Quelles seraient les priorités budgétaires de La France insoumise si, demain, ses députés étaient majoritaires à l'Assemblée ? Plan d'investissement massif, TVA "grand luxe", objectif "zéro sans-abri"... Et de surcroît un budget "à l'équilibre", même s'il est prévu de recourir à l'emprunt.
Contre le "libérer et protéger" de La République en marche, La France insoumise veut opposer le "réparer et investir". Dans son "contre-budget" présenté lundi à la presse, la formation de Jean-Luc Mélenchon, si elle arrivait demain au pouvoir, entend revenir sur la quasi-totalité des mesures initiées par Emmanuel Macron.
"On veut faire exactement l'inverse de ce gouvernement en mettant le paquet sur le travail, et non dans le capital de 1% des plus riches, en espérant que ça ruisselle", estime Éric Coquerel. Avec sa collègue Sabine Rubin, les deux députés LFI de la commission des finances rêvent d'en finir avec la "vieille politique de l'offre appliquée depuis quinze ans". Quitte à recourir à l'endettement pour relancer la consommation et les investissements.
Afin de donner au budget de l'État 52 milliards d'euros de marge de manœuvre, ils proposent de défaire l'héritage Macron : suppression de la flat-tax sur les revenus financiers, rétablissement de l'ISF, "renforcement considérable" des droits de succession.
Les députés LFI s'attaqueraient aussi au secteur du luxe, en créant une TVA à 33% sur certains cosmétiques et parfums, la haute couture, la joaillerie, les œuvres d'art, les lingots d'or ou encore le caviar, pour 5 milliards d'euros espérés.
Les entreprises seraient également mises à contribution, avec la fin de plusieurs niches fiscales, comme le crédit impôt recherche (6,2 milliards €). L'annulation des baisses de cotisations décidées depuis 2017 et le rétablissement de la dernière tranche de la taxe sur les salaires (150 millions d'euros) sont aussi au programme.
Enfin, ils espèrent grâce à la "lutte contre la fraude aux cotisations patronales", pouvoir récupérer quelque 5 milliards d'euros supplémentaires.
Le surplus budgétaire serait immédiatement réinvesti en priorité dans le secteur public. L'embauche de 58 000 fonctionnaires (services fiscaux et douaniers, santé, justice et éducation) et le recours à 380 000 emplois aidés supplémentaires viendraient créer autant d'emplois directs.
La France insoumise veut également "rendre" aux fonctionnaires 4,9 milliards € de pouvoir d'achat, en raison "du gel des années 2010-2016".
Le monde des Ehpad est aussi au centre des préoccupations, avec le "recrutement de 210 000 personnels" afin de traiter "de manière décente les résidents" (8 milliards €). À long terme, un plan de nationalisation des maisons de retraite est prévu, sans plus de précision sur le financement.
Côté secteur privé, seules les PME se verraient accompagner. Face à la hausse des cotisations et du Smic - à 1 500 € net -, Éric Coquerel reconnaît qu'elles pourraient subir un "choc". La solution ? La création d'un "fonds de solidarité interentreprises", assis sur une cotisation des grandes entreprises pour financer les plus petites.
Sans proposer de revenu universel, La France insoumise vise un nouveau seuil plancher de 1000 euros pour les minimas sociaux, soit peu ou prou le seuil de pauvreté. Le RSA et le minimum vieillesse seraient revalorisés en conséquence, pour 12 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
Autre objectif social d'une majorité LFI : un plan "zéro sans-abri", dont la première pierre serait la création de 38 000 places en centre d'hébergement (700 millions €).
Éric Coquerel estime que ce budget, aux antipodes du quinquennat Macron, est un "budget de bon élève", avec de nouvelles dépenses "plus que compensées" par de nouvelles recettes.
Toutefois, malgré la mise en place d'une fiscalité écologique plus élevée qu'actuellement, le plan d'"urgence écologique et social", dédié aux énergies renouvelables, au bio et aux logements sociaux et estimé à 43 milliards d'euros, serait lui financé par l'emprunt. Un choix assumé face à la faiblesse des taux, tout comme la hausse du déficit public, qui atteindrait "entre 4 et 4,2% du PIB", avant de redescendre à "3% en 2022".
Citant en exemple les trajectoires budgétaires du Portugal, de l'Espagne et même de l'Italie, le député de Seine-Saint-Denis tranche : "La dette souveraine ne doit pas être l'alpha et l'oméga de toutes politiques."