas été adoptée. L’occasion cependant pour Ian Boucard (LR) de dénoncer un "chantage à la responsabilité" opéré, selon lui, par le gouvernement, déclarant le texte indispensable pour mettre en oeuvre sa politique de lutte contre l'épidémie, quand Paul Molac (Libertés et Territoires) a déploré que "l’exécutif décide de tout".
Ugo Bernalicis (La France insoumise) s’est quant à lui refusé à accorder "les pleins pouvoirs" au gouvernement par l’entremise de cette nouvelle prolongation de l’état d’urgence sanitaire. "On vient nous demander notre assentiment sur des mesures a posteriori (...) alors qu'il y a déjà une plainte qui suit son instruction devant la Cour de justice de la République, avec la mascarade initiale sur les masques, où vous avez menti, et demain sans doute une plainte sur la mascarade des vaccins, puisque les maires nous font remonter partout que les doses promises ne sont pas là, et que les gens qui veulent se faire vacciner ne le peuvent pas", a déclaré le député du Nord.
Des propos corroborés par Julien Aubert (LR) qui n'a pas hésité à s'adresser à Olivier Véran en ces termes : "Vous êtes le ministre et vous resterez le ministre du fiasco sur les tests, du fiasco sur les masques, du fiasco sur les vaccins. Il y a deux sortes de ministres, ceux qui ont des résultats et ceux qui démissionnent".
Le ministre de la Santé a répondu aux nombreuses critiques, liées au fond comme à la forme des décisions prises, en récusant le fait que le Parlement soit "à l’arrêt" en cette période de crise sanitaire, avant de déplorer l’ "outrance permanente" des différents groupes d’opposition.
Si les échanges ont été particulièrement vifs, parfois tendus, le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire a malgré tout été voté par 113 voix "pour" et 43 "contre". Il appartient désormais aux sénateurs de se prononcer sur ce texte qui sera examiné en séance publique au Palais du Luxembourg dès le 25 janvier.