Souveraineté agricole : les députés ont terminé l'examen du projet de loi, qui sera soumis au vote de l'Assemblée nationale mardi

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 Travaux de drainage près de Damvillers (Meuse). © Wikipédia / CC BY S.A 3.0
Travaux de drainage près de Damvillers (Meuse). © Wikipédia / CC BY S.A 3.0
par Léonard DERMARKARIAN, le Samedi 25 mai 2024 à 09:50

Après dix jours de débats, les députés ont achevé l'examen du projet de loi d'orientation et de souveraineté agricole dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 mai. Les dernières heures de débats ont été consacrées aux règles s'appliquant en matière de haies et à la question des contentieux administratifs autour de projets agricoles, notamment les retenues d'eau. Des sujets qui ont donné lieu à des discussions à la fois longues et engagées.  

Après près de 70 heures de débats, l'Assemblée nationale a achevé, dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 mai, l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture". Le texte sera soumis au vote des députés mardi 28 mai, après la séance de Questions au gouvernement. 

Pensé autant comme une réponse à la crise conjoncturelle et structurelle que traverse l'agriculture française (colère agricole en début d'année, vieillissement des exploitants agricoles et adaptation au changement climatique), les travaux en séance publique ont acté différentes mesures : reconnaissance de l'agriculture et de la pêche comme "intérêt général majeur", création d'un nouveau diplôme bac+3, inscription d'objectifs chiffrés en matière de maintien du nombre d'exploitations et de développement de l'agriculture biologique, limitation des poursuites en cas d'atteinte non-intentionnelle à l'environnement (voir notre dossier ici).

"Gestion durable" des haies

Fortement critiquée par les agriculteurs mobilisés en début d'année, la réglementation s'appliquant aux haies a été longuement discutée par les députés. Alors que près de 70% des haies ont disparu des bocages en France depuis 1950, contribuant à une forte érosion de la biodiversité, et que leur replantation a été érigée en objectif par le gouvernement, qui espère un gain net de 50 000 kilomètres de haies d'ici 2030, la réglementation actuelle, morcelée à travers différents textes, est jugée complexe et dissuasive par les agriculteurs - un avis partagé par la commission des affaires économiques dans son rapport sur le projet de loi.

En réponse, le gouvernement et les groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons) ont souhaité, par l'article 14simplifier le régime juridique des haies et instaurer une "gestion durable" de celles-ci. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a défendu une "définition spécifique" des haies, s'écartant de celle de la Politique agricole commune (PAC), dont le respect est nécessaire pour l'obtention d'aides par les agriculteurs. Cette définition, extensive, ne sera pas uniquement centrée sur les haies situées sur ou à proximité des exploitations agricoles, mais également "des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte".

Au cours des débats, un amendement de Sandrine Le Feur (Renaissance) visant à préciser "les différents bénéfices écologiques de la haie" a été adopté. L'exposé des motifs de cet amendement indique qu'il "précise la portée de l’obligation de gestion durable et de maintien de la multifonctionnalité des haies (...) en prévoyant que cette obligation impose la préservation d’un certain nombre de services écosystémiques comme ceux relatifs aux fonctions d’habitat naturel pour la faune et la flore, de corridor écologique, de contribution de la préservation de la ressource en eau, de stockage de carbone, d’affouragement, de production de biomasse ou d’élément paysager".

L'intention du gouvernement et sa définition des haies n'ont pas convaincu sur tous les bancs de l'hémicycle, en particulier du côté des groupes Ecologiste et La France insoumise. Aurélie Trouvé (LFI) a, par exemple, jugé que le texte allait "faciliter l'arrachage des haies", à rebours de l'objectif de replantation par ailleurs prôné par le gouvernement. Une opposition qui n'a pas empêché l'adoption de l'article (39 voix "pour", 7 "contre", 13 abstentions).

"Statuer plus rapidement" en cas de contentieux administratifs

Autre disposition longuement débattue à l'article 15 : l'accélération des procédures contentieuses portant sur des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage, en créant un régime dérogatoire. Le co-rapporteur du texte, Pascal Lavergne (Renaissance), a défendu un "article technique" permettant de "statuer plus rapidement" en cas de contentieux, et de "retrouver une capacité à dire oui [à des projets] dans des délais raisonnables pour nourrir notre pays et notre Nation". "On ne vient pas dire qu'il n'y a pas de recours. On vient juste dire qu'il faut que ça aille plus vite", a complété le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau

"L'avis du Conseil d'Etat sur cet article est implacable et conclut à la nécessité de [le] supprimer" a, quant à elle, soutenu Delphine Batho (Ecologiste). Elle a dénoncé un article emblématique de la volonté de "passage en force" du gouvernement, "en soutenant un type d'agriculture qui n'a rien à voir avec la souveraineté alimentaire de la France". Des critiques qui n'ont pas, là encore, empêché l'adoption de l'article (47 voix "pour", 15 "contre", 2 abstentions).

Au-delà de ces dispositions longuement débattues, les députés ont approuvé d'autres mesures :

Enfin, un amendement du gouvernement a été adopté par les députés en fin de séance : il permet à l'exécutif, "dans un délai de vingt-quatre mois", de prendre "par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi visant à assurer la cohérence des textes au regard des dispositions de la présente loi et à abroger les dispositions devenues sans objet". Un amendement jugé "ahurissant" par Anne-Laure Blin (Les Républicains), et "pas sérieux" par Delphine Batho (Ecologiste).

Désormais entièrement examiné, en première lecture, par l'Assemblée nationale, le projet de loi sera soumis à un vote solennel des députés, mardi 28 mai, après les Questions au gouvernement, puis le texte sera transmis au Sénat, afin d'y poursuivre son parcours législatif.