Le président de l'Arcom, Roch-Olivier Maistre, a été auditionné ce jeudi 21 mars par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les fréquences de la TNT. Il a notamment commencé à préciser la façon dont l'Arcom allait mettre en œuvre la décision du Conseil d'Etat qui impose aux chaînes de télévision de respecter l'obligation de pluralisme en prenant en compte l'ensemble des intervenants présents sur les plateaux, sans se limiter aux personnalités politiques.
L'Arcom ne procédera pas à un "fichage" politique des intervenants présents sur les plateaux de télévision. C'est ce qu'a indiqué, ce jeudi 21 mars, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) Roch-Olivier Maistre devant les députés de la commission d'enquête "sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre".
Le Conseil d'Etat, dans une décision du 13 février 2024, a estimé que pour apprécier le pluralisme de l'information au sein d'une chaîne de télévision, l'Arcom devait prendre en compte non seulement le temps d'intervention des personnalités politiques, mais aussi celui des chroniqueurs, des animateurs et des invités. Cette décision est la conséquence d'une saisine de Reporters sans frontières, qui ciblait particulièrement la chaîne CNews. Elle suscite cependant des interrogations et des inquiétudes au sein du paysage audiovisuel français. Le 7 mars, devant la commission d'enquête, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, a évoqué une décision "assez compliquée" à mettre en œuvre. "Sur les chroniqueurs, je ne sais pas comment on va faire", a quant à lui lancé l'animateur Cyril Hanouna, lors de son audition le 14 mars.
Ayant écarté toute idée de "fichage", Roch-Olivier Maistre a souligné que "cette décision [du Conseil d’État] s'impose à tous", évoquant une "lecture renouvelée de la loi de 1986" relative à la liberté de communication audiovisuelle. "Notre responsabilité, c'est de la mettre en œuvre", a encore déclaré le président de l'Arcom. L'autorité de régulation prendra bientôt une "délibération de portée générale", afin d'en "préciser le mode d'emploi", a-t-il indiqué.
Roch-Olivier Maistre affirme que l'Arcom respectera "la liberté éditoriale des médias" : "Le régulateur ne mettra pas le doigt dans le choix des thèmes traités par les éditeurs, ni dans le choix des intervenants", a-t-il expliqué. "On ne transposera pas à l'ensemble des intervenants sur les plateaux de chaînes de télévision les obligations qui s'appliquent en matière de pluralisme politique" a, en outre, précisé Roch-Olivier Maistre, qui estime qu'il n'est pas question d'un "fichage de l'ensemble des intervenants (...) pour les qualifier d'une sensibilité politique". Et d'ajouter : "Le Conseil d’État ne nous demande en aucune façon de rentrer dans cette voie de catalogage."
Pour veiller au respect du pluralisme "qui est un objectif de valeur constitutionnelle", l'Arcom s'attachera à repérer l'existence éventuelle d'un "déséquilibre manifeste et durable" sur la longue durée. Parmi les pistes évoquées par Roch-Olivier Maistre, le déséquilibre pourrait être constaté sur une durée d'un mois pour les chaînes d'information et de trois mois pour les autres chaînes. "Nous bâtirons un faisceau d'indices qui permettra d'apprécier si ce déséquilibre manifeste et durable est constaté." Le travail de l'Arcom se concentrera "en priorité" sur les programmes d'information, mais portera aussi sur ceux qui "concourent à l'information", c'est-à-dire certains programmes mêlant information et divertissement (comme Touche pas à mon poste ! sur C8).
En attendant les précisons de l'Arcom, les chaînes de télévision sont déjà tenues de vérifier que le pluralisme, au sens où l'entend désormais le Conseil d'Etat, est bien respecté : "Cette décision s'applique depuis le 13 février (...) les éditeurs doivent se conformer à cette décision et à son esprit", a martelé Roch-Olivier Maistre.
S'agissant du pluralisme politique, le président de l'Arcom est notamment revenu sur la décision de certains élus et personnalités politiques de gauche de boycotter CNews : "On ne peut naturellement pas forcer un représentant d'une formation politique à venir sur un plateau où il ne souhaite pas aller", a expliqué Roch-Olivier Maistre. Pour autant, les chaînes boycottées doivent, "dans [leurs] journaux d'information", couvrir "de façon équitable" les différentes forces politiques, a-t-il rappelé.
Enfin, le président de l'Arcom a profité de l'occasion pour suggérer aux députés d'"envisager l'adaptation de notre droit aux bouleversements en cours", c'est-à-dire de réformer la loi de 1986 relative à la liberté de communication. Roch-Olivier Maistre juge en effet nécessaire de "revisiter la réglementation anti-concentration", afin de permettre à l'Arcom de "mieux traiter la dimension plurimédias des groupes". Autre priorité, selon lui : "Une nouvelle régulation des grands acteurs de la publicité numérique", afin de "conforter le modèle économique des médias".
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