Inscrite à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire des députés socialistes, la proposition de loi "visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux" a été retirée en séance en raison d'un manque de temps pour l'examiner. Une autre proposition de loi, d'origine transpartisane et poursuivant le même objectif, sera sur le bureau de l'Assemblée nationale en mars.
Cinq minutes, top chrono : c'est la durée de la discussion qui a eu lieu jeudi 9 février, en fin de soirée, sur la proposition de loi socialiste "visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux".
Si le texte a été retiré par son rapporteur Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés), une version enrichie, travaillée avec le député Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) est attendue pour la fin mars à l'Assemblée nationale. Elle pourrait recevoir un avis favorable du gouvernement, lui aussi engagé sur le sujet.
Il est un peu plus de 23h30 jeudi, lorsque la proposition de loi rapportée par Arthur Delaporte est appelée à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Socialistes et apparentés". Après la discussion de deux textes dans la matinée (dont un adopté à l'unanimité pour enquêter sur la "vie chère" dans les Outre-mer et un autre pour instaurer le repas à 1 euro pour tous les étudiants dont le rejet a suscité la polémique), un débat électrique sur la proposition de loi concernant EDF et l'adoption à l'unanimité d'une proposition de loi contre sur la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales, il reste moins de 30 minutes avant la levée de la séance à minuit pile.
Choix est alors fait par Arthur Delaporte de retirer sa proposition de loi. Dans un communiqué de presse publié quelques minutes après le retrait, le député constate que "le temps dédié à la journée de la 'niche' et l'obstruction des textes examinés plus tôt dans la journée n'ont pas permis d'aller jusqu'à pouvoir examiner les amendements déposés pour la séance sur ce texte". Ce faisant, le groupe présidé par Boris Vallaud voulait faire adopter un autre texte dans le peu de temps restant : une proposition de loi destinée à renforcer l'ordonnance de protection des femmes victimes de violences conjugales, qui a été adoptée sur le gong à minuit, à l'unanimité.
La proposition de loi portée par Arthur Delaporte s'inscrivait dans la continuité des initiatives ayant éclos ces derniers mois, notamment une proposition déposée par le groupe "Ecologiste" et le groupe "La France insoumise". Après le retrait de la proposition de loi socialiste, la volonté de légiférer sur le sujet se poursuivra par le truchement d'un texte déposé fin janvier par Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta "visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux".
La proposition, disponible ici, comporte davantage de dispositions juridiques affectant les Codes de la consommation et du travail. Si la proposition de loi socialiste visait à créer un statut de l'influenceur, proposait une interdiction ou l'encadrement de certains placements de produits (cryptomonnaies, paris sportifs, produits pharmaceutiques, chrirugie esthétique) et établissait des sanctions pénales et pécuniaires, la proposition de loi Delaporte-Vojetta embrasse le sujet de manière plus large : elle souhaite notamment établir un cadre législatif pour réguler le secteur de l'influence, par la contractualisation des activités économiques et la définition juridique des agents d'influenceurs.
Parallèlement aux initiatives parlementaires, le gouvernement est également mobilisé sur le sujet. Durant l'été 2021, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait par exemple souhaité que "les influenceurs doivent informer leur communauté quand ils sont rémunérés pour faire la promotion de produits". Et le mois dernier, Bercy a organisé une consultation publique "Influenceurs/Créateurs de contenus" préalable à la préparation d'un projet de loi en la matière.
Les conclusions, attendues au plus tard pour la mi-mars, pourraient contribuer à enrichir la proposition de loi transpartisane lors de son examen en commission des affaires économiques, prévu le 20 mars. L'examen du texte en séance publique devrait avoir lieu lors de la dernière semaine du mois de mars, une semaine dont l'ordre du jour sera fixé par l'Assemblée nationale.
Après avoir permis pour la première fois de PARLER dans notre hémicycle d'un sujet de société aussi important, nous devrions aboutir à une législation consolidée d'ici la fin de l'année. Arthur Delaporte, député socialiste
D'ici la fin du mois de mars, les députés vont cependant continuer de plancher sur le sujet, selon le communiqué de presse publié hier soir par Arthur Delaporte. Plusieurs actions sont prévues, dont un déplacement à Madrid, capitale de l'Espagne. L'Espagne, un des territoires de la circonscription du député Stéphane Vojetta, est en pointe dans la lutte contre les dérives de l'influence en ligne depuis quelques années, et a mis en place l'année dernière une législation sur le sujet, dont comptent bien s'inspirer les députés français.
Face au souhait commun d'avancer vite sur un sujet de société et une initiative parlementaire transpartisane, conjointement portée par un député socialiste, ainsi qu'un député de la majorité et soutenue par des députés de différents groupes (Nadège Abomangoli pour LFI, Aurélien Taché pour les écologistes...), le gouvernement pourrait soutenir l'initiative parlementaire, quitte à l'amender plutôt que de défendre lui-même un projet de loi, afin, selon Arthur Delaporte, d'aboutir à une "législation consolidée d'ici la fin de l'année".