Après l'absence d'accord entre députés et sénateurs sur le projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal, la commission des lois de l'Assemblée a adopté le texte en nouvelle lecture dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 janvier. Les députés ont rétabli une bonne partie des mesures qui avaient été supprimées par le Sénat.
Après dix jours de débats mouvementés, le Parlement joue les prolongations. Malgré quatre heures de réunion jeudi après-midi, députés et sénateurs ont échoué à trouver un accord sur le projet de loi instaurant le passe vaccinal. Les députés ont donc démarré dans la soirée une nouvelle lecture du texte "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire" en vue de son adoption définitive. En commission des lois, les députés ont rétabli nombre de mesures que les sénateurs avaient supprimées lors du passage du projet au Palais du Luxembourg. La majorité présidentielle a cependant repris quelques mesures qui faisaient quasi-consensus en commission mixte paritaire quelques heures plus tôt.
L'essentiel des informations à l'issue de la nouvelle lecture en commission des lois
- Les députés ont rétabli l'obligation du passe vaccinal lors des transports inter-régionaux et les jauges dans les stades et les salles de concert.
- Ils ont également voté un amendement excluant du passe vaccinal les jeunes de moins de 16 ans.
- Concernant les contrôles d'identité, tout document comportant une photo pourra être présenté. Une carte d'identité ne sera donc pas nécessaire.
- Adopté en commission dans la nuit de jeudi à vendredi, le texte sera discuté en séance publique à partir de vendredi après-midi, et devrait arriver au Sénat samedi.
Les députés ont adopté un amendement du rapporteur, Jean-Pierre Pont (LREM) qui rétablit le texte adopté par l'Assemblée nationale concernant la réglementation applicable aux établissements recevant du public. Les Sénateurs plaidaient pour que les jauges (2000 en intérieur, 5000 en extérieur) puissent être modulées jusqu'à 50 % de la capacité d’accueil restante. Les députés ont tranché et maintiennent leur rédaction, qui précise que "les caractéristiques des établissements concernés [soient prises en compte]".
Jean-Pierre Pont est aussi revenu sur la version du Sénat en rétablissant par un amendement la version de l'Assemblée nationale concernant l'application du passe vaccinal aux déplacements de longue distance par transports publics inter-régionaux. Le passe vaccinal sera donc obligatoire pour se déplacer d'une région à l'autre, "sauf motif impérieux d'ordre familial ou de santé" et présentation d'un test négatif. En outre, un amendement de la majorité "maintient l'application du passe sanitaire aux grands magasins et centres commerciaux" tandis qu'un autre "rétablit le dispositif renforçant les sanctions en cas de défaut de contrôle du passe."
Les députés de La République en marche ont déposé plusieurs amendements, dont un en faveur d'un compromis sur la question des mineurs. Les sénateurs avaient exclu du passe vaccinal l'ensemble des jeunes de moins de 18 ans et l'Assemblée avait voté pour exclure les jeunes de moins de 16 ans lors des activités extrascolaires. Avant qu'elle ne soit mise en échec, la CMP s'était mise d'accord pour exclure du dispositif tous les jeunes de moins de 16 ans, qui resteront soumis au passe sanitaire. Yaël Braun-Pivet et Jean-Pierre Pont ont donc proposé de reprendre cette proposition, ce que les députés de la commission des lois ont approuvé.
Pour ce qui est du contrôle de l’identité du porteur du passe vaccinal, la commission des lois du Sénat avait modifié le dispositif, en adoptant une version permettant de présenter tout document comportant une photo : "Il n'y aura pas besoin d’être une carte d’identité. Ce peut être une carte vitale, un pass navigo, une carte professionnelle ou un permis", précisait Philippe Bas (sénateur LR) à Public Sénat.
Le rapporteur Jean-Pierre Pont a proposé de reprendre cette version... et a provoqué un vif débat dans la salle de la commission des lois de l'Assemblée, plusieurs députés s'opposant fermement au principe même de contrôle d'identité. "Quelle que soit la pièce demandée, ce sera toujours un contrôle", a notamment souligné Cécile Untermaier (PS). L'amendement a été adopté à main levée.
Concernant les entreprises qui ne respecteraient pas les obligations de télétravail, Guillaume Gouffier-Cha (LREM) a proposé avec succès un amendement visant à abaisser le montant de l'amende prévue à 500 euros, contre 1000 euros dans la version adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, sans modifier le plafond total, lequel ne peut dépasser 50 000 euros. C'est un petit pas vers les sénateurs, puisque lors des débats au Palais du Luxembourg, les élus de la Chambre haute avaient refusé le régime prévoyant l’instauration de sanctions administratives pour les entreprises ne respectant pas l’obligation de télétravail,
Du côté de l'opposition, La France insoumise a proposé, sans succès, de supprimer l'article 1er, qui instaure le passe vaccinal et "qui met de l'huile sur le feu" selon Ugo Bernalicis. "Le 'passe sanitaire' est un danger pour les libertés publiques. Il est inefficace sur le plan sanitaire. En effet, si le vaccin permet notamment de réduire le risque de cas graves le passe vaccinal aggravera la situation en renforçant le sentiment de sécurité des personnes vaccinées", estiment les députés LFI.
Au déut de l'examen du texte, la séance a par ailleurs commencé par un vif échange entre Ugo Bernalicis et Yaël Braun-Pivet. Le député insoumis a dénoncé l'échec de la CMP, qui oblige la commission des lois à se réunir... en même temps que la journée d'initiative parlementaire du groupe La France insoumise, qui se tenait jusqu'à minuit dans l'Hémicycle. La présidente de la commission des lois de l'Assemblée a proposé que les travaux de la commission soient suspendus le temps que les députés aillent écouter le ministre Adrien Taquet et Mathilde Panot, rapporteure de la proposition de loi sur "l'abrogation des régimes d’exception créés pendant la crise sanitaire." Les députés ont donc suspendu la séance et se sont rendus dans l'Hémicycle, avant de revenir peu après minuit.
Les députés ont surtout réagi à l'échec de la CMP. "Je regrette que nous n'ayons pu aboutir [avec le Sénat]. Il faut bien dire qu'il y a eu des comportements parlementaires indignes et des tweets (...) aux conséquences qui peuvent être lourdes", critique Laurence Vichnievsky (MoDem). "Il restait des points durs de négociation. La déclaration de [Bruno Retailleau] représentait un mépris de nos institutions et laissait penser que la gestion de crise n'était qu'un simple jeu", a quant à lui déploré Guillaume Gouffier-Cha (LaREM). La socialiste Cécile Untermaier a même qualifié de "connerie" le tweet du président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau. De son côté, le député LR Ian Boucard a dénoncé une "mascarade", estimant que la majorité présidentielle "ne voulait pas aboutir sur cette commission mixte paritaire", qui était pourtant en bonne voie jusqu'à ce tweet polémique.