Au deuxième jour de l'examen de la réforme des retraites, les députés se sont affrontés sur l'article premier du texte, qui prévoit l'extinction des principaux régimes spéciaux, dont ceux de la RATP et des industries électriques et gazières. Accusé par la Nupes de monter les salariés les uns contre les autres, le gouvernement a défendu une mesure "d'équité".
"Vous ne nous diviserez pas". Tels ont été les mots de la présidente du groupe Écologiste, Cyrielle Chatelain, et de nombreux représentants de la gauche de l'hémicycle, en défense des régimes spéciaux et à l'issue d'une nouvelle journée de mobilisation dans la rue contre la réforme des retraites. Le gouvernement a pour sa part défendu pied à pied une mesure relevant selon lui du principe d'universalité inhérent au système par répartition.
C'est une bataille sémantique qui aura opposé majorité et opposition de gauche tout au long des débats qui ont eu lieu mercredi soir. Préférant évoquer des "régimes pionniers", les députés de la Nupes ont défendu de nombreux amendements de suppression de l'article premier, accusant le gouvernement de "diviser les salariés de ce pays", selon les mots de Sophie Taillé-Polian (Écologiste), et d'opérer un nivellement par le bas plutôt qu'un alignement vers le haut.
"La suppression des régimes spéciaux est un serpent de mer qui fonctionne sur l'attisement des rancœurs", a déploré Mickaël Bouloux (Socialistes et apparentés), quand Charlotte Leduc (La France insoumise) a dénoncé une "manœuvre de diversion".
Rapporteure du texte, Stéphanie Rist (Renaissance) a dit la volonté de la majorité, plutôt que de diviser les Français, de "les rassembler au sein du régime général", quand le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a justifié la fin des régimes spéciaux par le fait qu'ils étaient les "fruits d'une histoire", "qui aujourd'hui ne se justifient plus".
"On n'est pas bien là, dans l'idéologie pure ? Détendus du service public", a pour sa part ironisé Sandrine Rousseau, détournant l'une des répliques du film Les Valseuses de Bertrand Blier. "La RATP manque de chauffeurs, on n'arrive pas à prendre des métros, elle est au bord de la rupture, allez hop, on y va, on casse des droits sociaux !" Un argument repris par plusieurs députés, qui ont alerté le gouvernement sur les effets de la fermeture des régimes spéciaux au sein de secteurs déjà en proie à des difficultés de recrutement, notamment celui des transports transiliens.
Une prise de parole en défense des régimes spéciaux a, par ailleurs, été particulièrement remarquée, celle d'Adrien Quatennens (qui siège actuellement comme député non inscrit), qui présentait son propre amendement de suppression de l'article premier. Dès l'annonce de son intervention par Sébastien Chenu (Rassemblement national), qui présidait la séance, un tumulte s'est fait entendre, entre applaudissements de certains collègues de son ancien groupe, La France insoumise, dont il a été exclu temporairement, et les huées de quelques membres de la majorité. "Ce qu'il se passe ce soir ne peut pas être passé sous silence", a dénoncé Pierre Cazeneuve (Renaissance), avant d'accuser les députés de La France insoumise de "rester stoïques", voire d'applaudir "l'un de leurs collègues qui a été condamné pour avoir frappé son épouse".
À l'issue d'une suspension de séance, et après que Benjamin Saint-Huile (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) et Emmanuelle Ménard (non inscrit) aient défendu le droit d'Adrien Quatennens à prendre la parole dans l'hémicycle, ce dernier s'est exprimé sur son amendement de suppression. "Mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d'équité et de justice, n'est qu'une diversion pour faire oublier l'essentiel, qui est que cette réforme des retraites va faire 100% de perdants", a-t-il déclaré, avant de reprendre la parole quelques minutes plus tard en défense d'un autre amendement, cette fois sans difficulté particulière.
Aucun des 42 amendements de suppression de l'article premier n'a été adopté. La fin de la séance a été consacrée à la défense d'amendements visant à supprimer cette fois les alinéas 1 et 2 du projet de loi de finances rectificative de la Sécurité sociale, qui concernent spécifiquement l'extinction du régime de la RATP. Ces amendements n'ont pas non plus été retenus. Les députés continueront à débattre de l'article premier lors de la prochaine séance qui aura lieu ce mercredi 8 janvier, à 15h.