Élues dès le premier tour des élections législatives, à Paris, sous la bannière de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), Sophia Chikirou et Sarah Legrain ont fait leurs premiers pas à l'Assemblée nationale lundi 13 juin, au lendemain du scrutin.
"J'ai tout à fait conscience que ma vie change à partir d'aujourd'hui", confie Sophia Chikirou au moment où elle découvre la mallette remise à chaque nouveau député, le jour de son arrivée au Palais Bourbon. Une écharpe tricolore, qui lui servira "tant pour les manifestations institutionnelles que celles dans la rue", la cocarde et le règlement de l'Assemblée nationale, "l'outil de combat pour se faire entendre et respecter" : la néo-députée découvre avec émotion ces objets du quotidien, symboles de sa nouvelle mission.
Celle qui se revendique "enfant du peuple" et "militante politique depuis l'âge de 15 ans" voit le mandat de député comme un aboutissement, "un grand honneur", tout en évoquant "un sentiment de grande responsabilité".
Avant de briguer les suffrages des habitants des 11e et 20e arrondissements de Paris, Sophia Chikirou a été plusieurs années durant la directrice de campagne et conseillère de Jean-Luc Mélenchon. Elle avait également participé à la création du Média et en avait assuré la direction jusqu’à son départ en juillet 2018 dans un contexte de crise et de conflit interne, avant d'être élue conseillère régionale d'opposition en Île-de-France en 2021.
Le 12 juin, Sophia Chikirou a obtenu dans la 6e circonscription de Paris 53,74 % des voix, succédant à un député élu en 2017 sous l'étiquette La République en marche et qui ne se représentait pas, Pierre Person.
Sophia Chikirou ne s'attendait donc pas à être élue dès le 1er tour. "Le dernier échange que j'ai eu avec ma directrice de campagne vers les coups de 18h dimanche, je lui dis 'il faut qu'on prépare le tract de deuxième tour cette nuit, on se donne rendez-vous vers 23h (...) On avait déjà réservé l'imprimeur pour lundi matin", nous révèle-t-elle.
Elle se félicite que sa formation politique ait fait le choix d'envoyer à l'Assemblée des candidats qui viennent "du monde réel". "Moi je ne suis pas lobbyiste dans une grande entreprise du nucléaire, je ne suis pas directrice des ressources humaines d'un grand groupe qui ne voit que des chiffres et de la comptabilité (...) Le mandat de député ne doit pas être un mandat de gens déconnectés", considère-t-elle aussi.
Contrairement à Sophia Chikirou, Sarah Legrain n'en est pas à son premier tour de scrutin législatif. En 2017, elle s’était inclinée au second tour face à l'ancien ministre Mounir Mahjoubi (La République en marche).
Professeure de Français formée à l'ENS et oratrice nationale de La France insoumise, Sarah Legrain a obtenu 56,51 % des suffrages dans la seizième circonscription de Paris, devançant cette fois largement le candidat de La République en marche, Yanis Bacha (20,44%).
Son ambition première en tant que députée fraîchement élue n'est pas individuelle, mais bien collective. Elle souhaite être rejointe par une majorité de députés issus de la Nupes, et voir Jean-Luc Mélenchon nommé Premier ministre. Pour la campagne d'entre-deux-tours qui a déjà commencé, elle compte bien "donner des coups de main à droite à gauche" pour soutenir ses camarades qui n'ont pas eu, comme elle, le privilège d'être élus dès le premier tour de scrutin. "Il y a quelque chose de possible. Vous avez réussi à envoyer quatre [députés Nupes] à l'Assemblée dès le 1er tour", souhaite-t-elle dire aux électeurs. "Imaginez ce que ça peut être dimanche prochain". Pour Mathilde Panot, qui accompagne ses nouvelles collègues en sa qualité de présidente du groupe LFI, le fait que sur les cinq députés élus dès le premier tour, quatre soient issus de la Nupes, constitue bien un "signal de dynamique".
Sarah Legrain explique le franc succès de la Nupes dans la capitale par une abstention un peu moins forte qu'ailleurs et par "la jonction" qui peut s'y réaliser entre quartiers populaires, dont les représentants s'étaient déplacés nombreux en faveur de Jean-Luc Mélenchon lors de l'élection présidentielle, et d'"une classe moyenne urbaine, qui se rend plus aux urnes", également sensible aux thématiques portées par la Nupes.
En se dirigeant vers l'hémicycle, temps fort de cette première journée à l'Assemblée, alors que des cartons sont empilés dans un coin du Salon Delacroix situé à côté du lieu où les débats reprendront après les élections, Sophia Chikirou lance : "Regardez, ce sont les macronistes qui déménagent !" En entrant dans la salle pavée de marbre, les primo-députées, visiblement émues, tournent sur elles-mêmes. Alexis Corbière, également présent car député sortant mais lui aussi réélu dès le premier tour, incite Sophia Chikirou à s'asseoir à côté de lui, au banc des ministres. "La semaine prochaine, c'est là que ça se passe", lance l'élu de Seine-Saint-Denis, espérant une victoire de la coalition de gauche le 19 juin, ce qui aboutirait à la formation d'un gouvernement de cohabitation.