Plusieurs incidents qui ont eu lieu récemment à l'Assemblée nationale, signe de l'ambiance tendue autour du projet de loi immigration, ont été sanctionnés par le Bureau de l'institution, mercredi 13 décembre. Depuis le début de la législature, 145 sanctions ont été prononcées à l'encontre de députés. Un record.
C'est du jamais vu. Depuis le début de la législature, il y a un an et demi, 145 sanctions ont été prononcées à l'encontre de députés, contre seulement 6 sanctions entre 2012 et 2017 et 16 lors de la dernière mandature de 2017 à 2022. Signe d'une Assemblée nationale - où tous les courants politiques sont fortement représentés - particulièrement éruptive
Réuni mercredi 13 décembre, le Bureau de l'Assemblée a décidé de sévir à l'encontre de huit élus pour "troubles de l'ordre et tumulte", "outrages et provocations", ou encore "injure". Des incidents symptomatiques de l'ambiance qui a régné en marge de l'arrivée du projet de loi immigration au Palais-Bourbon, fin novembre, et encore ces derniers jours, alors que le texte a été rejeté avant même d'avoir été examiné dans l'hémicycle. Plusieurs élus ont ainsi écopé d'un rappel à l'ordre simple, comme Sabrina Sebaihi (Ecologiste), qui avait évoqué l'histoire familiale de Michèle Tabarot (Les Républicains), fille d'un membre de l'OAS, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe LR. C'est également le cas de Laurent Croizier (Démocrate) accusé d'avoir traité ses collègues du Rassemblement national de "nazis" dans l'hémicycle.
Quatre députés ont également été sanctionnés d'un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, ce qui les privera d'un quart de leur indemnité parlementaire pendant un mois : Antoine Léaument (La France insoumise) - qui avait lui aussi dressé un parallèle entre les élus du RN et les nazis -, Jocelyn Dessigny (Rassemblement national), Sébastien Delogu (La France insoumise) - qui avait également pris à partie Michèle Tabarot à propos de son histoire familiale -, et Sandra Regol (Ecologiste). En commission des lois, la députée avait évoqué les "affaires sur des pédophiles et des violeurs qui n'ont jamais été prises en compte" dans les rangs du RN. Des propos qui avaient été dénonces Edwige Diaz (RN) et de Thomas Ménagé (RN). "Je tombe des nues. Je m'appuie sur des faits, des condamnations avérées. Je ne profère pas des allégations", a réagi Sandra Regol en apprenant sa sanction.
Dans ce lot de sanction, c'est Ugo Bernalicis qui a hérité de la peine disciplinaire la plus lourde. Début décembre, le député LFI avait provoqué un incident, exigeant la suspension de l'examen du projet de loi immigration en commission des lois pour pouvoir participer aux débats en séance, dont l'ordre du jour avait été fixé par son groupe dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire.
Le Bureau de l'Assemblée devait décider ce mercredi s'il y avait lieu de proposer une sanction plus sévère à l'encontre de l'élu, qui avait initialement écopé d'un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal. Finalement, l'instance s'est prononcée en faveur d'une "censure simple", sanction approuvée par les députés - par un vote "assis et levé - dans l'hémicycle, comme c'est la règle pour cette sanction. Ugo Bernalicis "a provoqué délibérément une scène tumultueuse, en interpellant violemment ses collègues", a indiqué au Perchoir la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), rendant compte de la réunion du Bureau. Le député sera donc privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant un mois.
"Je n'ai fait que parler fort", s'est défendu Ugo Bernalicis lors d'un point presse, mettant en avant une "légitime défense parlementaire" face au refus du président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), de suspendre la séance. Le député LFI a, en outre, affirmé qu'il était prêt à s'excuser de son comportement, à condition que le problème de chevauchement entre les travaux dans l'hémicycle et commission soit reconnu. Sans succès. "Je suis déçu que Yaël Braun-Pivet ne soit pas capable de reconnaître ce problème de fonctionnement de l'Assemblée", a-t-il ajouté. Avant de juger que l'alourdissement de sa sanction a pu être provoqué par le "seum de la défaite de la majorité" à la suite du vote de la motion de rejet du projet de loi immigration.
Un autre cas devrait prochainement occuper le Bureau de l'Assemblée. La présidente du groupe Écologiste, Cyrielle Chatelain, accuse Jean-René Cazeneuve (Renaissance) de lui avoir adressé des "intimidations sexistes" au cours de la séance de questions au gouvernement d'hier. "Il m'a asséné à deux reprises et avec détermination les propos suivants : 'Tu seras tondue à la Libération pour avoir voté avec le Rassemblement national'", écrit-elle dans un courrier adressé à Yaël Braun-Pivet.
Un message "révoltant" autant que "sexiste", pour Cyrielle Chatelain : "Le message est clair : en tant que femme, je me dois de rester à ma place et tenir ma langue", s'indigne la députée, qui demande à ce que le rapporteur général du budget soit sanctionné. Jean-René Cazeneuve reconnaît avoir échangé avec Cyrielle Chatelain, mais dément "fermement" avoir tenu ces propos. Cet échange, ayant été tenu hors micro, dans les travées de l'hémicycle, ne figure pas au compte-rendu de l'Assemblée,
Dans un communiqué, la présidence de l'Assemblée nationale indique que Yaël Braun-Pivet a rappelé "la nécessité d'un apaisement de la situation". Le Bureau souhaitant que cette salve de sanctions mette un "coup d'arrêt à une dérive des comportements qui nuit au bon fonctionnement de l'institution".