Loi spéciale : la commission des finances adopte le texte en y intégrant l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu

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Charles de Courson et Eric Coquerel en commission des finances, le 12 décembre 2024
Charles de Courson et Eric Coquerel lors de l'examen de la "loi spéciale" en commission des finances, le 12 décembre 2024 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 12 décembre 2024 à 19:37, mis à jour le Vendredi 13 décembre 2024 à 14:25

Les députés de la commission des finances ont adopté, ce jeudi 12 décembre, le projet de loi spéciale permettant d'assurer la continuité de l’Etat et de la vie du pays jusqu'à l'adoption d'un budget 2025 en bonne et due forme en début d'année prochaine. À l'issue d'un débat animé et parfois tendu, un amendement visant à indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu a été intégré au texte. Le projet de loi spéciale sera examiné dans l'hémicycle lundi 16 décembre.

C'est un débat animé, parfois tendu, qui a occupé deux heures durant, ce jeudi 12 décembre, les députés de la commission des finances. Non pas sur la nécessité de voter le projet de loi spéciale, prévu par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en l'absence de budget pour l'année prochaine. Dans l'attente d'une loi de finances en bonne et due forme, tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale avaient en effet indiqué qu'ils voteraient le texte, afin d'assurer la continuité de l’État et de la vie du pays. Les avis ont en revanche divergé sur la possibilité d'intégrer l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu (IR) au texte.

En début de semaine, le Conseil d'Etat avait rendu un avis indiquant qu'une telle mesure n'avait pas sa place dans la loi spéciale. Et lors de la présentation du texte, mercredi 11 décembre, le ministre démissionnaire du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a estimé que "la loi spéciale n'exprime pas le consentement à l'impôt, elle n'en constate que la nécessité", et "ne permet pas de modifier le barème de l'impôt sur le revenu pour l'indexer sur l'inflation". Le ministre soulignant que cette mesure aurait, par contre, toute sa place dans le projet de loi de finances qui serait présenté en début d'année prochaine, sans que le délai n'impacte les contribuables

"Bricolage" et "géométrie variable"

Ce jeudi, c'est un amendement du président de la commission des finances lui-même qui a été examiné pour introduire cette indexation dans la loi spéciale, ce qui a pu faire poindre des soupçons quant à son impartialité dans l'examen de la recevabilité des amendements. Perrine Goulet (Les Démocrates) a ainsi reproché à Eric Coquerel (La France insoumise) une "application à géométrie variable" de l'article 40 de la Constitution sur la recevabilité financière de propositions portées par des parlementaires, "en fonction de qui dépose des amendements ou des propositions de loi" et évoqué un amendement "de bricolage".

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"Il n'y a eu aucune variabilité", a répondu Eric Coquerel à l'élue du MoDem. "Ce n'est pas du bricolage, juridiquement c'est tout à fait possible de faire un projet de loi ciblé qui permette de ne pas attendre", a-t-il aussi fait valoir, avant de battre en brèche l'argument selon lequel cet amendement consisterait à dédouaner les tenants de la censure, qu'il n'a pas hésité à "assumer".

"Taux" contre "périmètre"

"L'impôt existant en 2024, je le lis au travers de quel périmètre de contribuables il touche", avait argumenté Eric Coquerel un peu plus tôt en réponse à l'avis du Conseil d’Etat, revendiquant "une lecture différente" quant à "l'exigence de prolongation du cadre fiscal de 2024". Un argument vivement contesté dans les rangs du groupe Ensemble pour la République. "La définition d'un impôt, c'est un taux et une base, ce n'est pas un périmètre", a ainsi fait valoir Thomas Cazenave, tandis que Jean-René Cazeneuve a accusé le président de la commission des finances de "violer la Constitution". "Chacun sait qu'on y est favorable, et que ça aura lieu bien avant qu'il y ait des conséquences pour les Français" a, en outre, précisé David Amiel, renvoyant l'indexation du barème de l'IR au futur projet de loi de finances.

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"Je ne comprends pas la polémique animée par le groupe EPR (...) sur un amendement qui, au pire est inutile, au mieux va sécuriser nos concitoyens", a pour sa part déclaré Eva Sas (Ecologiste et social), quand Matthias Renault (Rassemblement national) a accusé le camp présidentiel de batailler pour des raisons plus politiques que constitutionnelles. "Ce qui vous embête, c'est de ne pas avoir de levier pour le prochain budget, de ne pas pouvoir dire en janvier 2025 : 'si vous ne votez pas pas le PLF, il n'y aura pas d'indexation de l'impôt sur le revenu'", a-t-il estimé.

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Finalement, et malgré la mise en garde du rapporteur général de la commission des finances, Charles de Courson (LIOT), qui a lui aussi estimé que l'introduction de la mesure dans la loi spéciale serait "inconstitutionnelle", les députés ont adopté l'amendement porté par Eric Coquerel (25 voix "pour", 2 "contre", 19 abstentions). L'ensemble du projet de loi spéciale a, quant à lui, été approuvé à l'unanimité par les élus de la commission des finances. Il sera examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale et soumis à l'ensemble des députés lundi prochain, 16 décembre.