La proposition de loi du groupe Renaissance visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de condamnation pour violences aggravées, conjugales notamment, a été rejetée. Le vote a eu lieu à l'issue de débats houleux marqués par le double bras d'honneur du ministre de la Justice en réaction à une intervention du président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix.
Le texte avait été présenté comme une "réponse politique" au cas d'Adrien Quatennens, lors de son retour dans les murs du Palais Bourbon, en janvier dernier, après avoir été condamné pour des faits de violences conjugales. Une volonté assumée de la majorité de légiférer en s'inspirant d'un cas particulier, qui lui a été à de nombreuses reprises reprochée, lors de l'examen de la proposition de loi dans l'hémicycle, ce mardi 7 mars. Mais un incident impliquant le ministre de la Justice, présent au banc, a aussi largement perturbé les débats et pu jouer sur le résultat du vote.
"Je n'ai pas voulu viser le président Marleix, mais si mon geste a été mal interprété, je lui présente mes excuses, ainsi qu'à toute la représentation nationale". Épilogue d'une séquence assez inédite dans l'hémicycle, il n'est pas certain que le mea culpa du Garde des Sceaux ait suffi à apaiser complètement les esprits. Cité un peu plus tôt par Olivier Marleix parmi les membres du gouvernement et de la majorité confrontés à la Justice, et en l’occurrence mis en examen pour prise illégale d'intérêts, le ministre a reconnu avoir fait "deux bras d'honneur" en réaction à la prise de parole du président du groupe Les Républicains, afin de dénoncer le double bras d'honneur qu'aurait constituée selon lui l'intervention du député à l'égard de la présomption d'innocence.
"J'ai réagi avec beaucoup de vivacité", a presque aussitôt admis Eric Dupond-Moretti, avant d'expliquer qu'il avait joint le geste à la parole pour viser "non pas le président Marleix", "mais le mépris qu'il avait pour le respect de [la] présomption d'innocence"
Sommé de s'excuser par de nombreux députés, toutes tendances politiques confondues, le Garde des Sceaux s'est dit "très affecté", avant de finir par déclarer : "Je n'ai pas voulu viser le président Marleix, mais si mon geste a été mal interprété, je lui présente mes excuses, ainsi qu'à toute la représentation nationale".
Ces propos une fois tenus, la discussion générale autour de la proposition de loi portée par la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a pu se poursuivre. Visant à "étendre la peine complémentaire obligatoire [d'inéligibilité] aux délits visés à l'article L222-13 du Code Pénal, le texte ciblait "les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail", parmi lesquelles celles commises "sur le conjoint" ou "par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité".
Des groupes d'opposition à ceux partenaires de Renaissance au sein de la majorité (Démocrate et Horizons), le texte d'Aurore Bergé a souvent été qualifié "de circonstance". C'est ainsi que Laurence Vichnievsky (Démocrate) a justifié le fait que son groupe voterait "majoritairement contre cette proposition de loi". De même pour "Horizons et apparentés", dont l'oratrice, Marie-Agnès Poussier-Winsback, a principalement regretté la "temporalité" du texte.
Mais les mots les plus virulents sont venus de la gauche de l'hémicycle. "Si cette proposition de loi est un symbole, c'est d'abord celui de votre opportunisme politique", a ainsi considéré Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine), quand Sandra Regol (Ecologiste) a déploré un "coup politique" de la majorité.
Des reproches qui ont suscité une nouvelle charge émotionnelle dans l'hémicycle. En effet, à Danièle Obono (La France insoumise) qui l'avait accusée d'instrumentaliser le sujet des violences intrafamiliales, et alors que les clameurs reprenaient dans l’hémicycle, la rapporteure du texte, Aurore Bergé, a déclaré : "Aucune femme dans cet hémicycle n'a à accepter les procès en opportunisme politique sur la question des violences (...) Je sais exactement de quoi je parle quand je parle des violences conjugales. Je n'entendrai pas une minute de plus que je ne suis pas sincère dans ce combat".
La proposition de loi avait été adoptée le 28 février dernier en commission des lois, malgré les réserves déjà formulées par la plupart des représentants des groupes politiques présents. "Mes condoléances à votre proposition de loi, flinguée par ces deux bras d'honneur du ministre de la Justice", a ce mardi conclu Caroline Parmentier (Rassemblement national), s'adressant à la majorité quelques minutes avant que le texte ne soit cette fois-ci rejeté dans l'hémicycle, par 140 contre 113.