L'ancien DG d'Orpea dénonce des accusations en "décalage avec la réalité"

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Yves Le Masne, le 9 mars 2022
par Maxence KagniRaphaël Marchal, le Mercredi 9 mars 2022 à 11:35, mis à jour le Mercredi 9 mars 2022 à 14:17

Interrogé par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mercredi 9 mars, l'ancien directeur général du groupe Orpea, Yves Le Masne, a critiqué le livre "Les Fossoyeurs" du journaliste Victor Castanet. Il a aussi nié tout "délit d'initié" lors de la vente de ses actions, en juillet 2021.

Il nie tout. Auditionné mercredi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, l'ancien directeur général du groupe Orpea, Yves Le Masne, a récusé les accusations formulées par le journaliste Victor Castanet dans son livre "Les Fossoyeurs". Selon lui, l'enquête est en "décalage complet avec la réalité d'Orpea" : "Cet ouvrage constitue une véritable caricature du fonctionnement de notre groupe", a affirmé l'ancien directeur général, qui a été limogé le 30 janvier, quelques jours après la publication du livre.

Yves Le Masne estime que les accusations sont le fait "de salariés qui avaient quitté le groupe dans des conditions difficiles et avaient des rancœurs envers Orpea". De plus, les cas cités remonteraient "tous à plus de dix ans". "Le livre identifie huit cas, qui seraient chacun intolérable s'ils étaient avérés, pour aboutir à la conclusion, heureusement fausse, qu'Orpea aurait mis en danger des dizaines de milliers de personnes dépendantes et vulnérables."

"Le véritable mal que fait ce livre concerne l'ensemble de nos collaborateurs et c'est pour moi totalement injuste et insupportable", a ajouté Yves Le Masne. L'ancien directeur général décrit le "choc" qu'a pu constituer la "folie médiatique" autour de l'ouvrage. Il regrette aussi sa propre "mise en pâture dans les médias" et affirme avoir été "hospitalisé" à cause des événements. "Je me suis retrouvé dans un trou noir, je me suis retrouvé par terre, a affirmé Yves Le Masne. Je me suis même écroulé lors de deux conseils d'administration."

"Je me remets à peine de ce choc, je suis toujours en convalescence", a ajouté l'ancien directeur général. Lors de son audition, Yves Le Masne a, à plusieurs reprises, évoqué son "caractère", sa "façon de diriger le groupe" et sa propre "rondeur rassurante". "J'ai toujours managé avec coeur mes collaborateurs, que j'aime, qui me me manquent, comme je manque a beaucoup d'entre-eux",  a-t-il déclaré. Yves Le Masne affirme d'ailleurs avoir lui-même "remédié à certaines dérives" constatées par le passé dans son groupe, en raison de contrats "pas suffisamment clairs".

Je suis sûr d'avoir été un directeur général humain. Yves Le Masne

Un "fusible"

Pourquoi a-t-il été limogé ? "Je pense que j'ai servi de fusible", a-t-il répondu. Selon lui, l'indépendance des enquêtes en cours aurait tout aussi bien pu être préservée s'il avait été simplement écarté temporairement de la direction de l'entreprise, "pour revenir éventuellement après quelques mois". Son éviction pourrait s'expliquer, selon lui, par le fait de n'avoir "pas parlé du livre [Les Fossoyeurs]" suffisamment tôt au conseil d'administration. "Si j'ai un reproche à me faire, c'est bien celui de ne pas avoir pris ce livre au sérieux dès le départ", a-t-il ajouté.

Ni rationnement, ni marges arrières, ni maltraitance

Car Yves Le Masne affirme n'avoir "jamais donné un ordre (...) dans le but de réduire les services ou les prestations auprès des résidents ou réduire les coûts". Droit dans ses bottes, il a démenti avec force les dénonciations les plus marquantes de Victor Castanet. Selon lui, il n'y a eu "aucun rationnement" de repas des résidents. Au contraire : alors que la majorité des entrants arrivent dénutris au sein des établissements du groupe, deux tiers d'entre eux retrouveraient un poids normal et une alimentation équilibrée en trois mois. Une vision très éloignée de celle décrite par le journaliste, qui évoquait des repas pesés au gramme près, un budget moyen de moins d'un euro dans la plupart des résidences, voire l'utilisation d'une poudre ultraprotéinée pour compenser les carences des personnes âgées.

Même chose concernant les "marges arrières", ou rétrocommissions, que le groupe aurait mis en place avec ses fournisseurs sur les couches ou autres équipements médicaux pour bénéficier du maximum de financements publics. Un tel système n'a tout simplement jamais existé, selon Yves Le Masne. Même si certains contrats de prestation de services "mal rédigés" ont pu laisser accroire l'existence de telles techniques. Dans une forme de défense inattendue, il a fini par ajouter que même si de telles marges arrières existaient, elles n'auraient eu qu'un impact limité sur les comptes du groupe, à hauteur de "moins de 0,1 %" du résultat d'exploitation.

Yves Le Masne a aussi réfuté toute maltraitance systémique des résidents. Selon lui, Orpéa a relevé 24 suspicions de maltraitance en 2020, sur 292 "événements indésirables". Ce qui représente 0,1 % des résidents français, a pointé l'ancien directeur général du groupe, tout en assurant qu'un seul cas avéré restait "inacceptable". "Des cas, il y a pu en avoir, mais ce n'est pas parce qu'il y a un 'système Orpea'", a-t-il répété.

Yves Le Masne a également nié tout délit d'initié lors de la vente de certaines de ses actions Orpea, en juillet 2021. L'ancien directeur général affirme d'ailleurs avoir vendu en 2018 et 2019 des actions "exactement à une semaine près aux mêmes dates". Il a de plus expliqué avoir "conservé 65% de [ses] actions" : "Je les ai encore aujourd'hui, avec la baisse du cours."

Renforcer les contrôles

Auditionnée la veille au soir par la même commission, Brigitte Bourguignon est revenue sur le plan décrété par l'Exécutif à la suite du scandale déclenché par le livre de Victor Castanet. Ce plan passe d'abord par un renforcement des contrôles : les 7.500 Ehpad du pays seront contrôlés dans un délai de deux ans, a précisé la ministre déléguée chargée de l'Autonomie. Des contrôles qui seront de plus en plus "inopinés", a également annoncé Brigitte Bourguignon. En parallèle, les effectifs des ARS seront renforcés.

La ministre déléguée souhaite également offrir davantage de transparence aux résidents et à leur famille, via la publication de dix indicateurs destinés à orienter leur choix d'établissement. Il s'agira notamment des taux d'encadrement, des taux de rotation de personnel, du budget quotidien des repas. Le système d'évaluation externe des Ehpad sera, par ailleurs, complètement rénové afin de le rendre "totalement indépendant" et plus transparent. Enfin, le gouvernement souhaite davantage réguler les groupes privés commerciaux du secteur. Autant d'évolutions qui doivent mettre fin au "business du grand âge", a affirmé Brigitte Bourguignon.