La proposition de loi présentée par la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, visant à instaurer une peine d'inéligibilité obligatoire en cas de condamnation pour violences aggravées, notamment intrafamiliales, et conçue comme une réponse politique au cas Adrien Quatennens, a été adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Le texte avait été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale par Aurore Bergé et les députés du groupe Renaissance le 11 janvier, le jour même du retour dans les murs du Palais Bourbon d'Adrien Quatennens, condamné en décembre à de la prison avec sursis pour des faits de violences conjugales. Examinée mardi 28 février en commission des lois, la proposition de loi vise à "étendre la peine complémentaire [d'inéligibilité] aux délits visés à l'article 222-13 du Code pénal : les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail", parmi lesquelles celles commises "sur le conjoint" ou "par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité".
Si l'objet du texte, visant à aller plus loin dans la pénalisation des élus ayant été condamnés pour avoir commis des violences citées par l'article 222-13 du Code pénal, a plutôt fait l'unanimité, de nombreux groupes en ont critiqué le calendrier. "Nous sommes une majorité à en comprendre l'esprit, mais nous sommes tout autant à nous questionner sur la méthode", a déclaré Pascale Bordes (Rassemblement national), s'inquiétant d'un "dévoiement de la production législative au service de l'instantané et de l'émotion, si juste et légitime soit-elle". La députée a ainsi dénoncé une proposition de loi "plus politique qu'autre chose, légèrement mâtinée d'opportunisme".
Ian Boucard (Les Républicains) a, quant à lui, critiqué un "coup de communication de la majorité" rappelant le cas, lors de la précédente législature, d'un député "dont le nom était sorti dans la presse pour des faits extrêmement graves, et il ne me semble pas que vous aviez déposé cette proposition de loi, que je trouve opportuniste". Émeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine) citant pour sa part nommément Benoît Simian, ancien député de la majorité, condamné pour harcèlement envers son ex-compagne, et tout en accusant le groupe Renaissance "d'instrumentaliser" le sujet des violences conjugales, a dit vouloir "s'attacher au fond, et uniquement au fond, faire abstraction, et du timing, et [des] intentions", afin de justifier son choix de se prononcer en faveur de la proposition de loi.
Danièle Obono (La France insoumise), a quant à elle dénoncé le fait qu'"au-delà de l'individu, c'est la principale force d'opposition et d'alternative à la macronie qui est visée". "Il s'agit purement et simplement d'une grossière et dangereuse instrumentalisation de la justice et de la lutte contre les violences faites aux femmes à des fins bassement politiciennes", a ajouté la députée. Même son de cloche de la part d'Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés) qui a évoqué "un coup politique dans une forme de précipitation".
Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre, et le fait qu'elle fleure bon le populisme ne semble pas vous embarrasser. Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés)
Du côté des partenaires de Renaissance, Marie-Agnès Poussier-Winsback (Horizons) et Emmanuel Mandon (Démocrate) ont fait part de leurs "réserves" à l'endroit du texte, ce dernier risquant de s'apparenter à la mise en place d'une forme de "référendum révocatoire" selon l'élu du MoDem.
En réponse aux doutes, voire à l'opposition franche de certains députés, la présidente du principal groupe de la majorité, Aurore Bergé, a assumé la teneur symbolique et politique de sa proposition de loi, au regard notamment de l'affaire concernant Adrien Quatennens. Lors de son dépôt, elle avait déjà qualifié la proposition de loi de "réponse politique" à la condamnation du député, qui siège comme non inscrit depuis sa suspension du groupe La France insoumise. "On ne peut pas en permanence s'extraire de l'actualité", a-t-elle plaidé, évoquant "certains faits suffisamment interpellants dans l'opinion publique pour nous dire d'agir".
Est-ce qu'après la politique est en dehors du jeu ? Non. Nous sommes des élus politiques. Est-ce qu'on doit s'empêcher de faire de la politique quand on porte des propositions de loi ? la réponse est non, et je l'assume. Aurore Bergé (Renaissance)
"On doit tous balayer devant sa porte" a encore affirmé la présidente du groupe Renaissance, faisant référence à la précédente législature et à des cas, tous bords politiques confondus, qui "ont fait honte à notre Assemblée". "Je ne juge pas avant les juges", a-t-elle aussi martelé, soulignant ainsi le critère de la condamnation, et non de la simple accusation, comme entrant dans le champ de la proposition de loi.
"Dire à nos concitoyens que celles et ceux qui demain, voudraient être élus, doivent avoir un comportement en tous points exemplaire, je crois que c'est une nécessité", a conclu Aurore Bergé.
Des propos qui ont notamment convaincu Erwan Balanant (Démocrate), qui avait préalablement émis des réserves sur le texte, évoquant le risque d'une "proposition de loi Quatennens". "On ne légifère pas que pour l'actualité, on légifère pour la vie. L'inégibilité elle ne concerne pas que les élus, elle peut concerner les futurs élus", a-t-il finalement estimé, reprenant l'argument de la rapporteure, avant d'indiquer qu'il voterait la proposition de loi, "sans aucune réserve maintenant".
Adopté par la commission des lois, le texte sera examiné par les députés dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le mardi 7 mars.