L'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 novembre, une proposition de loi présentée à l'initiative du groupe Socialistes visant à mieux protéger les enfants victimes ou témoins de violences intrafamiliales, en facilitant la suspension ou le retrait de l'autorité parentale au parent violent ou agresseur.
L'Assemblée nationale a adopté lundi soir à l'unanimité, en deuxième lecture, la proposition de loi "visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales". Le texte, initiée par la députée socialiste Isabelle Santiago, a pour objectif de protéger les enfants témoins ou victimes de violences intrafamiliales en retirant ou suspendant l'autorité parentale du parent fautif. La proposition de loi fait l'objet d'un consensus entre députés puisqu'il avait fait l'objet en première lecture d'une réécriture transpartisane après un travail préparatoire réalisé en lien avec le ministère de la Justice.
Il est vain de soigner un enfant qui côtoie toujours son agresseur. Isabelle Santiago
"Voilà évidemment une pierre tout à fait indispensable dans le dispositif global qui est constitué de plein de petites pierres", a salué à l'issue du vote la secrétaire d’Etat chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel. "Beaucoup d'enfants qui aujourd'hui avaient peur de se retrouver sous l'autorité de leurs parents vont pouvoir trouver une certaine sérénité", a-t-elle ajouté. La secrétaire d’État l'avait rappelé en préambule des débats : "160.000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles, un enfant est donc victime toutes les 3 minutes d'inceste, de viol, ou d'agression sexuelle (...) et puis évidemment un enfant meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents."
Après l'adoption du texte, la rapporteure Isabelle Santiago a demandé à ses collègues d'interpeller les sénateurs : "On a besoin d'une lecture [du texte] au Sénat rapide", a déclaré l'élue socialiste, espérant, "si c'est possible", un "vote conforme", afin de permettre une adoption définitive par le Parlement en se dispensant d'un nouvel examen à l'Assemblée nationale.
Lors de cette deuxième lecture, l'Assemblée a rétabli les grandes lignes du texte qu'elle avait adopté en février dernier. "La proposition de loi s'attache à agir vite lorsque l'enfant est en danger pour limiter les relations voire, dans les cas les plus graves, rompre le lien entre l'enfant et le parent violent ou agresseur", a expliqué lundi soir Isabelle Santiago. Le texte prévoit en premier lieu la suspension de plein droit de "l'exercice" de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent qui est "poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement" pour :
Cette suspension est effective jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du juge pénal.
Par ailleurs, l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement d'un parent sont suspendus de plein droit si celui-ci a été condamné, "même non définitivement", pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une "incapacité totale de travail de plus de huit jours" si l'enfant "a assisté aux faits". Cette sanction s'applique aux cas où l'enfant est témoin oculaire ou auditif, "qu'il ait été présent ou non dans la pièce au moment des faits". La suspension dure jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, "qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation". Sans saisine à l'issue de ce délai, les droits du parent condamné sont "rétablis".
Le texte prévoit également un retrait total de l'autorité parentale du parent condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent sauf si le juge pénal décide le contraire, en prenant une décision "spécialement motivée". En outre, lorsqu'un jugement irrévocable "a prononcé un retrait de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement", aucune demande de rétablissement ne peut être formée par le parent concerné avant un délai de six mois. Enfin, un parent seul pourra être forcé de déléguer son autorité parentale en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse.
"Le côté automatique ne peut pas être écrit dans le droit [pour éviter un risque d'inconstitutionnalité] mais, l'esprit du texte, c'est celui-là", souligne Isabelle Santiago.