Une proposition de loi visant à "renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants" sera examinée en commission des lois demain, mercredi 22 janvier. Le texte, déposé à l'Assemblée nationale par Aurore Bergé début décembre, avant qu'elle ne soit nommée au gouvernement, vise notamment à faire rentrer la définition du "contrôle coercitif" dans le code pénal, afin de lutter contre ce phénomène.
"Une cage dans laquelle la victime se sent prise au piège". Mieux réprimer le "contrôle coercitif", c'est l'un des objectifs de la proposition de loi visant à "renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants".
Ce texte transpartisan - signé par plus d'une centaine de députés issus des groupes de la coalition présidentielle, de la Droite Républicaine, du groupe LIOT, ainsi que par une députée Gauche démocrate et républicaine - a été déposé par Aurore Bergé (Ensemble pour la République) début décembre, avant qu'elle ne soit nommée ministre déléguée chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
Aurore Bergé ayant rejoint le gouvernement, la proposition de loi sera portée par Maud Bregeon (EPR). Relativement court, le texte est composé de trois articles. Il ambitionne de poursuivre les "avancées significatives", votées et mises en œuvre ces dernières années, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.
Il vise notamment à définir dans le code pénal la notion de contrôle coercitif (article 3), théorisée par le sociologue Evan Stark. "Les violences, ce n'est pas que les coups, et ça ne commence généralement pas par les coups. C'est tout un système qui se met en place, pour essayer de vous isoler, de vous priver d'un certain nombre de vos droits et de vos libertés", a expliqué Aurore Bergé, lundi 20 janvier, sur LCP.
Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, Evan Stark compare cette notion à "une cage dans laquelle la victime se sent prise au piège, développant l’idée selon laquelle les hommes ont recours au contrôle coercitif comme outil de subordination des femmes". Le contrôle coercitif est déjà criminalisé en Grande‑Bretagne, en Ecosse, au Canada et dans certains Etats américains. En France, un rapport parlementaire rendu en mai 2023 recommandait aux services compétents de l'intégrer dans leurs procédures de signalement.
Les manœuvres délibérées et répétées de déstabilisation psychologique, sociale et physique ayant pour effet de diminuer la capacité d’action de la victime et de générer un état de vulnérabilité ou de sujétion constituent des violences psychologiques. Article 3 de la proposition de loi
Le contrôle coercitif n'est pas étranger à la justice française : en janvier 2024, la Cour d’appel de Poitiers a rendu cinq arrêts dans des affaires de violences conjugales, qui ont consacré le schéma de ce phénomène. "C'est comprendre l'ensemble des tactiques, des micros régulations du quotidien qui forment une sorte de cage qui vise au contrôle, à la domination et à la surveillance de la femme", détaillait en novembre dernier Gwenola Joly-Coz, première présidente de la Cour d’appel, au micro de France Bleu Poitou.
La proposition de loi vise, en outre, à instaurer une imprescriptibilité civile des viols commis sur des mineurs, afin de leur permettre de "pouvoir obtenir une réparation" (article 1er). Alors que le délai de prescription des crimes sexuels commis sur les mineurs a été allongé de 20 à 30 ans en 2018, le texte indique que "la question de l’imprescriptibilité en matière pénale soulève de nombreux obstacles ‑ notamment la crainte de faire des "procès de l’impossible", c’est‑à‑dire des procès qui ont de très faibles chances d’aboutir à une condamnation de l’auteur en raison du délai écoulé entre les faits et le procès ‑, l’imprescriptibilité en matière civile ne soulève pas ces obstacles".
Enfin, la proposition de loi prévoit d'étendre le principe de la "prescription glissante" aux victimes majeures de crimes sexuels. Depuis 2021, le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle, ou d'une atteinte sexuelle, commise sur un enfant peut être prolongé si le même agresseur s'attaque à un autre enfant. "Parfois, c'est très violent pour les victimes de se dire dix ans après : elle, elle peut avoir réparation et justice, et moi je ne peux plus", a souligne Aurore Bergé.
Après son examen en commission des lois cette semaine, la proposition de loi sera à l'ordre du jour de l'hémicycle de l'Assemblée nationale mardi 28 janvier.